La croissance des multinationales

Yazdır
14 mars 1997

En période de crise, les multinationales éliminent les petits ou les plus faibles et s'absorbent entre elles, concentrant ainsi le capital. C'est ce qui s'est passé depuis 15 ans. Le paysage industriel a changé, de grandes entreprises se sont rachetées mutuellement. C'est à cela qu'est utilisé l'essentiel des investissements dits productifs (en-dehors du renouvellement des machines vraiment trop usées). Mais cela n'augmente pas la production. Lorsque des multinationales s'emparent d'autres ou fusionnent entre elles, c'est pour s'approprier des technologies, des réseaux commerciaux, des clientèles, des marques connues, bref se tailler des parts de marché pour agrandir leur poids et leur puissance. Ce n'est pas pour augmenter la production.

La concentration toujours plus poussée du capital fait que l'économie mondiale est aux mains de quelques milliers d'entreprises géantes, multinationales, rivalisant entre elles pour la conquête des marchés et des profits.

On en a dénombré 37 000 qui contrôlent quelque 200 000 entreprises affiliées. A elles seules, elles sont responsables des trois quarts du commerce international. Les 200 plus grandes de ces firmes ont réalisé en 1992 un chiffre d'affaire qui équivalait à plus du quart du PIB mondial (26,8 %). Et, au sein de ces 200 géantes, les dix plus grandes réalisent, à elles seules, presque autant de profits que les 190 autres réunies !

Il s'agit d'entreprises véritablement gigantesques : certaines pèsent aussi lourd que des pays entiers.

Ces multinationales gardent des liens privilégiés avec les Etats des pays dont elles sont originaires : les deux tiers de ce qu'elles possèdent y sont situés et les trois quarts de leurs profits en proviennent.

70 % de ces multinationales sont basées dans 14 pays seulement.

Les liens privilégiés qu'elles entretiennent avec les appareils d'Etats de leur pays d'origine sont pourtant loin d'être exclusifs. Partout où elles ont des intérêts, les appareils d'Etat, qui sont partout liés au capital financier, sont aussi à leur service, et parfois même, dans certains pays sous-développés, une seule multinationale impose sa loi à un pays.

Les capitaux ne développent pas la planète, ils la pillent

En ce qui concerne les investissements à l'étranger, on ne peut pas dire que la mondialisation se soit uniformisée depuis un siècle. De la veille de la Première Guerre mondiale à la veille de la Deuxième, les pays sous-développés avaient reçu les deux tiers de ces investissements. Ils n'en ont plus maintenant qu'un cinquième.

C'est que la possibilité pour le capital de se déplacer partout n'implique pas qu'il soit investi partout. Les limites du marché ont été atteintes dans les pays les plus pauvres, que les remboursements et les intérêts des prêts usuraires qui leur ont été faits dans une autre période achèvent d'appauvrir.

L'argent qu'ils ont emprunté au début de la crise n'a fait que passer dans ces pays car ils ont dû, en contrepartie, acheter aux entreprises des pays prêteurs des produits industriels, des biens d'équipements, du matériel militaire.

Mais les dettes et leurs intérêts sont restés à rembourser et à payer par les populations.

Les prêteurs ont parfois récupéré plusieurs fois le capital prêté.

Pendant 7 ans, de 1983 à 1990, les pays pauvres ont versé plus d'argent aux prêteurs des pays riches qu'ils n'en ont reçu.

Grâce à cette usure, pratiquée aujourd'hui encore par le capital en mal de surprofits faciles, celui-ci arrive à soutirer des fortunes aux plus misérables des misérables de la terre.

Au lieu que le capital irrigue la terre entière, comme certains le prétendent, il se concentre toujours plus dans les pays riches, au détriment des pays pauvres.

La "mondialisation" de la misère

Comme la sphère financière ne crée par elle-même aucune richesse, ses profits sont pris sur les richesses créées chaque année par la production. Comme celle-ci se développe peu et que les richesses ne s'accroissent pas beaucoup d'une année sur l'autre, voire qu'elles diminuent les années de franche récession, la bourgeoisie prend davantage sur la part du produit qui revenait au reste de la population.

Pour que les capitaux spéculatifs qui étouffent la production reçoivent leur rémunération, des pays entiers sont ruinés. La sous-alimentation y augmente. Partout, les salaires baissent. Dans les pays riches, la mendicité ne cesse de se développer.

La mondialisation de l'économie se résume alors à la capacité du capitalisme d'exploiter, de piller, de rançonner la population de la terre entière. Le système a besoin d'une exploitation sans cesse accrue pour entretenir l'énorme parasitisme du système financier. Et cela aboutit depuis vingt ans à un accroissement impressionnant des inégalités.

Les inégalités s'accroissent

Le fossé entre les pays les plus riches et les pays les plus pauvres ne fait que croître.

L'écart entre les 20 % les plus riches et les 20 % les plus pauvres de la planète a doublé depuis les années 60 : il était de 1 à 30, il est maintenant de 1 à 60. Et le fossé est plus grand encore si on compare les revenus de la population et non ceux de chaque pays.

Les 20 % les plus pauvres de la population mondiale se partagent 1 % du revenu mondial alors que les 20 % les plus riches en ont 80 %.

Près de 8 % de la population mondiale ont faim, tous les jours. L'OMS, l'Organisation Mondiale de la Santé, dénonce hypocritement ce qu'elle appelle le "génocide silencieux", la mort de 11 millions d'enfants chaque année parce que les quelques centimes d'aide qui seraient nécessaires à leur survie ne sont pas disponibles pour eux. Dans la majorité des pays d'Afrique, l'espérance de vie n'est que de 50 ans, contre 75 ans dans les pays riches.

La plupart des pays de l'Est et l'ex-URSS connaissent un véritable effondrement économique. Le revenu par habitant y a baissé en moyenne de 11 % par an depuis la chute du mur de Berlin, et leur PIB avait déjà diminué d'un tiers en 1993.

La pauvreté se répand même dans les pays riches

Au sein des pays riches eux-mêmes, il y a plus de 100 millions de personnes qui vivent en-dessous du seuil de pauvreté, 30 millions de chômeurs et pas moins de 5 millions de sans abri. Selon les chiffres officiels évidemment. En France, le chômage a plus que quintuplé depuis 1975.

Aux USA, en 20 ans, le revenu des 20 % de familles américaines les plus riches a augmenté en moyenne de 19 % mais celui des 20 % les plus pauvres a chuté de 12 %. Entre 1977 et 1992, la productivité du travail a augmenté de plus de 30 % mais les salaires moyens réels ont chuté de 12 %, au point que 18 % des salariés vivent en-dessous du seuil considéré là-bas comme de pauvreté.

En Grande-Bretagne, les inégalités se sont creusées encore plus. Entre 1979 et 1992, le revenu des 10 % les plus pauvres a baissé de 17 % pendant que celui des 10 % les plus riches augmentait de 62 %. Le pourcentage de la population vivant en-dessous du seuil de pauvreté est passé de 9 à 25 %.

La misère est sans doute mondialisée mais sûrement pas les richesses ! Le mode de production capitaliste apparait au contraire de plus en plus parasitaire, se survivant non pas en développant la production et la consommation, mais en pressurant toute l'humanité pour rémunérer le capital.