Opposer à la gauche gouvernementale discréditée la politique de classe pour les travailleurs

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septembre octobre 2014

Hollande a tenu à couper court aux rumeurs insistantes de démission dont bruissent les médias, en affirmant son intention d'aller jusqu'au bout de son mandat. Pour une fois, on peut le croire.

Si l'on ne peut écarter l'éventualité qu'un homme politique de la bourgeoisie craque, fût-il président de la République, il n'y a de raison ni institutionnelle ni politique pour que Hollande démissionne dans l'immédiat.

Pas de raison institutionnelle : la Constitution de la Ve République a été ficelée pour rendre le président de la République indépendant des états d'âme des députés. Quand Hollande affirme qu'il « ira jusqu'au bout », il sait que la Constitution a été faite pour que, sauf en cas de haute trahison, un président ne puisse être démis, même s'il a renié toutes ses promesses électorales, même s'il est désavoué par une partie de ses propres troupes. À plus forte raison ne peut-il être démis par les sondages ou par des campagnes de presse.

Pas de raison politique majeure non plus. Le poste de président de la République n'est pas garanti contre les explosions sociales, malgré toutes les garanties institutionnelles. De Gaulle lui-même, qui avait une tout autre autorité que son lointain successeur, en fit l'expérience en ce mois de juin 1968 où il était allé quémander le soutien du général Massu ! Il n'avait d'ailleurs obtenu qu'un sursis, juste le temps que la crise sociale et politique se calme, avant de lancer le référendum de 1969 dont l'échec lui donna un prétexte élégant pour se démettre, son ex-Premier ministre Pompidou lui ayant savonné la planche.

Mais, pour le moment, Hollande n'a à faire face ni à une explosion sociale ni, sur l'autre bord, à une mobilisation ample venant de la droite ou de l'extrême droite.

Les clapotis de la vie parlementaire et la multiplication des affaires plus ou moins malodorantes dans le camp du gouvernement ne font pas encore une crise politique. Si le personnel politique de la bourgeoisie est de plus en plus discrédité, si une fraction croissante de l'électorat populaire, dégoûtée, se détourne des élections, la grande bourgeoisie qui est aux commandes s'en fait une raison. Ses affaires à elle marchent et aucune menace ne se concrétise du côté des exploités. L'alternance électorale, ce hochet concédé en guise de démocratie, amuse certes de moins en moins l'électorat populaire. Il n'y a cependant pas de quoi affoler les Dassault, Pinault, Arnault, Bolloré ou Bettencourt. C'est au personnel de la politique bourgeoise de gérer cette situation - il est payé pour cela !

Pour le moment, de toute évidence, la bourgeoisie n'a pas intérêt à ce que Hollande parte. Les « standing ovations » auxquelles Valls a eu droit en réponse à son discours à l'université d'été du Medef étaient éloquentes. Et Gattaz, porte-voix du patronat, explicite : « Le Premier ministre a eu un discours de grande clairvoyance et de grand pragmatisme. C'est le discours dont on avait besoin. Ça nous fait du bien. C'est très fort, il y aura un avant et un après. »

Les porte-parole de la bourgeoisie savent parfaitement qu'étant donné la crise économique et la menace de son aggravation, il y aura dans la période à venir bien d'autres coups à porter à la classe ouvrière et aux classes populaires. Les mesures proposées par le Medef sur le smic, les 35 heures, les jours fériés sont significatives et du cynisme vindicatif du grand patronat et du fait qu'il prend le gouvernement pour un paillasson. Alors, bien que son cœur soit du côté de la droite - sa représentante naturelle -, la bourgeoisie préfère que le sale boulot soit accompli par un parti qui se déclare socialiste. Autant laisser l'équipe en place faire les « réformes indispensables », c'est-à-dire vider les poches des classes exploitées de multiples manières afin d'accroître la part du capital, financier ou pas.

La droite parlementaire, de son côté, n'a pas intérêt à se presser de prendre le relais dans le cadre traditionnel de l'alternance gauche-droite qui constitue depuis plusieurs décennies le mode de fonctionnement de la Ve République. Elle est talonnée dans l'électorat par l'extrême droite et, pour le moment, la bourgeoisie n'a aucun intérêt à associer le Front national au pouvoir gouvernemental, malgré les efforts de Marine Le Pen pour démontrer que son parti est capable de se substituer, au moins partiellement, à la droite classique.

Même impopulaire, Hollande s'engage à exécuter jusqu'au bout les exigences de la bourgeoisie

Avec 13 % d'opinions favorables selon les sondages, Hollande bat tous les records de plongée en profondeur dans l'impopularité. Mais, on sait bien que les records sont faits pour être battus...

Hollande est cependant suffisamment responsable vis-à-vis de la bourgeoisie pour qu'il fasse ce qu'elle attend de lui, quitte à se suicider politiquement, quitte surtout à « suicider » son propre parti.

Alors, entre les partis politiques et tout autant à l'intérieur des partis, se déroulent de multiples parties de poker menteur où chacun suppute ses propres chances et essaie d'utiliser à son propre bénéfice la crise politique qui menace. Mais, aussi variés et mouvants que soient les rôles des uns et des autres, aucun des camps politiques de la bourgeoisie ne pousse Hollande à la démission.

Même Marine Le Pen, qui réclame à cor et à cri la dissolution de l'Assemblée, ne revendique pas la démission de Hollande. Elle multiplie au contraire les déclarations pour affirmer qu'elle respecte la Constitution de la Ve République et la fonction présidentielle et que, si une dissolution de l'Assemblée devait déboucher sur une victoire de la droite et de l'extrême droite, ce serait à Hollande d'en tirer les conclusions.

Il en va de même à plus forte raison pour la droite parlementaire dont le candidat, quel qu'il soit, l'emporterait pourtant au deuxième tour de l'élection présidentielle. Mais, dans cette période où, avec le discrédit de l'alternance, la vie politique de la démocratie bourgeoise se délite, ils se font tous, à droite comme à gauche, les défenseurs de la fonction présidentielle. Il y a derrière cette sacralisation de la fonction présidentielle, au-delà de la personnalité pourtant si décriée de celui qui l'occupe, la quintessence de la démocratie bourgeoise dans le contexte de la vie politique en France.

Le pouvoir politique, le pouvoir de prendre des décisions, ne doit pas dépendre de l'opinion publique. Hollande restera en place jusqu'à ce que la grande bourgeoisie le congédie.

Il en va autrement pour une éventuelle dissolution de l'Assemblée.

La menace de dissolution est surtout une arme de dissuasion de l'exécutif, en l'occurrence socialiste, vis-à-vis de sa base parlementaire. Pour le moment, elle a l'air efficace. Les frondeurs du Parti socialiste ont choisi de mettre des limites à leur fronde et de s'abstenir lors du vote de confiance au lieu de voter contre. Ils ont calculé soigneusement leur coup pour ne pas menacer, par leurs votes, l'existence du gouvernement.

Si le choix de Thévenoud de se cramponner à son fauteuil de député a déclenché une bronca d'indignation hypocrite, à commencer dans les rangs du Parti socialiste, l'écrasante majorité des députés se compose d'autant de Thévenoud. Mieux vaut être un député déconsidéré que de risquer de perdre son fauteuil à l'Assemblée.

Hollande pourrait se retrouver dans une situation où, la menace ne suffisant plus, il devrait dissoudre l'Assemblée. Mais la question ne se pose pas dans l'immédiat. La droite parlementaire ne met pas beaucoup d'insistance pour réclamer la dissolution de l'Assemblée, même si certains de ses leaders en parlent. Elle sait que, dans le contexte d'aujourd'hui, des législatives anticipées profiteraient principalement au Front national avec, de plus, des conséquences imprévisibles susceptibles de disloquer ses propres rangs.

La dissolution aurait, pour Hollande, l'avantage de faire la preuve de sa responsabilité vis-à-vis de la bourgeoisie, en assumant jusqu'au bout son rôle de garant des institutions tout en cédant la gestion de la politique quotidienne à la droite. En son temps, le coup de la cohabitation avec Chirac avait réussi à Mitterrand. Il avait même fini par se faire réélire en 1988.

Mais on n'est plus en 1988. La crise économique est plus profonde, et grande est la déconsidération de la caste politique. L'alternance gauche-droite dissimule de moins en moins la continuité dans la politique menée.

C'est sur cet arrière-plan que se dessinent les rivalités des clans politiques ou de personnes à l'intérieur des partis.

Passons sur la droite, où l'insoutenable suspense concernant le retour de Sarkozy vient être levé.

Les autres candidats putatifs de la droite baisseront-ils pavillon ? Ses casseroles juridiques empêcheront-elles Sarkozy de reprendre sa carrière politique avec, cette fois, la quasi-certitude d'être réélu ? L'avenir le dira. Parviendra-t-il à surmonter ou à faire taire les rivalités qui déchirent la droite ? De toute façon, cela n'a aucun intérêt pour le monde du travail de savoir qui, de Sarkozy, Juppé ou Fillon, l'emportera.

Le PCF face au discrédit du gouvernement socialiste

La rapidité avec laquelle la baudruche de la fronde au sein du Parti socialiste s'est dégonflée, face au vote de confiance à Valls, éclaire par ailleurs le vide sidéral de la politique du PCF.

La direction du PCF durcit le ton. « Ceux qui refusent ce cap suicidaire doivent entrer en action », clamait Pierre Laurent au lendemain de la constitution du gouvernement Valls 2. Pour reprendre quelques jours après, dans une interview à L'Humanité : « Ouvrons un chemin face à la brutalité de Valls. »

Mais quel est donc ce chemin ?
« Construire les conditions d'une nouvelle alternative politique majoritaire à gauche. »
Les discours et les slogans de la fête de L'Humanité tournaient autour de cette perspective. Les mots « recherche de convergences » ou « rassemblement » revenaient comme des leitmotivs.

Et quels sont donc les courants avec lesquels la direction du PCF veut « converger » ?

Le Parti de gauche, bien sûr, avec lequel le PCF a mis en place le Front de gauche. Europe Écologie-les Verts, qui joue à la demi-opposition maintenant que ses ministres ont quitté le gouvernement. Lesdits « frondeurs » du PS même, dont l'attitude lors du vote de confiance a montré que la virulence de leur fronde est toute relative.

Dans son discours inaugural de la fête de L'Humanité, qu'il a présentée comme « la fête des solutions aux situations bloquées », le directeur du journal, Patrick Le Hyaric, a insisté sur « l'impérieuse nécessité de faire du neuf à gauche ».

Du neuf ?

La stratégie de la direction du PCF est de ressortir pour la énième fois la même politique d'alliances, c'est-à-dire d'alignement au fil du temps derrière Mitterrand puis Jospin et enfin Hollande ! Pitoyable et dérisoire reprise d'une politique qui a tant contribué à décevoir, à démoraliser la classe ouvrière et avant tout les militants du PCF lui-même. Et au moment, précisément, où une grande partie de la classe ouvrière manifeste tout son écœurement devant cette gauche qui mène la politique du grand patronat avec autant de brutalité que Sarkozy, avec l'hypocrisie en plus.

Et cette « convergence », ce « rassemblement », pour quoi faire ?

Pierre Laurent le précise : « La Ve République est à bout de souffle et nous avons le devoir d'ouvrir un chemin vers la VIe République. » « Le régime de la Ve République est moribond », insiste de son côté Éric Coquerel, le secrétaire national du Parti de gauche, allié principal du PCF.

Il se peut en effet que la Ve République soit au bout du rouleau. Mais le pouvoir de la bourgeoisie, de la finance, de l'argent, ne repose pas sur la Constitution de la Ve République. Un changement institutionnel ne mettra pas fin au monopole de la classe capitaliste sur les entreprises, sur l'économie et sur la société. Peugeot, Bolloré, Mulliez ou Dassault auront le même droit d'user et d'abuser du pouvoir que leur donnent leurs capitaux, comme ils l'entendent, comme cela leur est profitable, de produire ou de spéculer, d'embaucher ou de licencier et, surtout, de s'approprier la plus-value produite par leurs milliers d'exploités.

La VIe République est une nouvelle forme de filouterie des partis réformistes « à la gauche de la gauche ». Comme ils sont de moins en moins crédibles en promettant le changement par ce changement de l'équipe gouvernementale, ils promettent le changement des institutions.

Et c'est bien le signe de l'inanité du réformisme, dans une période de crise où il n'y a plus de place pour une politique réformiste qui n'a à offrir aucune autre perspective que de tenter de peinturlurer en couleurs plus plaisantes l'édifice vermoulu d'une démocratie bourgeoise en train de s'enfoncer dans le discrédit.

La direction du PCF rabâche : il faut « redonner espoir dans la gauche ». Mots creux de politiciens bourgeois. Ce dont la classe ouvrière a besoin, ce n'est pas d'espoir dans une nouvelle équipe de politiciens, mais de conscience de ses intérêts de classe et de confiance en ses propres forces.

Les travailleurs n'ont pas à mettre, une fois de plus, leurs espoirs dans une gauche qui, chaque fois qu'elle a eu à gouverner, les a toujours trompés, trahis.

Le mot « gauche », qui recouvre aussi bien une fraction de l'électorat populaire que des politiciens ennemis déclarés de la classe ouvrière, est un mot ambigu et trompeur.

Une des grandes responsabilités du PCF, passé du réformisme stalinien au réformisme social-démocrate, est d'avoir substitué le « peuple de gauche » à la « classe ouvrière », pour mettre dans le même sac les exploités et les politiciens bourgeois qui les méprisent et les oppriment et qui ont besoin de l'électorat populaire pour se faire élire. Il n'y a pas plus de « peuple de gauche » qu'il n'y a de « peuple français ». Il y a les exploités, les exploiteurs et les politiciens qui servent ces derniers. Après avoir abandonné la politique de la lutte de classe, le PCF a abandonné jusqu'aux mots du mouvement ouvrier.

Voilà le genre de politique qui fait qu'un nombre croissant de travailleurs sont dégoûtés de la politique sous toutes ses formes, dont l'augmentation de l'abstention n'est que l'expression électorale.

Voilà le genre de politique qui a conduit à ce qu'une fraction du monde du travail, fût-elle minoritaire, qui « a tout essayé » au cours des dernières décennies, se tourne vers celle qu'« on n'a pas encore essayée », Marine Le Pen.

La vieille ficelle du Parti socialiste : se poser en rempart contre l'extrême droite

Valls et le Parti socialiste essaient de ressortir, à nouveau, la vieille ficelle de se poser en rempart contre la montée du Front national. Mais cette ruse ne peut prendre qu'auprès des plus naïfs. Car c'est le Parti socialiste qui fabrique les conditions dans lesquelles le Front national prend de l'influence là où c'est le plus désastreux, dans le monde du travail.

Le problème qui se pose aux travailleurs et aux militants ouvriers n'est pas de trouver une « alternative à gauche » ou de « redonner espoir dans la gauche ». Il ne faut pas refaire avec d'autres ce qui a été fait avec Hollande et faire renaître d'autres illusions dans d'autres politiciens, venant du PS ou pas. Même si certains, pour ne pas couler avec le bateau, viennent de se démarquer de la politique du gouvernement. Ce serait une fois de plus tromper les travailleurs et une fois de plus ne pas dire l'essentiel.

Car l'essentiel est que, face à la crise et à la rapacité patronale, les travailleurs ont le droit et le devoir de défendre leurs intérêts de classe. Et ce qu'il faut redonner aux travailleurs, ce n'est pas un faux espoir de plus, mais une claire conscience de leurs intérêts d'exploités. Plutôt que de soutenir tel ou tel clan de politiciens qui ne feront au bout du compte que se mettre au service du patronat, il faut défendre l'idée que les travailleurs doivent mettre en avant leurs intérêts collectifs, à commencer par leur droit à un emploi pour tous et à un salaire qui permette de vivre.

Avoir conscience de ces intérêts collectifs ne remplace par les luttes, mais c'est cette conscience qui peut donner un sens à des luttes futures, le seul sens qui pourrait leur permettre de changer le rapport des forces avec le grand patronat.

Parler de lutte de classe n'est certainement pas en soi la garantie d'une politique communiste. Le PCF de l'époque stalinienne en est une preuve.

Mais ce n'est pas pour rien que seuls des partis qui se revendiquent de la nécessaire transformation de la société par la voie révolutionnaire, par la prise du pouvoir par la classe ouvrière et par l'expropriation de la bourgeoisie, continuent à parler le langage de la lutte de classe. Il serait illusoire de penser que le PCF, son appareil et ses notables intégrés dans la société bourgeoise reviennent en arrière.

Mais le PCF compte encore un certain nombre de militants ouvriers qui l'ont rejoint pour le peu qu'il lui reste de communisme. Ils sont confrontés à la détérioration du rapport de force entre les travailleurs et le grand patronat, ils sont confrontés au découragement suscité par le gouvernement de gauche et à l'influence du Front national dans le monde du travail.

La perspective que les communistes révolutionnaires ont à leur offrir n'est pas, ne peut pas être une nouvelle combinaison politicienne, même si elle est présentée comme une alternative, la gauche de la gauche ou la vraie gauche.

Il faut qu'il y ait dans le monde du travail des militants capables de reprendre le langage de la lutte de classe, le seul langage qui vaille pour tout militant ouvrier qui tient à ce que sa classe sociale relève la tête. Et c'est aussi le seul langage qui vaille pour lutter contre la montée de l'influence du Front national parmi les exploités. L'extrême droite est une ennemie mortelle pour les travailleurs. Si elle était associée au pouvoir, elle s'en prendrait directement aux militants syndicaux, aux militants ouvriers et à tous ceux qui résistent d'une manière ou d'une autre au pouvoir patronal ou s'opposent à l'évolution rétrograde de la société.

19 septembre 2014