Il a toujours été à la mode parmi les intellectuels bourgeois en général, et les social- démocrates en particulier, de reprocher à la révolution d'Octobre d'avoir abouti à Staline. Oui, par suite de son isolement dans un pays pauvre, la première révolution prolétarienne victorieuse a fini par aboutir à une dictature.
Comme si, en son temps, la longue marche de la bourgeoisie vers le pouvoir s'était fait de façon démocratique ! Même en France, où pourtant le peuple révolutionnaire a, de 1789 à 1795, radicalement balayé la société des scories du passé, la bourgeoisie a mis quatre-vingt ans pour se donner, en 1871, une république parlementaire à peu près stable.
Comme si cela n'avait pas été une bourgeoisie bien établie, riche et civilisée, la bourgeoisie d'Allemagne, qui avait confié le pouvoir politique à une des dictatures les plus abjectes du siècle, celle de Hitler. Et même aujourd'hui, alors que le règne de la bourgeoisie sur le monde est pour le moment incontesté, dans combien de pays gouverne-t-elle de façon démocratique ? Et combien de nos "démocrates" d'ici, "socialistes" ou non, quand ils sont au pouvoir, protègent, arment et financent, en Afrique ou ailleurs, des régimes qui sont des dictatures infâmes contre leur peuple ?
Mais en réalité, l'évocation de Staline ne sert à ces gens que pour s'en prendre à la révolution d'Octobre. Car ce n'est pas Staline que la bourgeoisie craignait, au contraire, les puissances impérialistes ont su s'en faire un allié, non seulement dans les rivalités qui les opposaient les unes aux autres, comme pendant la Seconde Guerre mondiale, mais surtout dans la guerre de classe qui les opposait au prolétariat.
Car si Staline a été un dictateur, sa dictature s'est établie et consolidée pour l'essentiel contre la classe ouvrière elle-même. Pour se poser en héritier de la révolution d'Octobre, Staline a physiquement liquidé la quasi-totalité de ceux qui ont fait la révolution. Pour pouvoir se poser en représentant du communisme, il a bâillonné la classe ouvrière, interdit ses organisations. C'étaient là d'utiles références pour la bourgeoisie mondiale.
La marche consciente vers le communisme n'a pas été arrêtée en ce mois de décembre 1991 où le dernier en date des chefs de la bureaucratie, Eltsine, a décrété la dissolution de l'Union soviétique et sa volonté d'oeuvrer pour le retour du capitalisme. La révolution a été brisée, moins de dix ans après octobre 1917, lorsque la bureaucratie s'est définitivement substituée aux travailleurs révolutionnaires dans la direction de l'Etat soviétique.