Un combat que nous menons au nom du socialisme

Print
10 novembre 1995

Force est de constater que les conquêtes des années d'après 1968 ne peuvent pas être considérées comme irréversibles. Le fait que la société en général, et la situation des femmes en particulier, ne puissent pas progresser lorsque la classe ouvrière recule, nous pouvons le vérifier directement avec l'évolution de ces dernières années.

Dans les années 80, le mouvement féministe a presque complètement disparu partout, pas seulement en France. Bien des militantes féministes des milieux intellectuels et bourgeois se sont reconverties et ont succombé aux charmes plus ou moins discrets de la bourgeoisie. Non seulement la défense du droit des femmes n'est plus à la mode dans les grands moyens d'information, mais elle est même ridiculisée ou dévoyée. Les magazines proposent parfois des "super-femmes" d'affaires en couverture au lieu de top models, mais cela joue le même rôle : les femmes auraient gagné tout ce à quoi elles peuvent prétendre, que pourraient-elles bien revendiquer de plus ? L'égalité, elles sont censées l'avoir obtenue.

Et pourtant ! Pourtant, dans l'immédiat, la législation sur la contraception et l'IVG est contestée dans les faits, depuis dix ans, par des commandos d'extrême-droite, même si les médecins qui acceptent de pratiquer des IVG n'en sont pas encore en France comme aux Etats-Unis à se munir de casques et de gilets pare-balles, et les cliniques concernées de portes blindées. Cette législation est contestée aussi dans la pratique par le manque de moyens attribués aux hôpitaux (près du tiers des hôpitaux publics ne disposent pas de centres d'IVG sur place) ; par la mentalité réactionnaire d'une partie des médecins et de l'administration ; parce que le gouvernement est incapable de faire respecter la législation en vigueur pour peu qu'elle se heurte à ce que la société compte de couches et d'institutions réactionnaires. Et elle en compte de plus en plus ! L'IVG n'est qu'un droit toléré, pas vraiment accepté, que beaucoup d'esprits arriérés rêvent de remettre en cause, et pour lequel il faut encore combattre.

Ce combat est le nôtre. Nous ne le menons pas au nom du féminisme. Nous le menons au nom du socialisme.

La lutte pour l'émancipation des femmes est indissociable de la lutte pour le renversement des sociétés de classes

Nous pensons en effet que la caractéristique essentielle de notre société, c'est d'être divisée en classes, exploités d'un côté, exploiteurs de l'autre, et que la seule force sociale capable de révolutionner jusqu'au bout cette société, c'est la classe ouvrière, parce qu'elle n'a rien à perdre à ces changements.

Les femmes ne constituent pas une classe. Il y a parmi elles des bourgeoises et des prolétaires, des exploiteuses et des exploitées, même si toutes sont des opprimées (les bourgeoises moins que les prolétaires, cependant).

C'est la raison pour laquelle le féminisme, quand il se limite justement au féminisme, ne peut pas aller jusqu'au bout, y compris sur le seul terrain de l'émancipation des femmes, parce que l'histoire l'a toujours montré vient forcément un moment où les femmes qui militent sur ce seul terrain-là sont prisonnières de leurs solidarités de classe.

Les travailleurs ne sont certes pas tous débarrassés des préjugés liés au sexe. Mais l'une des tâches du mouvement socialiste, c'est justement de combattre ces préjugés parmi les exploités, de leur montrer que, comme le disait si bien Charles Fourier, "partout où l'homme a dégradé la femme, il s'est dégradé lui-même", et que, tout comme un peuple qui en opprime un autre ne peut pas être un peuple libre, un sexe qui en opprime un autre ne peut pas être libre.

Mais c'est la classe ouvrière unie et elle seule qui, en transformant la société de fond en comble et en jetant bas l'exploitation, ouvrira la porte à un monde d'où toutes les oppressions auront disparu.