Au Venezuela, la droite veut en finir avec le régime chaviste de Maduro

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septembre-octobre 2017

Le texte que nous publions pages 21-22, écrit par nos camarades de Voz Obrera (Espagne), et publié le 11 août dernier sur le site de l’Union communiste internationaliste (UCI), se réfère à une période de tensions liées entre autres à un référendum suivi de l’élection de l’Assemblée constituante. Depuis, la crise politique et économique que subit le Venezuela ne s’est pas atténuée, même si la presse internationale ne fait plus état d’affrontements aussi violents et meurtriers que ceux qui ont marqué le début de cet été.

Mais les difficultés qu’affronte la population laborieuse du pays sont toujours là, plus fortes que jamais. Quant aux dérives autoritaires du pouvoir, elles sont, en grande partie, une réponse à l’offensive des forces dites de l’opposition démocratique et incarnées essentiellement par des personnalités issues de la haute bourgeoisie du pays et des forces politiques à leur service.

Il faut le savoir. Mais il faut aussi se garder d’exonérer le régime de ses responsabilités dans cette évolution. Pas plus qu’il ne faut nier le développement, au Venezuela, d’une couche de profiteurs, petits, moyens et grands liés au régime, ni fermer les yeux sur la corruption qui s’y est développée.

Nous n’avons jamais pensé que le régime de Chavez, le chavisme, qui ne prétend pas s’en prendre au capitalisme mais veut simplement le « réformer » en fonction des intérêts du « peuple » vénézuélien, offre une issue viable à long terme pour les populations soumises aux diktats de l’impérialisme et de ses trusts. Sur ce terrain, de multiples tentatives se sont multipliées depuis plus d’un siècle. En Amérique latine, ce fut le cas à Cuba, au Nicaragua, au Chili, en Uruguay pour ne citer que quelques exemples. Tout comme d’autres courants qui se disent « populistes », bolivariens, castristes, guevaristes, socialistes, les chavistes ont tenté de desserrer le carcan imposé par l’impérialisme américain[1]. Ils espèrent pouvoir le faire dans le cadre étroit des frontières nationales. Ils prétendent offrir une issue viable à long terme pour les populations soumises au diktat de l’impérialisme et de ses trusts. Ils ont eu l’audace de prendre la tête de luttes radicales. Mais ils ont en commun de ne pas préparer la classe ouvrière à des luttes pour le renversement du capitalisme à l’échelle du monde. Les tentatives se sont pourtant multipliées depuis plus d’un siècle, en Amérique latine et ailleurs, mais faute d’une perspective communiste révolutionnaire, en Amérique latine comme ailleurs, les combats se mènent à l’échelle de chaque pays alors que la bourgeoisie, les possédants mènent, quelles que soient leurs rivalités, leur guerre sociale à l’échelle du monde.

Mais, pour revenir au Venezuela, en aucun cas les critiques que nous faisons de ces tentatives ne doivent se confondre avec celles de l’opposition de droite vénézuélienne, soutenue, voire impulsée – et c’est significatif – par de prétendus démocrates, comme Trump aux États-Unis, dont la conception de la démocratie est à géométrie très variable, et surtout impitoyablement au service des plus puissants pilleurs de la planète.

En réalité, tout comme Macron ici, ces chefs d’État se soucient surtout de la liberté des capitalistes d’exploiter. Ils critiquent Maduro et son régime dans les mêmes termes, et pour les mêmes raisons, qu’ils critiquaient hier Fidel Castro et ce régime cubain qui avaient osé défier l’impérialisme américain, à quelques encablures de la Floride.

Nous choisissons notre camp et nos solidarités, sans complaisance, mais sans ambiguïté.

12 septembre 2017

L’attaque manquée d’un groupe de l’armée vénézuélienne contre une caserne militaire, le 6 août dernier, illustre combien la droite cherche à provoquer un coup d’État militaire pour abattre le gouvernement de Nicolas Maduro. La crise politique vénézuélienne s’est approfondie suite à la publication des résultats des élections à l’Assemblée constituante. Le conflit institutionnel entre la présidence de Maduro, successeur d’Hugo Chavez, et l’opposition de droite rassemblée dans la MUD (« plate-forme de l’unité démocratique »), majoritaire au P arlement depuis les dernières élections en décembre 2015, a débouché sur un affrontement permanent ; Maduro se maintient au pouvoir grâce à l’armée et à un certain soutien des classes populaires tandis que la droite essaie par tous les moyens de le déboulonner.

La convocation d’une Assemblée constituante a été la réponse de Maduro et du régime chaviste au boycott permanent que la droite oppose au gouvernement. En effet, le rejet des gouvernements chavistes par la droite et ses partis dure depuis l’élection de Chavez en 1999. La raison ? Le chavisme les a écartés de l’appareil d’État et des postes dirigeants de l’économie, où se joue la redistribution de la rente pétrolière. Il faut rappeler que le Venezuela est l’un des grands producteurs mondiaux de pétrole membres de l’OPEP et que son État survit et paie ses fonctionnaires essentiellement grâce aux revenus de cette matière première. La bourgeoisie vénézuélienne, rentière, tire la majeure partie de ses bénéfices de cette ressource unique, directement ou indirectement. C’est la corruption endémique de cette structure étatique qui assurait son pouvoir à l’oligarchie, jusqu’à ce que Chavez arrive au pouvoir et mette à l’écart ces politiciens et hauts fonctionnaires.

La droite s’organise contre le régime chaviste

La plate-forme de l’opposition, la MUD, dont les leaders connus sont Leopoldo Lopez, Maria Corina Machado et Henrique Capriles, représente les familles de l’oligarchie qui gouvernait traditionnellement le pays et qui, depuis 1999, veut à tout prix reprendre son pouvoir politique. Ces politiciens ont tout d’abord soutenu le putsch manqué contre Chavez en 2002 avant d’organiser la MUD, de faire campagne pour le boycott des élections, sans rencontrer un grand écho ; puis ils ont participé aux élections, sans obtenir de majorité. À chaque défaite électorale, ils dénonçaient des fraudes et la « dictature » chaviste, alternant les manifestations de rue et les grèves pour déstabiliser le régime se réclamant de la « révolution bolivarienne ». Ce n’est qu’en 2015 que la droite, par ailleurs accusée de fraude par les tribunaux, est parvenue à rassembler une majorité au Parlement.

Depuis la mort de Chavez en 2013 et l’élection de Maduro comme son successeur, la droite a combiné les accusations de fraude électorale à l’encontre de Maduro avec les appels à l’insurrection militaire et à la grève générale ; avec un référendum, il y a quelques semaines, sur la révocation de Maduro ; enfin avec le boycott de l’élection à la Constituante.

D’autre part, la MUD a réussi à isoler Maduro sur la scène internationale. Au moment où la droite revenait au gouvernement dans toute l’Amérique latine, où seul l’Uruguay a un gouvernement marqué à gauche, le président Maduro s’est retrouvé coupé des organismes supranationaux du continent. Le dernier épisode en date a été celui du Mercosur. Derrière ces événements, on voit sans peine la main de l’impérialisme nord-américain et celle de l’Union européenne, qui n’a pas reconnu les dernières élections. Jusqu’au Vatican qui s’est prononcé dans ce sens.

Il faut souligner l’attitude hypocrite des États-Unis et de l’UE, gardiens des intérêts impérialistes, dans ce soutien à la MUD contre Maduro. En Espagne, par exemple, le gouvernement de droite de Rajoy, qui verrouille ses portes pour empêcher l’entrée des migrants africains et des réfugiés, qui refuse l’asile politique aux Sahraouis du Maroc ou aux Rifains luttant contre le régime de Mohammed VI, accorde le statut de réfugié à des centaines de Vénézuéliens, des opposants d’extrême droite ou simplement des gens qui fuient la situation économique désastreuse de leur pays ; ainsi le gouvernement espagnol utilise la crise politique vénézuélienne pour ses propres besoins de politique intérieure. Ce sont 250 000 Vénézuéliens qui sont arrivés en Espagne ces dernières années.

Face à cette situation, Maduro a réagi par la convocation, dimanche 30 juillet, d’une Assemblée constituante afin de se débarrasser du boycott parlementaire de la droite. Malgré le blocage, malgré une grève politique avortée et des dizaines de manifestations contre le régime, les élections se sont tenues, avec un résultat officiel de 41 % en faveur de Maduro, soit 8 millions d’électeurs, ce qui est élevé vu la situation. Même si l’on accepte de reconnaître le « trucage » dont parle l’opposition, l’entreprise Smartmatic qui organisait l’élection avance le chiffre de 7 millions et non 8, ce qui indiquerait qu’il existe encore, à travers le pays, un fort soutien du régime chaviste dans les classes populaires. Ce soutien est sans doute bien souvent nuancé de critiques : les mesures mises en place par Maduro n’ont pas résolu le problème de pénurie dont souffre la population car elles n’ont jamais menacé d’expropriation la bourgeoisie rentière, qui cherche désespérément à revenir au pouvoir.

La crise économique au Venezuela

La crise institutionnelle et politique n’est en réalité que la manifestation d’une crise économique, produit de la crise du capitalisme mondial et de la baisse des prix du pétrole, cette matière première étant l’unique source de revenus qui permettait pendant un temps l’équilibre budgétaire du pays. Ce sont en premier lieu les classes populaires qui en font les frais, frappées par la pénurie de produits de première nécessité : produits alimentaires, médicaments… Les classes moyennes sont également touchées et nombreux sont ceux, parmi elles, qui choisissent l’émigration.

Jusqu’à présent, le chavisme s’était attiré l’estime et la reconnaissance des classes populaires par le développement des services publics essentiels, la santé et l’éducation, au travers des « missions », ainsi que par la défense des droits des travailleurs, ce que n’ont jamais fait, bien sûr, les partis de l’oligarchie. La chute des revenus pétroliers a rendu impossible la poursuite d’une telle politique. Et, contrairement à ce que prétend Maduro, le problème n’est pas d’avoir une bourgeoisie « patriote » au lieu d’une bourgeoisie traîtresse et accapareuse ; il s’agit simplement du système capitaliste et de ses crises.

Malgré tout, Maduro jouit encore d’un soutien important parmi les classes populaires. Jusqu’à quand ? La voie qu’il a choisie, consistant à asseoir la légitimité de son gouvernement sur des élections, truquées ou non, n’est pas une solution. L’opposition l’a isolé sur la scène internationale et les institutions du pays souffrent des mêmes défauts que ceux qui ont amené l’épuisement des partis politiques traditionnels. S’il perd petit à petit le soutien populaire, son isolement ira croissant ; comme cela a été le cas des autres régimes nationalistes d’Amérique latine, et récemment encore au Nicaragua et au Brésil, le pays passera sous la coupe de gouvernements fantoches aux ordres des États-Unis et, surtout, du capital.

La voie du coup d’État reste ouverte pour la droite qui n’hésitera pas à s’y engager si elle ne peut renverser le chavisme par d’autres moyens. On sait ce que cela signifierait pour les classes populaires. Jusqu’à présent, la MUD n’a pas obtenu les résultats escomptés et s’est montrée incapable de s’attirer de larges couches des classes populaires afin de faire pencher la balance en sa faveur. C’est que la population sait pertinemment que cette opposition ne cherche qu’à prendre la place des dirigeants chavistes pour mieux exploiter les classes laborieuses.

Voz Obrera, 11 août 2017.

 

[1]  Lire à ce propos l’article paru dans Lutte de classe no 147 (novembre 2012) : « Venezuela – Derrière la vitrine des programmes sociaux, Chavez remplit sa mission vis-à-vis du grand capital », accessible sur Internet (site de Lutte ouvrière, onglet Mensuel).