L’armée française enlisée au Mali

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juillet - août 2020

Sept ans après le début de son intervention au Mali, l’armée française se retrouve aujourd’hui piégée dans une guerre sans issue. Non seulement elle s’avère chaque jour incapable d’éradiquer les groupes armés djihadistes sur le terrain, mais ceux-ci ont même étendu leurs zones d’opérations à tout le Mali et aux pays voisins.

Une région complètement déstabilisée

Le temps est loin aujourd’hui où Jean-Yves Le Drian, alors ministre de la Défense de François Hollande, pouvait déclarer : « Les opérations militaires majeures de l’armée française au Mali sont terminées. Nous sommes maintenant dans l’après-guerre. » C’était en mai 2013, quelques mois après l’arrivée des hommes de l’opération Serval au Mali. Ils avaient chassé les groupes djihadistes des grandes villes du nord du pays et délogé leurs combattants du dernier massif montagneux où ils s’étaient réfugiés. À cette époque, la population de Tombouctou accueillait en libérateur François Hollande, après des mois d’occupation djihadiste qui avaient transformé la ville en un véritable enfer moyenâgeux. Ceux qui applaudissaient le président français pouvaient encore croire que l’armée française était là pour les protéger.

Ce n’était pourtant qu’un début. Les groupes djihadistes, nullement éradiqués, s’étaient simplement dispersés. La guerre se transforma en une guérilla dont la population fut d’emblée la première victime. En 2015, un groupe proche d’AQMI commit le premier attentat dans la capitale, Bamako. La guerre ne se cantonnait désormais plus au nord du pays. La rentrée scolaire de 2016 ne put avoir lieu ni dans le nord ni dans le centre. En brousse, les groupes armés menaçaient les enseignants et ne reculaient pas devant l’assassinat. Dès la fin de cette année, la zone frontalière entre le Mali, le Niger et le Burkina Faso, dite zone des trois frontières, fut à son tour la cible des djihadistes. Attaquant les villages sur leurs motos, ils prétendaient interdire la scolarisation des filles, imposer la loi islamique et ramener toute la population des siècles en arrière. De là, leur rayon d’action s’étendit rapidement aux pays voisins, et en premier lieu au Burkina Faso, où des centaines de milliers d’habitants ont dû depuis quitter leurs villages pour fuir la violence et se réfugier là où ils le pouvaient.

Ni les 4 500 soldats français alors déployés au Sahel, ni les 12 000 soldats de la Minusma envoyés par l’ONU, ni les troupes du G5 Sahel composées de contingents des cinq pays africains les plus menacés n’ont pu protéger la population. Quant à l’armée malienne, elle s’est davantage illustrée par ses exactions que par sa capacité à combattre les djihadistes. Dans le nord, elle avait l’habitude de se venger sur les populations arabes et touareg de la défaite qu’elle avait subie. Mais elle n’a pas fait mieux dans le centre, et maintenant dans la zone des trois frontières. Les habitants ont maintes fois raconté comment les corps retrouvés dans des charniers étaient ceux de villageois emmenés quelques jours auparavant par les militaires. Lorsque des villageois rencontrent des militaires maliens, s’ils n’arrivent pas à s’en détourner, ils sont bons le plus souvent pour se faire agresser ou racketter. Dans les opérations contre les groupes armés, le nombre de morts civils que l’armée malienne laisse derrière elle est parfois plus important que celui de djihadistes. Et au Burkina, l’armée régulière ne fait pas mieux, massacrant des centaines de civils, notamment parmi la population d’origine peule.

Avec l’expansion du champ d’action des djihadistes, et donc des exactions de l’armée malienne, une autre calamité s’est abattue sur la population : les massacres interethniques. Partout où elle l’a pu, l’armée malienne a exacerbé les traditionnels conflits entre agriculteurs bambaras et dogons et éleveurs peuls pour le contrôle de la terre, si bien que des milices dites d’autodéfense se sont constituées des deux côtés. L’armée malienne a utilisé comme éclaireurs, informateurs et supplétifs les chasseurs dogons. Ceux-ci en ont profité pour régler leurs comptes, forts qu’ils étaient de l’impunité que leur procurait ce rôle. Les villages peuls ont alors monté leurs propres milices et un engrenage d’enlèvements, d’assassinats, d’attaques aux points d’eau et sur les villages s’est ainsi enclenché. Il a abouti au bain de sang perpétré dans le village peul d’Ogossagou, dans le centre du Mali, où 160 personnes ont été tuées en mars 2019. Ce cycle d’affrontements interethniques s’est depuis étendu au Burkina voisin.

Prise en étau entre djihadistes, armée malienne et milices d’autodéfense, la population des villages en brousse vit un enfer, qui a poussé des centaines de milliers de personnes à la fuite. Rien d’étonnant donc à ce qu’elle ne compte plus sur l’armée française et ses supplétifs pour la protéger. Mais, dès le début, tel n’était pas le but des troupes françaises, et leur échec actuel à assurer la sécurité de la population n’est que le reflet de ses véritables objectifs.

Les buts de guerre de la France

L’armée française est intervenue au Mali pour remettre sur pied un régime à la botte de Paris, de la même manière qu’elle avait donné le coup de pouce final à Alassane Ouattara en Côte d’Ivoire pour l’emporter face à son rival Laurent Gbagbo en 2011, ou encore comme elle allait le faire quelques mois plus tard en République centrafricaine. Serval n’était que la dernière d’une suite d’interventions militaires françaises dans les anciennes colonies africaines. C’est pour pouvoir effectuer rapidement de telles interventions que la France conserve des bases en Afrique. Il n’y en avait pas au Mali à l’époque, du moins pas officiellement, car les hommes des forces spéciales sont prépositionnés un peu partout ; mais les hommes de Serval sont arrivés en quelques heures de Côte d’Ivoire ou du Tchad, dès que le feu vert a été donné de l’Élysée. Jamais un gouvernement français n’a abandonné les dirigeants d’un pays africain appartenant à ce qu’on a l’habitude d’appeler le pré carré de la France, c’est-à-dire les anciennes colonies qu’elle a gardées sous sa dépendance économique et politique.

Cette politique d’intervention armée vient de loin. Lorsqu’au début des années 1960 de Gaulle fut contraint d’accorder leur indépendance aux colonies d’Afrique, après la défaite essuyée en Indochine et le commencement des négociations avec le FLN en Algérie, il prit soin de préparer ces indépendances de manière à ce que les nouveaux États restent soumis à la France. Il choisit des chefs d’État à sa botte pour les diriger, les imposant au besoin par la force comme au Cameroun. Il truffa les appareils d’État naissants de conseillers français et fit en sorte que les nouvelles armées soient constituées sous la houlette de militaires français et dans la continuité des anciennes troupes coloniales.

Il manœuvra aussi pour que soient morcelés les grands ensembles qu’étaient l’Afrique occidentale française et l’Afrique équatoriale française, transformant ce qui était jusque-là de simples divisions administratives en frontières de nouveaux États. Des États peu viables économiquement virent le jour, ce qui les mettait sous la dépendance de l’ancienne puissance coloniale. Cela se fit avec la complicité des dirigeants africains, contents d’obtenir un fief. Ainsi l’union qui exista entre le Mali et le Sénégal en 1959-1960 fut rompue au bout de quelques mois. Dans ce dépeçage, les pays enclavés n’ayant pas d’accès à la mer, Mali, Burkina, furent les grands perdants, car l’Afrique conserve encore aujourd’hui la structure économique de l’époque coloniale. Les zones un peu moins pauvres sont les ports vers lesquels s’acheminaient toutes les richesses au temps des colonies.

Depuis, des choses ont certes changé. Les États africains ont pu générer leur propre personnel politique, souvent issu des institutions internationales, des notables profilés Banque mondiale, mais le cadre est fondamentalement resté le même. La photo de famille de cinq chefs d’État du Sahel convoqués au sommet de Pau par Macron le 13 janvier 2020, et sommés de dire qu’ils avaient demandé l’intervention militaire de la France, en est la parfaite illustration.

Les chefs d’État français qui se sont succédé depuis de Gaulle ont su gérer l’héritage mis en place dans les années 1960 et aider leurs vassaux africains à surmonter toutes sortes de crises, choisissant parfois entre plusieurs d’entre eux. L’opération actuelle contre les groupes djihadistes n’est que le dernier avatar d’une série d’interventions militaires de la France, qui lui ont permis de conserver la mainmise sur cette zone, en aidant les chefs d’État à sa botte à passer le cap ici d’une révolte populaire, là d’un coup d’État militaire, ou de la menace de bandes armées.

Les sociétés françaises n’ont certes plus le monopole des échanges avec les anciennes colonies, et des pays comme la Chine y ont pris une part croissante. Mais, pour une poignée de grands groupes industriels français, leur implantation en Afrique reste vitale. C’est le cas pour Bolloré, qui accapare ports et chemins de fer, pour Bouygues dans les infrastructures routières et pétrolières, pour Total dans le pétrole, ou pour Areva, dont l’uranium vient des mines du Niger. Dans ce dernier pays c’est d’ailleurs un ancien responsable d’Areva, Mahamadou Issoufou, qui est à la tête de l’État. On n’est jamais si bien servi que par soi-même.

Là où la compétitivité de leurs marchandises ne peut suffire à emporter un marché, les liens tissés de longue date dans les sommets de l’État peuvent y suppléer. Et derrière ces liens personnels plane toujours la présence de l’armée française, car les dirigeants africains savent bien que ce n’est pas l’armée chinoise qui viendra les sauver d’une révolte populaire ou d’un putsch de leur propre armée.

L’unique but de l’intervention militaire française au Mali, après bien d’autres, est de préserver la chasse gardée de l’impérialisme français, non seulement au Mali mais dans toutes ses anciennes colonies. Le calvaire vécu par les populations de Gao et Tombouctou en 2012, ou par les habitants des zones contrôlées par les djihadistes aujourd’hui, n’a rien à voir là-dedans.

Le franc CFA

Un des aspects de la dépendance des anciennes colonies est le fait que, soixante ans après l’indépendance, celles-ci n’aient pas le droit de disposer de leur propre monnaie. En Afrique de l’Ouest, les huit pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine utilisent le franc CFA. Il en est de même en Afrique centrale pour les six États de la Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale, leur franc CFA étant différent du précédent. Sur ces 14 pays, seules la Guinée-Bissau et la Guinée équatoriale ne sont pas d’anciennes colonies françaises.

Pour garantir la convertibilité avec l’euro, chaque État doit déposer 50 % de ses réserves de change auprès du Trésor français. Des représentants de l’État français siègent également dans les organes de contrôle des banques centrales des deux zones.

Avec ce système liant la monnaie ayant cours dans ces anciennes colonies à celle utilisée en France, l’État français a assuré depuis les indépendances un avantage non négligeable à ses capitalistes. Un Bolloré peut ainsi faire circuler ses propres capitaux dans la zone CFA, ou rapatrier ses bénéfices, sans avoir à payer de frais de change. Même si l’existence de la zone CFA ne représente plus pour les grands groupes français la même importance qu’à l’indépendance, une grande partie des opérations se traitant désormais en dollars, il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’une forme de mise sous tutelle de l’économie des anciennes colonies.

Pour perpétuer l’existence du franc CFA, arrimé au franc français puis à l’euro, les gouvernements français ont toujours prétendu que la parité fixe existant entre ces monnaies garantissait la zone franc contre l’inflation galopante qui ravage certains pays voisins. C’est oublier un peu vite qu’en 1994, sous la pression conjointe du FMI et du gouvernement français de l’époque, les dirigeants africains ont dévalué de 50 % le franc CFA, doublant du jour au lendemain le prix des produits importés, riz, sucre, essence, et augmentant considérablement celui des denrées produites sur place dans les mois qui suivirent. Ce fut un désastre pour la population.

Cette mainmise monétaire est contestée depuis plusieurs années par toute une partie de la classe dirigeante et des intellectuels africains. Soixante ans après, l’indépendance monétaire des anciennes colonies françaises serait en effet la moindre des choses, même s’il est parfaitement utopique de penser que celle-ci soit plus protectrice pour les classes populaires. Deux ans après la dévaluation du franc CFA, le Nigeria a dévalué sa monnaie, le naira, avec les mêmes conséquences pour la population. Le fait que l’on compte parmi les plus chauds défenseurs de la sortie du franc CFA le président tchadien Idriss Déby, qui n’est certainement pas un anti-impérialiste, montre bien les limites de ce que les travailleurs auraient à attendre de ce changement.

Cette zone CFA vit peut-être ses dernières années. Emmanuel Macron et le président de la Côte d’Ivoire Alassane Ouattara ont annoncé le 21 décembre 2019 la fin du franc CFA et la naissance prochaine d’une nouvelle monnaie, l’ECO, pour ce qui concerne l’Afrique de l’Ouest. Les représentants français seraient en conséquence retirés des institutions monétaires africaines, et l’obligation de déposer des réserves de change au Trésor français supprimée. Rien n’est cependant acquis, tant il reste de problèmes à régler entre le gouvernement français et ceux des anciennes colonies, mais aussi entre pays africains.

Des régimes faillis, nécessaires à l’impérialisme français

On entend souvent des commentateurs, voire des hommes politiques, affirmer aujourd’hui à propos de la guerre au Sahel que « la solution n’est pas seulement militaire » et qu’il faudrait « reconstruire des États faillis ». C’est oublier un peu vite qu’en 2013 c’est le gouvernement français qui a piloté la mise en place d’un nouveau régime au Mali et fait en sorte qu’il soit l’exacte réplique de celui qui n’avait pas survécu à l’offensive djihadiste.

En mars 2012, un groupe d’officiers avait en effet renversé le président Amadou Toumani Touré. Ils l’accusaient d’avoir depuis des années détourné les fonds destinés au ministère de la Défense et d’être à ce titre responsable de la déroute de l’armée malienne dans le nord du pays. Un an plus tard, le gouvernement français lançait parallèlement à son intervention militaire un processus de « transition », avec l’aide de ses alliés africains. Celui-ci aboutit à écarter ces officiers incontrôlables et en septembre 2013 Ibrahim Boubacar Keïta fut élu président. C’était un vieux routier de la politique malienne, qui avait été Premier ministre et vice-président de l’Internationale socialiste.

Les choses rentraient ainsi dans l’ordre pour Paris. Ibrahim Boubacar Keïta jura de mener une lutte implacable contre la corruption, après quoi il s’offrit sur le dos de la population malienne un luxueux avion présidentiel. Dans la foulée, il nomma son fils Karim président de la commission de la Défense de l’Assemblée nationale, un poste stratégique pour avoir la haute main sur les contrats d’armement couverts par le secret défense. On comprend qu’Ibrahim Boubacar Keïta n’ait pas tardé à être surnommé « Ma famille d’abord ».

Cette corruption au sommet de l’État se répercute à tous les niveaux. Le Mali détient un record pour le nombre de généraux par rapport à la taille de son armée, et certains sont devenus immensément riches. Il faut payer des pots-de-vin pour obtenir le moindre papier administratif, et graisser la patte des « corps habillés » pour voyager d’une ville à l’autre. Quant à l’aide internationale, elle est détournée par ceux qui sont censés la distribuer et joue en la matière dans les pays les plus pauvres d’Afrique le même rôle que la rente pétrolière dans certains États mieux lotis. Ce sont toujours les travailleurs immigrés dans les pays riches qui se cotisent pour financer les infrastructures dans les villages dont ils sont issus et y aider la population.

Il ne faut cependant pas oublier que cette corruption qui existe à tous les niveaux de l’appareil d’État malien est la conséquence de sa domination par la France. Les sommes détournées par le clan d’Ibrahim Boubacar Keïta ne sont jamais que des miettes tombées de la table de l’impérialisme français. C’est de ce genre d’État qu’ont besoin les dirigeants français, ce que les commentateurs appellent un État failli, pour pouvoir piller leurs anciennes colonies. Ils ont toujours combattu implacablement les rares régimes qui refusaient le pacte de voleurs garantissant la corruption des dirigeants en échange de l’autorisation donnée à l’impérialisme de piller le pays. Ce fut ainsi le cas du président burkinabé Thomas Sankara, qui affichait fièrement le fait de se déplacer dans une petite Renault 5 plutôt qu’en limousine et l’imposait à ses ministres. Il finit assassiné en 1987, certainement à l’instigation de la France.

Si l’on ajoute à cette corruption endémique les violences de l’armée malienne, il n’y a pas à chercher bien loin pour comprendre que ce régime suscite la sourde révolte d’une partie de la population et fait naître des vocations de djihadistes.

L’armée française, elle aussi, suscite un rejet croissant dans la population. Incapable de la protéger, elle couvre les exactions de l’armée malienne, son alliée, y compris dans ses pires comportements. Les soldats de Barkhane commencent à apparaître comme une troupe d’occupation et suscitent désormais des manifestations contre leur présence. Il faut dire que le gouvernement français ne prend pas de gants pour montrer qui est le véritable maître. C’est ainsi que l’armée et l’administration maliennes viennent juste d’être autorisées à se réinstaller à Kidal, dont la France avait confié la garde aux mouvements indépendantistes en échange de leur ralliement.

Partir ou rester ?

Ne pouvant vaincre militairement, le corps expéditionnaire français se retrouve dans une situation qui a été celle de bien d’autres avant lui. « On commence une guerre quand on veut, on la termine quand on peut », écrivait déjà Machiavel.

En Centrafrique, les dirigeants français ont certes décidé de jeter l’éponge et de retirer l’essentiel de leurs troupes, laissant les soldats de l’ONU qu’ils avaient entraînés dans ce bourbier sanglant confrontés à une situation dramatique. Mais le Mali n’est pas la Centrafrique. Les bandes armées qui se partagent aujourd’hui la Centrafrique ont pour seule vocation de piller les ressources de leur zone et de la défendre contre leurs rivaux. Ils ne se revendiquent d’aucune idéologie qui leur donnerait une capacité d’extension aux pays voisins, comme le Cameroun ou le Gabon. Ceux-ci ont d’ailleurs déjà leurs propres bandes de coupeurs de routes, guère différentes de celles qui sévissent en Centrafrique.

Mais, au-delà, abandonner à son propre sort l’État malien risquerait de signifier aux yeux des dirigeants de toute l’Afrique de l’Ouest que l’abandon des anciennes colonies africaines en cas de coup dur est devenu la règle pour les dirigeants français, et cela pourrait signifier la fin de l’influence de l’impérialisme français en Côte d’Ivoire ou au Sénégal, pays autrement plus importants pour lui que cette ancienne colonie oubliée que fut de tout temps la Centrafrique. Les dirigeants français n’ont en tout cas pas fait pour l’instant le choix de se retirer.

Le léger renfort des troupes, Barkhane passant de 4 500 à 5 100 hommes, ne changera rien à la situation sur le terrain. Les troupes africaines du G5 Sahel ou des armées malienne et burkinabé n’arrivent même pas à se protéger elles-mêmes. Les États-Unis et les autres pays d’Europe, appelés à l’aide, évitent soigneusement de venir rejoindre la France dans le bourbier sahélien.

Le gouvernement malien, de son côté, a bien tenté d’explorer la voie des négociations avec les djihadistes, à l’instar de ce que les dirigeants américains font avec les talibans en Afghanistan. L’accès à la mangeoire pour quelques chefs en échange d’une promesse de déposer les armes constitue une façon habituelle au Mali d’en finir avec les rebellions. C’est ainsi que se sont terminées les rebellions indépendantistes touareg depuis l’indépendance, et qu’ont été négociés en 2015 sous l’égide de la France les accords d’Alger avec les groupes indépendantistes touareg comme le MNLA, qui avaient conquis le nord du Mali au côté des djihadistes avant d’être supplantés par eux. Mais, pour l’instant, les dirigeants djihadistes n’ont pas donné suite.

L’armée française se retrouve ainsi embourbée sans voie de sortie. Chaque jour qui passe montre à quel point son intervention de 2013 a été pour les populations du Sahel porteuse de violences. Des centaines de milliers d’entre eux ont dû fuir loin de leur village, et ceux qui restent vivent dans la terreur, coincés entre les exactions des djihadistes, les violences intercommunautaires et les méfaits de leur armée nationale.

Lors du vote à l’Assemblée nationale le 22 avril 2013 sur l’intervention militaire au Mali, il ne s’était trouvé aucun des 352 députés pour voter contre. C’était l’union sacrée derrière les intérêts de l’impérialisme français. Les révolutionnaires, et en particulier Lutte ouvrière, se sont, eux, toujours opposés à cette intervention et réclament plus que jamais le départ hors d’Afrique de toutes les troupes françaises qui, depuis l’indépendance, n’ont été porteuses que de malheurs pour la population.

28 juin 2020