La société communiste, ou la maîtrise des rapports de l'homme avec la nature et la biosphère

Stampa
13 décembre 1996

Le pouvoir qui sortira de la révolution prolétarienne sous le drapeau du communisme placera sa priorité dans ce domaine où l'application du critère du profit est particulièrement inacceptable : celui de l'alimentation de tous les êtres humains. Il se donnera pour tâche immédiate, essentielle, de restituer aux populations des pays pillés par l'impérialisme à travers le monde les possibilités concrètes d'une vie digne et humaine.

N'en déplaise à tous les pourfendeurs de la prétendue surpopulation de ces pays, les ressources mises en commun de l'humanité permettraient de nourrir correctement les milliards d'humains qu'ils considèrent avec mépris et crainte à la fois.

Que leur système soit mis à bas et ses dirigeants écartés du pouvoir de nuire, et d'immenses ressources seraient libérées.

L'arrêt des guerres et des dépenses d'armement, la reconversion de toute cette industrie de mort en fabrication de biens utiles aux populations, voilà déjà un grand pas en avant qui serait rendu possible. Selon un rapport de l'ONU qui date de quelques années, les dépenses nécessaires d'urgence dans le monde en matière d'eau potable ne s'élèveraient sur dix ans qu'à trois mois de dépenses militaires. Ou encore, le prix payé pour deux navires de guerre par la Malaisie en 1992 aurait suffi à fournir de l'eau potable pendant un quart de siècle aux cinq millions d'habitants de ce pays qui en manquent.

Autre gâchis qu'il serait possible de supprimer très vite : celui qui accompagne l'agriculture et l'élevage dans les conditions actuelles. Après les jachères, les quotas laitiers, la destruction des fruits ou légumes jugés excédentaires par rapport au nombre d'acheteurs solvables, voilà qu'on se met à abattre avec des primes à l'appui les tout jeunes veaux presque nouveaux-nés par milliers sur des chaînes spécialement aménagées pour cela. En effet, si leur naissance était indispensable pour que leurs mères produisent du lait, ils deviennent ensuite superflus, en vertu de cette raison incroyable que, si on les élevait, ils risqueraient d'"alourdir dangereusement" le marché de la viande bovine déjà saturé et en crise... en Europe.

Une politique agricole commune, mais cette fois commune aux hommes et aux femmes de la terre, et non plus soumise aux intérêts des multinationales de l'agro-alimentaire, entrerait désormais dans le domaine du possible. Karl Marx disait : "l'agriculture, dès lors qu'elle progresse (...) sans être dominée consciemment, laisse des déserts derrière elle".

C'est pourquoi nous luttons pour que vienne le temps de la domination consciente !

Car, encore une fois, ce n'est pas l'industrialisation en elle-même qui est nécessairement en cause. Entre 1950 et 1985, la production mondiale de grains a pu être multipliée par 2,6 en grande partie grâce aux applications de la chimie. Des famines ont pu être évitées. Pas toutes, mais cela a été un progrès incontestable, même s'il a été très mal réparti. Le recul a montré que la contrepartie écologique en matière d'état des sols et des eaux est lourde, mais cela est dû largement au fait que toute cette politique a été menée sous la direction des multinationales de l'industrie agro-alimentaire, dont les profits dans cette affaire ont été aussi massifs que l'utilisation des pesticides et des engrais chimiques dans les campagnes asiatiques. Et une utilisation raisonnée de ces mêmes produits, qui permettrait une agriculture efficace et prévoyante en même temps, est parfaitement concevable.

Dans une autre société, la recherche n'étant désormais plus soumise aux intérêts concurrents des trusts, qui l'amènent à s'intéresser davantage aux problèmes des industriels qu'à ceux des consommateurs, les sciences de l'agronomie, de la chimie, de la biologie, pourront donner leur mesure.

Ne serait-ce que sur la base des industries et techniques actuelles, l'humanité dispose potentiellement de connaissances et de moyens qui rendent d'autant plus scandaleux tout ce gâchis engendré par le capitalisme.

Les satellites permettent de rassembler une masse d'informations sur la Terre, sur l'évolution de sa végétation, etc. Aujourd'hui, des organismes comme le CNES font payer des droits sur l'accès à ces images, des sociétés privées se montent pour les commercialiser, et comme cela coûte cher les multinationales de l'agro-alimentaire ou forestières peuvent aisément les truster.

Mais cette masse d'images et de données pourrait, dans une autre société, constituer un outil précieux pour dresser l'inventaire des ressources naturelles communes de la Terre. La science écologique dans son ensemble, pourvue de moyens considérables, connaîtrait un tout autre développement et pourrait offrir à la société les possibilités de maîtriser ses rapports avec la nature dans l'intérêt collectif, et dans la durée. Cela ne relève plus de l'utopie du moins à la condition que l'humanité parvienne à se défaire du carcan du système économique capitaliste.

Dans la société actuelle, les connaissances scientifiques étant réservées à un petit milieu, les préoccupations de type écologiste restent le plus souvent assez nébuleuses, ou bien relèvent plus de l'esprit de clocher que de l'intérêt général. Elles peuvent être aussi, on l'a vu, manipulées par les profiteurs du système économique dans leurs intérêts. C'est seulement dans une société socialiste, que de telles préoccupations concernant la place de l'homme au sein du monde vivant et dans son environnement terrestre, feraient partie des principales préoccupations générales.

A partir du moment où l'hypothèque de la course au profit et surtout du secret politique, commercial et industriel, serait levée, la confiance pourrait s'instaurer totalement vis-à-vis des sources d'information. Contrairement à ce qui se passe aujourd'hui où, dès qu'une campagne médiatique est lancée sur telle ou telle question d'environnement, les soupçons sont légitimes quant aux enjeux qu'elle peut bien camoufler.

La société communiste est la seule société qui pourra faire ses choix dans la transparence générale. La seule qui pourra permettre qu'on débatte publiquement des petits et des grands projets, par exemple les emplacements et les proportions à accorder à tel investissement industriel, projets qui s'établiront sur les seuls critères sociaux et techniques, ou sur leurs éventuelles conséquences, du moins les conséquences prévisibles, sur l'ensemble de la biosphère le cas échéant.

Lorsqu'il s'est agi de mener sa guerre du Golfe, l'impérialisme américain s'est montré capable d'en gérer l'ensemble des aspects logistiques à partir de centres informatiques extrêmement performants, situés au fin fond des Etats Unis. Alors, pourquoi une société sans concurrence ne pourrait-elle pas se servir de pareils moyens pour étudier rationnellement ses projets régionaux, voire mondiaux, la technique venant mettre à la disposition des hommes le maximum d'informations ? Le but serait autrement exaltant, y compris pour les ingénieurs et scientifiques impliqués...

Toute activité humaine comporte des risques. Aucune technique n'est ni bonne ni mauvaise en soi.

Sans aucun doute, tous les risques technologiques, tous les périls écologiques ne seront pas écartés par enchantement. Mais au moins ils pourraient être assumés consciemment par une organisation sociale qui serait vraiment démocratique.

En disant cela, nous ne sommes pas des rêveurs. Nous ne prétendrons pas que la fixation des priorités de la société ira sans aucun conflit. Les préférences individuelles, locales, etc., ne coïncideront pas automatiquement avec les priorités sociales en tout temps et en tout lieu. Il n'y a aucune raison de penser que la vie sociale perdra de son animation, au contraire même...

Car dans une société socialiste, tout ne sera pas réglé à partir d'un ordinateur central. La décentralisation y sera bien plus grande qu'aujourd'hui. Mais les décisions qui seront prises à l'échelle locale, ou régionale, échapperont à l'esprit de clocher, parce qu'elles seront le fait d'êtres humains parfaitement informés, et prises en fonction d'une conscience sociale que les sociétés de classe ne peuvent pas imaginer.

Nous n'affirmons pas non plus que des erreurs et des dégâts seront impossibles. Cependant, dans la mesure où les incidences de la course au profit seront éliminées, et la démocratie plus large et plus directe, même ces erreurs seront plus facilement repérables en temps utile.

Oui, une telle société véritablement et pour la première fois à la mesure des capacités humaines est possible.

Le progrès peut et doit s'organiser pour rendre la vie de l'homme de moins en moins précaire, et de plus en plus riche à tous les niveaux. Il peut et doit servir à la maîtrise par l'homme, non de la nature, mais de ses rapports avec la nature ; il peut et doit servir à la sauvegarde du patrimoine que représente pour nous tous la formidable diversité des formes vivantes ; il peut et doit servir au respect de tous les êtres vivants.

Car on peut imaginer la biosphère sans l'homme, mais pas l'homme sans la biosphère.

Et, si l'homme modifie la nature, il peut parfaitement le faire sans dégrader son environnement.

Alors, même si nous nous retrouvons parfois aux côtés des écologistes dans certains combats ponctuels, nous militons quant à nous en vue d'attaquer le mal à sa racine. Si l'irrationalité de l'économie capitaliste menace peut-être, en effet, la survie même de l'humanité, nous militons pour la révolution sociale décisive qui est devant nous, qui ouvrira la voie à l'instauration d'une société sans classes, c'est-à-dire d'une société qui pourra alors seulement se dire pleinement humaine.

Il sera alors possible de se demander s'il faut essayer de recréer la forêt primitive dans la Beauce, s'il faut rendre les polders des Pays-Bas à la mer, s'il faut créer de nouvelles zones industrielles en Afrique ou transformer de vastes parties de ce continent en réserves naturelles, s'il vaut mieux sauvegarder la forêt amazonienne que de la transformer en nouvelle pampa. Et on pourra alors le faire honnêtement, sans hypocrisie, parce que toutes les ressources économiques de la planète seront mises à la disposition de tous les peuples de la Terre, des Indiens d'Amérique comme des Européens, des habitants des pays aujourd'hui industrialisés comme de ceux des régions où l'impérialisme a stérilisé tout développement économique.

Communistes et internationalistes : il n'y a pas d'autre moyen de défendre ce patrimoine commun de l'humanité qu'est la Terre.