Le 17 juin dernier, le conservateur Iván Duque a remporté l’élection présidentielle. Inconnu il y a encore un an, il était le protégé d’Alvaro Uribe, président de 2002 à 2010 et farouche opposant à l’accord de paix signé en 2016 entre le président Santos et la guérilla des Farc ; accord que le nouvel élu pourrait remettre en cause.
Un passé marqué par l’emprise du colonialisme et de l’impérialisme
Sous la conduite des armées de Simon Bolivar, la Colombie arracha son indépendance au royaume d’Espagne en 1819, sans que le sort de l’immense majorité de la population s’en trouvât transformé. Tout au long du 19e siècle, le pays connut une succession de conflits à la faveur desquels il tomba sous la coupe des grands propriétaires fonciers, des caudillos autoproclamés accaparant les meilleures terres au détriment de la masse des paysans.
La Constitution de 1886, qui donna un habillage juridique à leur domination, allait s’appliquer jusqu’en 1991. Derrière le paravent d’une démocratie bourgeoise classique s’instaura une forme de dictature constitutionnelle, soutenue par l’Église catholique, par ailleurs principal propriétaire terrien et détentrice du monopole de l’éducation. Les présidents de la République pouvaient décréter à tout moment l’état de siège en cas de guerre extérieure ou de commotion intérieure, ce dont ils ne se privèrent pas. Deux partis, les conservateurs, liés à l’origine à l’oligarchie foncière, et les libéraux se disputaient le contrôle de l’État en s’appuyant sur leurs réseaux de clientèle.
Le début du 20e siècle fut marqué par un certain essor industriel et une pression de plus en plus appuyée de l’impérialisme. En 1902, à la suite de la guerre des Mille Jours qui fit 100 000 morts, la Colombie perdit le Panama au profit des États-Unis. Cette hégémonie et la fonction de laquais tenue par les dirigeants colombiens trouvèrent leur expression politique dans divers traités et diverses organisations, devenues en 1948 l’Organisation des États américains, l’OEA, feuille de vigne de l’impérialisme américain et de sa politique interventionniste du « gros bâton ». Depuis le début du 20e siècle et le président Theodore Roosevelt, elle consistait pour les États-Unis à frapper où et quand ils le décidaient.
Essor du capitalisme et naissance du mouvement ouvrier
Au cours de cette période, les entreprises britanniques, puis nord-américaines s’emparèrent pour des sommes dérisoires des gisements de pétrole et de métaux précieux. Il en alla de même pour les plantations de bananes, de cacao, de tabac et de caoutchouc, où le travail s’effectuait dans les conditions d’un quasi-esclavage.
Cette intégration forcée au marché mondial entraîna l’essor d’un prolétariat rural, du secteur minier et de quelques grandes agglomérations. Malgré la pression constante de la bourgeoisie et des grands propriétaires, la Révolution russe de 1917 eut pour effet de faire surgir des organisations syndicales et politiques à l’instar de l’Union syndicale des travailleurs du Magdalena et du Parti socialiste révolutionnaire, d’inspiration anarcho-syndicaliste, devenu en 1930 le Parti communiste.
En 1924, 3 000 ouvriers de la Tropical Oil Company à Barrancabermeja entrèrent en grève pour les salaires et pour exiger la nationalisation des pétroles. La région fut placée sous administration militaire. Mille trois cents travailleurs furent licenciés, des dizaines emprisonnés. Trois ans plus tard, une nouvelle grève entraîna une vague répressive dans tout le pays. Face à cette contestation et au nom de la lutte contre la « menace communiste », une loi dite de défense sociale fut promulguée en octobre 1928, définissant comme subversive l’action des syndicats et des organisations naissantes. Elle entendait briser la « vague impétueuse et destructrice des idées révolutionnaires et dissolvantes de la Russie des soviets ».
La grève qui souleva cette même année les 25 000 travailleurs de la bananeraie de la United Fruit à Santa Marta fut écrasée à coups de mitrailleuses, faisant plus d’un millier de morts. Cela préfigurait la violence qui allait s’abattre dans les décennies suivantes contre ceux qui remettaient en cause l’ordre social.
De la crise des années trente à la guerre froide : la Violencia
La grande dépression consécutive à l’effondrement de la Bourse de Wall Street en 1929 mit au chômage un salarié sur deux dans les usines et les plantations. Les salaires furent amputés drastiquement et la petite paysannerie réduite à la misère. Certains commencèrent à s’armer et formèrent des « milices du peuple ».
Une partie de la bourgeoisie liée au Parti libéral, voulant canaliser le mécontentement populaire, prétendit engager son propre New Deal. Le président Alfonso Lopez Pumarejo, élu en 1934, qualifia sa politique de « révolution en marche ». Il s’aliéna une partie des possédants en privant l’Église catholique de son statut de religion officielle, en tentant de s’appuyer sur les syndicats et en esquissant une réforme agraire qui déclencha une violente réaction des grands propriétaires. Mais, les années suivantes, ceux-ci obtinrent des lois protégeant leurs intérêts, ce qui multiplia les expulsions et aggrava l’oppression.
Après la Deuxième Guerre mondiale, un dissident du Parti libéral, Jorge Gaitán, ancien maire de Bogotá et ministre de l’Éducation puis du Travail de 1940 à 1944, se présenta en défenseur des intérêts de la population laborieuse. Populaire en raison notamment de son rôle dans la commission d’enquête sur le massacre des travailleurs des bananeraies de 1928 et de sa dénonciation de la politique américaine, il lança un appel à une Marche pour la paix pour protester contre les exactions du gouvernement et obtint le soutien d’organisations syndicales et, un temps, du Parti communiste.
Son assassinat en 1948, alors qu’il était le favori de l’élection présidentielle à venir, allait déclencher durant plus d’une décennie un conflit sanglant connu sous le nom de la « Violencia », où le clan conservateur s’affronta aux libéraux, dont une partie des partisans prirent les armes pour se défendre face aux tueurs des grands propriétaires. Cette lutte fut d’autant plus âpre qu’elle s’insérait dans la guerre froide. Les partisans de Gaitán et tous ceux qui s’opposaient à la domination de l’oligarchie étaient dénoncés comme des agents de Moscou à abattre. Et tandis que l’armée nord-américaine appuyait militairement la répression, y compris en larguant du napalm sur de vastes zones, un bataillon Colombie était symboliquement engagé aux côtés des États-Unis dans la guerre de Corée. Le combat contre la « subversion communiste » allait dès lors entraîner un déluge de dollars et des interventions armées de Washington.
Ce conflit fit près de 200 000 morts et plus de deux millions de personnes déplacées. Il permit aux grands propriétaires de récupérer encore des centaines de milliers de parcelles abandonnées. Le coup d’État du général Pinilla en 1953 et la dictature qu’il imposa à l’appel des conservateurs et des libéraux mirent un terme à ce bain de sang. Il fut suivi d’un accord en 1958 entre ces deux forces politiques qui, face à la montée de la contestation populaire et à l’armement de certains paysans, s’entendirent pour mettre leurs rivalités de côté et se partager le pouvoir jusqu’en 1974. Cette alliance des possédants contre les exploités fit grandir l’idée que le pouvoir ne pouvait se prendre « avec des votes, mais avec des balles ».
L’apparition et l’essor des guérillas
La victoire des révolutionnaires cubains en 1959 allait donner une impulsion à la création des premières guérillas, l’ELN, l’Armée de libération nationale, guévariste, et l’EPL, l’Armée populaire de libération, maoïste. Dans un premier temps, le Parti communiste, redevenu légal, préféra se ranger derrière le président Camargo et ses promesses de réformes.
Il aurait pu les attendre longtemps ! Mais, en 1964, l’assaut lancé par les forces armées sur la région de Marquetalia, dont le Parti communiste avait fait une « zone d’autodéfense paysanne » depuis les années 1930, ne laissait aucun doute sur la volonté des dirigeants d’en finir avec ces territoires qui échappaient à leur contrôle et à l’espoir qu’ils représentaient au sein de la petite paysannerie. Le Parti communiste colombien initia alors sa propre guérilla : en 1966, elle prit le nom de Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc). Elle entendait protéger la paysannerie des expulsions et des violences. La réforme agraire lui tenait lieu de programme.
Le mouvement M19, inspiré par la guérilla urbaine des Tupamaros d’Uruguay, vit le jour après la fraude massive au deuxième tour de l’élection présidentielle de 1970. Ne se réclamant pas plus de la lutte de classe ni du prolétariat, le M19 mena durant une quinzaine d’années prises d’otages et actions spectaculaires contre des symboles du pouvoir, s’achevant souvent de façon sanglante pour ses membres.
CIA, armée, paramilitaires et narcotrafiquants
Les gouvernements successifs ne purent réduire ces poches de résistance armée qui bénéficiaient parfois d’un soutien actif de la population, et servaient de refuge à des victimes des exactions des grands propriétaires ou de l’État. Mais elles servirent de prétexte au renforcement de forces répressives pourtant déjà pléthoriques.
Pour échapper à la misère, des paysans se convertirent à la production de coca que les narcotrafiquants, alliés des grands propriétaires, transformaient en cocaïne et convoyaient vers les États-Unis. Dans les zones qu’elles contrôlaient, les guérillas s’en accommodèrent car l’impôt dit révolutionnaire qu’elles prélevaient comme les rançons perçues à la suite d’enlèvements leur donnaient le moyen d’acheter des armes. Elles constituaient ainsi un embryon d’appareil d’État, offraient en échange leur protection contre les bandes armées et réalisaient certains travaux, la construction de routes ou l’assainissement de l’eau, que l’État n’avait jamais entrepris.
Les forces légales de répression reçurent le renfort d’escadrons de paramilitaires faisant régner la terreur contre les syndicalistes paysans et ouvriers et contre tous ceux qui refusaient leur diktat. Des liens s’établirent entre les États-Unis, l’État colombien et les narcotrafiquants. Les cartels de Medellín ou de Cali commençaient alors à prospérer et à blanchir leurs avoirs en achetant des terres, voire des banques. Les grandes firmes se lièrent à des parrains de la drogue. Une sorte de narcobourgeoisie et de narco-État virent ainsi le jour, tant les intérêts des uns et des autres se trouvaient entremêlés, livrant la population au chaos et aux règlements de comptes sanglants.
Un rapport de 1994 de la DEA, le service de police des États-Unis censé lutter contre la drogue, soulignait que « chaque fois qu’un dollar entre sur le compte bancaire des chefs du trafic de drogue, l’influence politique et économique qu’ils exercent sur le gouvernement s’accroît […]. Les narcotrafiquants ont la capacité d’influer sur la structure des relations bancaires et financières pour laver, légitimer et sauvegarder leurs richesses illicites très facilement et sans aucune répercussion légale. » Ce rapport resta sans suite.
En pratique, avec le plus parfait cynisme, la lutte contre les cartels de la drogue, assimilés à une « menace pour la sécurité nationale des États-Unis », justifia la présence de bases militaires, de milliers de conseillers militaires, d’agents de la CIA, de forces spéciales nord-américaines et israéliennes, d’entreprises multinationales privées de sécurité et l’appui donné aux paramilitaires. En 1999, au nom de la lutte contre les narcoguérillas et d’un futur programme d’actions sociales, fut lancé le plan Colombie, qui engendra une véritable guerre civile déplaçant des millions de personnes, « la plus grave crise humanitaire de l’hémisphère occidental », selon le haut-commissaire aux réfugiés de l’ONU.
Sous la férule d’Uribe
Les deux mandats d’Uribe, entre 2002 et 2010, marquèrent l’apogée de cette politique qui entendait faire taire ceux qui contestaient le pouvoir et la bourgeoisie. L’Organisation internationale du travail parla d’un génocide syndical car des milliers de militants ouvriers furent assassinés. Il y eut aussi le scandale des « faux-positifs », quand on découvrit en 2008 que l’exécution de plusieurs milliers de civils par l’armée avait été camouflée en les faisant passer pour des guérilleros morts au combat.
Les attentats du 11 septembre 2001, et la prétendue lutte contre le terrorisme qu’ils déclenchèrent de la part des États-Unis et de leurs alliés, permirent à Uribe d’assimiler guérillas et narcoterroristes. La Colombie servit aussi de point d’appui aux États-Unis contre le régime de Chavez au Venezuela. Le comble est que ce président qui prétendait incarner la guerre contre la drogue était lié de longue date, ainsi que son père, au cartel de Medellín et à son parrain, Pablo Escobar ; des liens bien connus de Washington.
Uribe fit passer une série de textes pour couvrir les crimes des paramilitaires. Le 4 juillet 2005, le New York Times y décela une « loi d’impunité pour ceux qui assassinent en masse, pour les terroristes et pour les gros trafiquants de cocaïne ». Parallèlement, la dissolution des groupes paramilitaires fut proclamée peu après. C’était un trompe-l’œil. L’un de ses chefs, Castano Gil, avait vu juste quand il avait déclaré : « Nous allons enfin cesser d’être la maîtresse et devenir l’épouse ! »
L’accord de paix de 2016
De multiples tentatives ont été entreprises pour mettre un terme à ce conflit qui accaparait une part croissante du budget : des zones avaient été déclarées démilitarisées, des mesures d’amnistie adoptées. Le Parti communiste avait lui-même envisagé la dissolution des Farc au milieu des années 1970.
En 1985, le président Betancur avait proposé un cessez-le-feu. Les Farc l’acceptèrent et créèrent un parti politique, l’Union patriotique, qui participa avec succès aux élections sur la base d’un programme de réformes modérées. Mais le pouvoir ne respecta aucun de ses engagements. Et les paramilitaires assassinèrent trois mille militants et cadres de ce parti, y compris deux candidats à la présidence.
Le même piège se referma sur le M19 quelques années plus tard, après sa dissolution et la création d’une Alliance démocratique : son candidat à l’élection présidentielle fut assassiné en avril 1990 ainsi que plusieurs de ses responsables. En cinquante-deux ans, cette guerre sans nom avait fait plus de 260 000 morts, près de 83 000 disparus et 7,4 millions de déplacés. La Colombie est le pays le plus infesté de mines après l’Afghanistan.
Les trois quarts de ces crimes étaient imputables à l’État et aux paramilitaires. Ces assassinats politiques et de militants des droits de l’homme n’ont d’ailleurs jamais cessé depuis. Le Parti communiste estime à 7 000 le nombre de ses militants tués depuis trente ans.
Juan Manuel Santos, le successeur d’Uribe, surprit son mentor en rompant avec sa politique guerrière et engagea en 2012 un processus de négociation avec les Farc et les autres guérillas, avec la médiation de Cuba.
En août 2016, les négociations débouchèrent sur un « accord de paix global » avec les Farc, contenant des mesures concrètes pour son appareil et de vagues promesses de réformes sociales et de lutte contre les narcotrafiquants. Le texte souleva du scepticisme mais aussi de l’espoir dans la population, lasse des tueries et du climat de guerre. Il fut d’abord rejeté de justesse par référendum, puis amendé et adopté par le Parlement à la fin de cette même année, malgré l’opposition d’Uribe et de la fraction de la classe politique la plus réactionnaire.
Le processus de désarmement et de démobilisation des anciens guérilleros s’est pour l’essentiel achevé en juin 2017. Les Farc se sont transformées en parti, la Force alternative révolutionnaire commune. Certains de ses cadres siègent de droit au Parlement et une partie des ex-guérilleros ont reçu des terres pour s’installer.
Les pourparlers avec l’ELN, n’ont à ce jour pas abouti et quelques groupes des Farc ont refusé d’entériner l’accord de 2016. Mais c’est surtout dans le camp des partis qui se sont succédé au pouvoir, de l’armée et des anciens groupes paramilitaires que l’opposition est la plus forte. Ils conservent en effet très largement la main, en lien avec des groupes criminels, sur la production et le trafic de cocaïne, en plein boom depuis un an. Aussi, les cultivateurs qui voudraient bénéficier du plan de substitution prévu par l’accord de 2016 subissent intimidations et meurtres.
Les élections de 2018
Cette question a été l’un des enjeux des élections de 2018. Durant toute la campagne, Uribe et son clan ont dénoncé une prétendue capitulation du pouvoir devant la guérilla des Farc et l’impunité dont jouiraient ses membres. Venant de celui qui a assuré l’impunité aux paramilitaires, c’était culotté ! Le conservateur Iván Duque, qui appartient à la fraction la plus réactionnaire de son clan et qui a été propulsé par Uribe, n’a pas fait mystère de sa volonté de remettre en cause l’accord de 2016, et de jeter en prison les anciens chefs des Farc. L’avenir dira s’il s’agissait d’une manœuvre pour séduire sa base électorale ou s’il prendra le risque de refaire basculer le pays dans la violence et la barbarie.
La surprise de ce scrutin a été la présence pour la première fois au deuxième tour, où il a obtenu 8 millions de voix, d’un candidat se réclamant de la gauche, Gustavo Petro. Après plusieurs années d’exil, cet ex-cadre du M19 avait acquis une certaine popularité par des programmes sociaux lorsqu’il était maire de Bogotá. Sa candidature a suscité espoirs et illusions, dans les milieux de gauche et d’extrême gauche et dans une partie des classes populaires. Il s’est incliné devant la victoire de Duque par un « Vous êtes le président de la Colombie, nous sommes l’opposition ». Quant aux Farc, elles ont félicité le nouvel élu en l’appelant à travailler à la « réconciliation » et à faire preuve de « bon sens ».
Une misère et un sous-développement persistants
Peuplée de cinquante millions d’habitants, et grande comme deux fois la France, la Colombie est la quatrième économie d’Amérique latine. Mais elle conserve l’essentiel des marques du sous-développement laissées par la domination impérialiste. Le pays dépend largement de ses exportations de matières premières énergétiques, pétrole et charbon notamment, et agricoles, café, fleurs et fruits ; des ressources aux mains de multinationales, dont les prix fluctuent au gré des crises et de la spéculation.
Malgré la richesse de son sous-sol et de ses terres, la Colombie est devenue au fil des conflits qui l’ont ensanglantée l’un des quinze pays les plus inégalitaires de la planète. En 2012, 0,4 % des propriétaires possédaient près de la moitié des terres cultivables et les plus riches. Près d’un tiers de la population vit avec l’équivalent de deux euros par jour. Cette misère frappe jusqu’à une personne sur deux dans certaines régions et dans les quartiers pauvres des grandes métropoles. La faim et la soif y tuent encore quotidiennement.
Les petits exploitants connaissent la précarité sous toutes ses formes, et la culture de la coca reste parfois la seule à offrir un revenu stable. Des millions de personnes ont dû abandonner leurs terres ou en ont été expulsées au profit des grands propriétaires, des multinationales de l’agroalimentaire ou des narcotrafiquants, qui se confondent souvent. La majorité d’entre eux peuple les bidonvilles de Medellín, Cali, Baranquilla ou Bogotá. Et, depuis quelques mois, des centaines de milliers de Vénézuéliens affluent sur le territoire colombien. Ce drame sert de prétexte à l’extrême droite pour pousser Duque à œuvrer au renversement du régime de Nicolas Maduro.
Quelles perspectives pour les classes populaires ?
Durant plusieurs décennies, des milliers d’hommes et de femmes révoltés par cette société oppressive se sont engagés et ont même pris les armes, convaincus qu’ils n’avaient pas d’autre choix pour répondre à la violence sociale et à la répression. Ce combat, quand bien même il n’aurait pas été dévoyé dans le trafic de drogue et les activités criminelles, était sans issue. Tournant le dos au prolétariat des villes, il ne pouvait pas permettre à la paysannerie pauvre d’en finir avec la dictature des latifundiaires et de leurs nervis.
Seule une lutte de classe résolue et consciente conduite par la classe ouvrière contre la bourgeoisie, et s’inscrivant dans un combat plus vaste contre l’impérialisme, peut permettre aux exploités de prendre en main leur sort collectivement.
Dans cette perspective, la classe ouvrière dispose de nombreux atouts. Les travailleurs de Colombie, dans les villes et dans les campagnes, ont une longue tradition de luttes contre une bourgeoisie qui a utilisé les mêmes moyens, et souvent les mêmes hommes, que les gouvernements successifs pour protéger ses profits.
Les milliers de syndicalistes assassinés ces dernières années témoignent de la crainte que la classe ouvrière inspire à la bourgeoisie et à tous ceux qui se sont enrichis de l’exploitation et des trafics en tout genre. Ils témoignent aussi de la combativité ouvrière. Car, quand un secrétaire de syndicat d’entreprise était assassiné, souvent un autre travailleur le remplaçait pour poursuivre la lutte.
Quand la classe ouvrière engagera le combat contre les classes possédantes et leurs protecteurs impérialistes, sa force politique et sociale sera considérable. En s’alliant avec la petite paysannerie et le prolétariat agricole, elle pourra mettre fin au pouvoir des grands propriétaires. Elle est aussi la seule classe qui pourra détruire de fond en comble l’appareil d’État des possédants, le débarrasser de toute sa pourriture et exproprier les capitalistes qui pillent les richesses du pays et dévastent l’environnement. Sa lutte trouvera son prolongement et des appuis dans toute l’Amérique latine, car elle est confrontée aux mêmes problèmes et aspire au même renversement de l’ordre social.
10 septembre 2018