Les religions monothéistes contre les femmes

Drucken
10 novembre 1995

La religion juive, la religion chrétienne, la religion musulmane, pour concurrentes qu'elles soient, se sont toujours montrées d'un parfait accord sur un point essentiel : celui de considérer la femme comme un être inférieur par essence parce que c'est comme cela qu'elle était considérée dans les sociétés où ces religions sont nées.

Dans la péninsule arabique où a vécu Mahomet, par exemple, les nomades bédouins enterraient souvent les bébés filles vivants, et considéraient les femmes ni plus ni moins que comme une partie de leur cheptel.

Les préceptes de l'islam ont peut-être même, comme certains aiment à le souligner, représenté un certain "progrès" en leur temps : parce qu'ils limitaient le nombre des femmes à quatre au maximum pour chaque homme, et visaient à atténuer les abus des Bédouins qui pouvaient répudier les femmes sans aucune limitation. Mais la tradition musulmane était néanmoins le produit de cette société. Et c'est ce produit qui, même s'il a donné lieu à des interprétations variées au fil du temps, et variables aussi en fonction des territoires immenses où l'islam s'est répandu, reste aujourd'hui encore la base de l'enseignement religieux musulman.

L'Eglise catholique, en Occident, a connu une histoire différente. Au Moyen Age, elle est devenue, avec son clergé, une puissance féodale, avec un pouvoir temporel, c'est-à-dire des richesses considérables. Puis elle a été associée à la formation des Etats modernes issus de la féodalité en Europe occidentale, et, bénissant les conquêtes et les pillages effectués par ces Etats en Amérique, en Afrique et en Asie, elle y a conquis une place importante. L'Eglise catholique, puis les églises protestantes, nées à l'époque de l'ascension de la bourgeoisie aux XVIe et XVIIe siècles, ont été intimement liées à la montée du capitalisme.

Autant dire qu'elles ont dû s'adapter au cours des siècles beaucoup plus que la religion islamique des pays de l'empire ottoman, économiquement et socialement plus immobiles, puis dominés par le capitalisme occidental. Et surtout peut-être, l'Eglise a survécu à la Révolution française pour se couler dans la société bourgeoise du XIXe siècle et à l'époque de l'impérialisme ! Pour cela, elle a dû par force mettre bien de l'eau dans son vin de messe...

Pourtant, le pape et son Eglise militent en permanence contre toute modernisation sociale, toute libération réelle de l'être humain : avec souplesse quelquefois, en faisant le gros dos lorsque les circonstances l'imposent, voire en se donnant des apparences de rénovation comme sous Jean XXIII au début des années soixante. Ou bien au contraire en donnant libre cours à sa nature réactionnaire quand l'air du temps s'y prête, comme aujourd'hui, avec un Jean-Paul II qui entend combattre l'esprit des "Lumières" de l'époque de la Révolution française et revenir à l'Eglise triomphante du Moyen Age.

Et si, aujourd'hui, le sort des femmes dans les sociétés riches d'Occident est sans comparaison meilleur pour la grande majorité qu'en Asie, en Afrique, en Amérique du Sud ou au Moyen-Orient, ce n'est certes pas parce que le christianisme ou le judaïsme seraient par essence moins réactionnaires sur le sujet que l'islam.

En matière de relations sexuelles, le pape est à peine moins obsessionnel que l'ayatollah Khomeiny, ou que les prescriptions des sectes juives religieuses intégristes. La prière quotidienne du croyant juif comporte trois remerciements à Dieu : "Béni sois-tu de ne pas m'avoir fait naître non-juif ; Béni sois-tu de ne pas m'avoir fait naître esclave" ; et... "Béni sois-tu de ne pas m'avoir fait naître femme".

On le voit, le pape et ses curés, les popes, les rabbins et les imams, n'ont pas de peine à se trouver des objectifs communs bien rétrogrades, comme ils le font d'ailleurs de plus en plus ouvertement, notamment dans les Conférences internationales de l'ONU, sur des sujets comme la démographie l'année dernière, ou la condition des femmes cette année.