Après les élections législatives, un système parlementaire enlisé

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juillet-août 2022

Macron espérait que les élections législatives des 12 et 19 juin lui donneraient les moyens de poursuivre la politique antiouvrière qu’il a menée depuis cinq ans. Patatras ! Avec 246 sièges sur 577, les macronistes se retrouvent loin de la majorité absolue. Au-delà du désaveu électoral, cette absence de majorité pose un problème à la bourgeoisie, qui n’entend pas perdre de temps à attendre que le Parlement et le gouvernement travaillent à son service.

Aux abois, les macronistes ne s’embarrassent guère de principes. Ils tentent de débaucher des députés de droite et de gauche qui leur permettraient de constituer une majorité. Certes, Les Républicains, le Rassemblement national et les partis de la Nupes ont fait campagne « contre Macron ». Ils se sont déclarés dans l’opposition. Mais après tout, de part et d’autre, certains ont des plans de carrière, et quelques postes peuvent permettre de s’acheter des amis… Les députés ex-Les Républicains (LR) Éric Woerth et Damien Abad en sont des exemples récents, après une longue série de ralliements venus de la gauche et de la droite, de Jean-Yves Le Drian à Bruno Le Maire, de Gérard Collomb à Édouard Philippe, d’Olivier Véran à Gérald Darmanin, etc. Mais il n’est pas sûr que les débauchages individuels suffisent. Le plus simple serait encore de mettre dans la poche de Macron tout un groupe parlementaire, comme celui de la droite LR et ses soixante députés. Aujourd’hui, ses responsables s’y opposent, mais pour combien de temps ? Jean-François Copé, ancien dirigeant de LR, a rapidement proposé un « pacte de gouvernement » avec Macron. La présidente de la région des Pays de la Loire, Christelle Morançais parle, elle, d’un « contrat de gouvernement », tout comme le député LR Philippe Juvin qui plaide pour un accord « à l’allemande », c’est-à-dire de coalition, tandis que Jean Rottner, président LR de la Région Grand Est, explique qu’« il va falloir apprendre à travailler avec Emmanuel Macron ». Sarkozy, figure tutélaire de la droite, ne s’exprime pas, mais n’en pense pas moins.

Une autre option serait de rallier les députés PS ou divers gauche. Comme tant d’autres notables socialistes naguère, certains se laisseront peut-être tenter, jetant ainsi par-dessus bord l’accord de la Nupes. Il y a aussi les députés EELV, un parti dont nombre de politiciens, de Barbara Pompili à François de Rugy, de Daniel Cohn-Bendit à Pascal Canfin, ont rallié Macron par le passé.

Et puis, pourquoi pas le Rassemblement national ? Alors qu’entre les deux tours de la présidentielle Macron avait ouvertement dragué les électeurs de Mélenchon, dont il avait besoin pour s’assurer une majorité face à Le Pen, les macronistes courtisent maintenant les lepénistes. Pour le second tour des législatives, ils se sont refusés à appeler pour les candidats de La France insoumise qui leur étaient opposés. Les idiots utiles de la gauche ont pleurniché que, eux, ont pourtant « fait barrage » à Le Pen, ou ont appelé à la « battre dans les urnes », en votant Macron au second tour de l’élection présidentielle… Et, depuis, les macronistes multiplient les appels du pied pour que le RN et ses 89 députés votent avec bienveillance à l’Assemblée. Moyennant quoi, les macronistes pourraient être arrangeants pour des postes dans des commissions, voire plus si affinités…

La Nupes constituée par Mélenchon compte pour sa part 142 sièges. Cela peut être suffisant pour contrarier Macron et postuler, un jour, à la direction des affaires de la bourgeoisie. Mais en l’état c’est trop peu pour gouverner et « élire Mélenchon Premier ministre ». Ce dernier peut se féliciter d’avoir renforcé son groupe parlementaire et son assise sur le reste de la gauche. Accessoirement, cette alliance a aidé un PS discrédité à sauver son groupe et les écologistes à en retrouver un. C’était là le véritable objectif de la Nupes : sauver des places et, si possible, en gagner quelques-unes. En réalité, malgré l’opération politicienne de Mélenchon, la gauche reste faible. Aux élections législatives de 2017, ses quatre composantes (LFI, PCF, PS, EELV) totalisaient 25,5 % des suffrages exprimés ; à celles de 2022, la Nupes en recueille 25,7 %, soit seulement 12 % des inscrits. La comparaison des scores entre la présidentielle et les législatives de 2022 est encore plus cruelle, car la gauche recule de 5 points de pourcentage, et s’effondre en voix. Alors que le monde du travail est écœuré des coups portés par Macron et par la classe capitaliste, le rafistolage de l’union de la gauche n’a pas suffi à créer les illusions qu’elle espérait susciter. Peut-être parce que bien des travailleurs ont gardé de mauvais souvenirs de ses passages au gouvernement, de Jospin à Hollande, sans remonter à Mitterrand. Pendant la campagne présidentielle, Mélenchon a expliqué qu’en votant pour lui les travailleurs s’épargneraient des grèves et des manifestations, par exemple contre la retraite à 65 ans. Aux législatives, les dirigeants de la Nupes ont tenu le même discours. À l’issue du scrutin, ils se sont réjouis, le député LFI Adrien Quatennens expliquant par exemple : « Il n’y a pas de majorité dans ce pays pour appliquer par exemple la retraite à 65 ans, ou le travail en contrepartie du RSA » (LCI, 20 juin). Autrement dit, le monde du travail n’aurait pas à s’inquiéter, protégé qu’il sera par la nouvelle Assemblée nationale. À l’avenir, si les travailleurs veulent éviter de voir leur condition encore reculer, ils auront intérêt à ne pas écouter des politiciens qui voudraient les désarmer de façon aussi grossière.

C’est malheureusement l’extrême droite qui progresse. Le Rassemblement national (89 sièges) est le vrai vainqueur du scrutin. La progression de l’extrême droite était déjà visible à la présidentielle, elle l’est de nouveau aux législatives, où le RN passe en cinq ans de 13 % à 19 % des suffrages exprimés au premier tour, auxquels on peut ajouter les 4 % des zemmouristes. Entre les deux tours, le RN a engrangé des suffrages supplémentaires. Cette influence est lourde de menaces pour l’avenir. En effet le RN fait de bons scores dans des circonscriptions ouvrières, dans le Nord et le Pas-de-Calais, ainsi que dans plusieurs autres départements. Il renforce sa présence et son implantation. Le RN, qui a gagné du crédit ces dernières années en posant au parti anti-Macron, cédera-t-il aux sirènes macronistes pour un plat de lentilles ou un maroquin ? L’avenir le dira. Le fond du problème reste son poids et l’adhésion aux idées réactionnaires, racistes et antiouvrières qu’il véhicule.

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Dans cette situation instable, la pression de la bourgeoisie va s’accentuer. L’aggravation de la crise capitaliste, les tensions sur les marchés et la guerre en Ukraine exigent des réponses rapides de la part des serviteurs politiques des capitalistes. Alors, plus que jamais, il faudra que les travailleurs se mobilisent pour empêcher les attaques qui se préparent, pour ne pas payer les dépenses militaires accrues, l’inflation et toute la crise capitaliste. Plus que jamais, il faut construire un parti qui représente vraiment les intérêts de classe du monde du travail, un parti communiste révolutionnaire, qui arme les travailleurs contre les menaces sans distiller aucune illusion.

23 juin 2022