L'époque des "lumières" et les femmes

Yazdır
10 novembre 1995

A la veille de la Révolution française, un siècle plus tard, l'image de la société n'était pourtant plus la même. La morale dominante voulait toujours que les femmes fussent cloîtrées chez elles, sinon au couvent, mais elle était battue en brèche de plusieurs côtés.

Les femmes des classes populaires devaient bien se débrouiller pour subvenir à leurs besoins. Beaucoup travaillaient, ce qui les amenait à participer peu ou prou à la vie publique. Elles n'étaient pas pour autant indépendantes des pères et des maris, qui avaient le devoir de leur assurer un toit, ce qui permettait du même coup de les payer très peu.

Dès l'âge de 12 ans, les femmes ordinaires en Europe travaillaient pour aider leur famille et pour constituer la dot indispensable pour se marier plus tard. Elles se plaçaient avant tout comme servantes. Avec l'aisance accrue dans les milieux privilégiés des villes, la demande de personnel domestique augmenta, et comme, dans le beau monde, on exigeait des servantes qu'elles aient un minimum d'instruction et de tenue, l'instruction des filles fit des petits progrès. D'autant que la concurrence entre les Eglises catholique et protestante pour s'attacher les âmes avait quelques effets bénéfiques de ce point de vue. Dans les familles protestantes, par impératif religieux, on leur apprenait à lire au moins la Bible. Les curés catholiques créèrent donc des "petites écoles" de filles à eux, où on n'enseignait que ce qu'il fallait pour lire le catéchisme.

Quand elles étaient trop miséreuses et ignorantes, les filles qui affluaient des campagnes dans les villes se retrouvaient exclues, filles publiques que la police pourchassait, qui pouvaient être marquées à vie, emprisonnées par charrettes entières à la Salpêtrière.

En-dehors du personnel domestique, les femmes étaient employées dans le textile, où il y avait cinq fois plus de femmes que d'hommes, dans des conditions affreuses, avec des salaires de misère. D'ailleurs, dès qu'un nouveau secteur s'ouvrait, le fait de déclarer tel travail "réservé aux femmes" permettait aux patrons de payer des salaires plus bas.

C'est dans les milieux des aristocrates et des grands bourgeois que les femmes firent à l'époque parler d'elles au point d'apparaître prépondérantes dans la vie sociale. L'usage et les moeurs avaient pris de grandes distances avec les règles officielles, bafouées ouvertement dans ces milieux, où des femmes d'esprit indépendant faisaient de la résistance.

Dans les fameux "salons", où hommes et femmes se côtoyaient, du moins en France, où se discutaient et s'élaboraient les idées nouvelles, les femmes occupaient une position respectée et estimée.

Le XVIIIe siècle en Europe, c'était bien un monde en mouvement ! Partout, en Angleterre, dans les pays allemands, en Italie, à Lyon, à Paris, il y eut des émeutes, des révoltes de toutes sortes. Et quand il y avait émeute, les femmes du peuple étaient au premier rang. Elles allaient jouer un rôle décisif dans les événements révolutionnaires de l'année 1789 en France. Les masses qui firent alors pour la première fois irruption sur la scène politique, et qui ensuite, à chaque crise, firent par leur intervention brutale le travail révolutionnaire pour le compte des bourgeois, ces masses furent largement des masses féminines.