... et de la loi du profit

Imprimer
13 décembre 1996

Enfin, le développement industriel dans le cadre capitaliste ne dompte pas la nature, il la saccage. Non seulement parce qu'il ne s'inquiète pas des conséquences éventuelles de ses agissements, parce qu'il ne voit pas plus loin que les gros comptes en banque, mais aussi de manière directe dès qu'il peut faire entrer les richesses naturelles dans la catégorie des valeurs marchandes.

Cela se voit notamment dans le domaine de la pêche industrielle.

Pour les petits pêcheurs des côtes de l'Inde, un nouveau genre de requin est menaçant : les gros chalutiers industriels, qui font des captures massives de poissons destinés à l'exportation. Pour ces petits pêcheurs et les habitants de ces régions, le poisson, nourriture de base, est devenu plus rare et plus cher, car leurs zones de pêche littorales sont dépeuplées, y compris au mépris de toute légalité, par ces chalutiers qui ramassent tout sur leur passage.

De même, au large des côtes de l'Afrique de l'ouest, la moitié environ du poisson est capturée par des flottes appartenant à des pays industrialisés, surtout des pays de l'Union européenne. Ce poisson est destiné aux consommateurs de nos pays riches, qui ont les moyens de le payer plus cher, pour eux-mêmes, et aussi pour l'alimentation de leurs animaux familiers.

Au Chili, la consommation nationale de poisson a diminué de moitié parce que le marché à l'exportation de la farine de poisson est plus lucratif que la vente aux populations pauvres.

Et, dans le même temps, la pêche industrielle de plus en plus concentrée sous contrôle capitaliste a pour effet de détruire une bonne partie des réserves de poissons, qui, trop indistinctement et massivement capturées, ne peuvent plus se reconstituer normalement. Quand l'importance des prélèvements l'emporte sur les capacités naturelles de renouvellement, c'est la raréfaction, et même parfois le dépeuplement d'une mer entière.

Ce qui est en cause, c'est l'exploitation intensive en vue de rentabiliser des bateaux et des matériels coûteux. Elle met en péril la reproduction des espèces dans plusieurs régions du globe surtout là où les zones de pêche sont devenues zones d'une guerre économique féroce.

Pourtant, une exploitation saine, équilibrée, prévoyante des ressources des mers par la collectivité pourrait éviter ce genre de risques. Les principes en sont connus, mais peu appliqués, en particulier dans les eaux baignant les pays pauvres. Une illustration de plus du conflit entre les intérêts privés capitalistes et ceux de la société dans son ensemble.

Cela dit, l'étatisation de l'économie ne peut pas suffire à elle seule à régler le problème. On l'a bien vu dans le cas de l'ex-Union soviétique : la gestion bureaucratique par une caste privilégiée au pouvoir a conduit à un mépris de l'environnement naturel et des risques pour la collectivité qui a été illustré par la catastrophe de la centrale de Tchernobyl, mais aussi, par exemple, par celle de la mer d'Aral.

Là aussi, l'absence de perspective à long terme, mais au contraire une gestion à courte vue, a entraîné des conséquences dramatiques.

Dans les années 1960, pour développer la culture irriguée du coton dans le Kazakhstan désertique, on détourna la plus grande partie des eaux de deux grands fleuves alimentant la mer d'Aral, et tout cela sans précautions mais en utilisant excessivement engrais et pesticides. Résultats : le niveau de cette mer a baissé de quelque 15 mètres, sa surface s'est réduite, la faune a disparu, et, parallèlement, presque le tiers des terres irriguées s'est salinisé, et a été rendu impropre à la culture. L'ensemble de ces conséquences inclut une spectaculaire augmentation de la mortalité humaine dans la région.

L'existence de "plans" officiels ne peut pas suffire par elle-même, comme si c'étaient de simples instruments techniques. Tout dépend dans quels objectifs ils sont conçus : les intérêts égoïstes et myopes des bureaucrates détenteurs du pouvoir, ou bien ceux de la collectivité humaine, présente et à venir.

Et tout dépend aussi du degré de démocratie dans le fonctionnement de la société, car l'élaboration comme l'application de plans à moyen et long terme au profit de la collectivité humaine, dans le domaine environnemental comme dans celui de la production, exigent la participation consciente et éclairée de toutes et tous.

En tout cas, la dimension collective des problèmes d'environnement appelle d'urgence une réorganisation sur des bases collectives de la société à l'échelle du monde.