Loi séparatisme, islamisme : des politiques qui divisent les travailleurs

Imprimer
avril 2021

« Le problème, c’est le séparatisme islamiste. Ce projet conscient, théorisé, politico-religieux, qui se concrétise par des écarts répétés avec les valeurs de la République », déclarait Macron en visite aux Mureaux, dans les Yvelines, le 2 octobre 2020, pour présenter son projet de loi contre le séparatisme. Les yeux rivés sur l’élection présidentielle de 2022, Macron se pose en seul rempart à Le Pen… mais tente de lui griller la politesse à droite, sur le terrain de la démagogie contre les immigrés et en particulier contre les musulmans, accusés de vouloir se séparer de la République.

Exploitant l’émotion suscitée par les attentats de l’automne 2020 (meurtre de Samuel Paty à Conflans-Sainte-Honorine le 16 octobre, attentat de Nice le 29 octobre), qui s’ajoutent aux massacres de 2015 et 2016, la campagne autour de la loi séparatisme, rebaptisée « loi confortant le respect des principes de la République », a donné lieu à une surenchère de xénophobie entre la droite, l’extrême droite et le parti de Macron, LREM. Elle accrédite l’idée que le courant fondamentaliste islamiste s’imposerait dans les quartiers populaires. La population identifiée comme musulmane en fonction de ses origines est assimilée à un bloc, comme si elle adhérait de manière unanime aux thèses islamistes, avec de la sympathie pour les djihadistes et s’apprêtait à faire sécession. Un tel amalgame contribue à renforcer les courants communautaristes, religieux ou non, que la loi prétend combattre.

Si certains, à gauche, dénoncent la stigmatisation des musulmans, ils ne trouvent de réponse qu’en se plaçant sur le terrain très vague de la défense de la République, révélant qu’ils n’ont en réalité pas d’idées bien différentes de celles de Macron. Le député PS Boris Vallaud regrette que « la loi ne fasse vivre en acte aucun des principes de la République »[1], Jean-Luc Mélenchon se présente comme le seul candidat porteur « des vraies valeurs de la République » et en appelle à « l’unité du peuple français » face au terrorisme. Quant au député PCF Sébastien Jumel, il déplore l’absence d’« un arsenal pour réarmer la République sur sa jambe sociale ».[2] L’écologiste Yannick Jadot constate, lui, que la loi manque de « l’équilibre nécessaire » pour « combattre efficacement les ennemis de la République », et souhaite que « le pays se réconcilie avec lui-même »[3].

Le séparatisme de classe

L’idéologie républicaine ainsi invoquée par le monde politicien est un leurre. En France, sept milliardaires possèdent autant qu’un tiers de la population, une poignée d’actionnaires possèdent les moyens de production essentiels, les terres, l’industrie, les banques, et décident de tout, alors aucune conciliation n’est possible entre l’immense majorité de la population et ces parasites. Le poids des laboratoires pharmaceutiques dans la production et la distribution des vaccins anti-Covid en est l’illustration. Aucun équilibre n’existe dans une société dominée par la loi du profit. Aucune unité n’est possible quand un grand patron comme Michelin peut, en toute liberté, licencier des milliers d’ouvriers, tout en augmentant de 15 % les dividendes versés à ses actionnaires !

Dans ces conditions, agiter les principes républicains et l’unité nationale revient à occulter la division de la société en classes, entre une classe capitaliste de plus en plus parasitaire et la classe ouvrière sur laquelle repose toute la société. C’est masquer la guerre sociale sans paix ni trêve que mènent les exploiteurs contre les exploités. Le « vivre ensemble » qu’ils prônent revient à enchaîner les intérêts des travailleurs à ceux des capitalistes et à les soumettre à un ordre social fondé sur un véritable séparatisme de classe. Ce séparatisme-là caractérise la grande bourgeoisie : son style de vie et ses mœurs la séparent du reste de la population et sa domination sur l’économie impose à toute la population un apartheid social et économique plus ou moins dévastateur, suivant les périodes et les régions du monde.

Les politiciens qui montrent du doigt les habitants des quartiers populaires en parlant de séparatisme portent tous une responsabilité dans le fait que, depuis des années, le communautarisme sous toutes ses formes y a prospéré, et vouloir recouvrir cette réalité du manteau de la « République » n’y change rien. Quant à présenter cette République comme un rempart contre le terrorisme, c’est une escroquerie.

La République, rempart contre le terrorisme ?

La République est aujourd’hui un mot creux derrière lequel s’abrite la domination de la bourgeoisie française, enrichie par l’exploitation de sa propre classe ouvrière, et par la violence et la brutalité du travail forcé imposé aux peuples qu’elle a colonisés aux quatre coins de la planète. Pour perpétuer la sur­exploitation de ces peuples au sein de l’empire colonial, les IVe et Ve Républiques se sont livrées à des répressions et des guerres coloniales féroces, de Madagascar à l’Algérie en passant par l’Indochine. Quant à la devise « Liberté, Égalité, Fraternité », inscrite au fronton des mairies, elle peut faire grincer des dents dans les quartiers populaires. Les progrès sociaux et les libertés existants, il a fallu les arracher, et les lois actuelles ne cessent de les restreindre, à mesure que la crise s’aggrave et creuse les inégalités, transformant les quartiers populaires en lieux de désespérance. L’égalité est une fiction, et les discours haineux, xénophobes, véhiculés par les défenseurs de la loi, excluent toute fraternité.

Macron, après d’autres, met en avant la République et les valeurs républicaines comme des symboles de l’émancipation et du progrès, qui pourraient couper l’herbe sous le pied d’un « séparatisme islamiste ». Mais il est le digne héritier de la république bourgeoise, couverte du sang des opprimés. C’est elle qui massacra les communards en 1871, elle qui ouvrit, des décennies plus tard, les premiers camps d’internement pour étrangers, apatrides et antifascistes avant d’en donner les clés au régime de Vichy. C’est aussi la République qui imposa le Code de l’indigénat dans l’empire colonial et qui, en Algérie, avec le décret Crémieux de 1870, procéda à un séparatisme religieux entre indigènes juifs et musulmans, accordant aux premiers le statut de citoyens et renvoyant les seconds à celui de sujets sans droits. Dans les années 1920, pour s’imposer au Proche-Orient, la France laïque et républicaine traça les frontières du Liban en s’appuyant sur la population chrétienne, en particulier la bourgeoisie commerçante. Elle institua une Constitution qui définissait chaque citoyen suivant sa religion, qui devait figurer sur les papiers d’identité, mettant ainsi en place un régime confessionnel, accélérateur de la future guerre civile (1975-1990) et de ses centaines de milliers de victimes. En 1994, au Rwanda, pour maintenir un gouvernement favorable à leurs intérêts, les dirigeants français se rendirent complices du génocide et de ses 800 000 morts, en soutenant et en armant les génocidaires.

Le gouvernement Macron, qui considère comme intolérable le financement étranger des associations musulmanes de France, ne voit en revanche aucune ingérence insupportable dans le fait que l’État français subventionne avec des fonds publics des écoles chrétiennes au Liban. Là, l’ingérence et le séparatisme s’appellent soutien à la francophonie !

La France républicaine de Jules Ferry menait ses expéditions militaires en invoquant une mission civilisatrice. C’est au nom de la lutte contre le terrorisme que la République actuelle mène la guerre au Sahel et au Moyen-Orient. Pour dominer les régions qu’il colonisait, l’impérialisme français n’a pas hésité à s’appuyer sur des mouvements réactionnaires, contre des forces progressistes qui cherchaient à s’émanciper de sa tutelle. Macron présente l’islamisme comme son pire ennemi, mais n’a aucun scrupule à vendre des armes à l’Arabie saoudite, berceau du wahhabisme. Les universités islamiques saoudiennes ont formé des étudiants originaires de nombreux pays, y compris de France, qui de retour dans leur pays ont diffusé le fondamentalisme islamiste. L’anti-islamisme de Macron n’a jamais interrompu les relations avec l’Arabie saoudite, inspirateur d’al-Qaïda et de Daech, et dont les fonds sont allés financer leurs milices en même temps que des mosquées salafistes en France. Les guerres impérialistes aiguisent les sentiments anticoloniaux et anti-impérialistes. Présents dans la population immigrée, ces sentiments légitimes sont exploités et détournés sur un terrain communautaire par la démagogie islamiste. En conduisant à la destruction de pays entiers, ces guerres ont en définitive ouvert la voie aux djihadistes de al-Qaïda et de Daech, qui ont influencé les auteurs des attentats commis en France en 2015 et 2016.

La montée du communautarisme, produit de la crise et des trahisons de la gauche

Depuis les années 1980, le communautarisme sous toutes ses formes a prospéré sur la désagrégation sociale, conséquence de la crise du capitalisme, et a fourni un terreau sur lequel la démagogie islamiste a pu se développer. Les gouvernements qui se sont succédé ont tous une responsabilité dans son relatif succès.

Les trahisons de la gauche au pouvoir, les désillusions et l’écœurement qu’elles ont engendrés, ont nourri dans les milieux ouvriers le vote en faveur du Front national. Elles ont aussi entraîné le déclin de l’implantation des partis de gauche, des organisations ouvrières et des idées qu’elles pouvaient encore transmettre. Ce vide politique a été rempli en partie par la montée du communautarisme et l’influence des islamistes dans certains quartiers ouvriers.

La population dite musulmane de ces quartiers est composée avant tout de familles de travailleurs issus des ex-colonies françaises du Maghreb et d’Afrique de l’Ouest rejoints, par la suite, par les travailleurs turcs, bosniens, tchétchènes et pakistanais. Cette immigration ouvrière est venue en France dans les années 1950, 1960 et 1970, à la demande d’un patronat français qui avait un besoin vital de main-d’œuvre dans le bâtiment, les mines et l’industrie. Bien qu’ils aient été nombreux à envisager un retour au pays, la plupart se sont installés en France où ils ont donné naissance à des générations d’enfants français. Sur les chantiers, dans les usines, ils participaient aux luttes de la classe ouvrière et partageaient les illusions électorales véhiculées par les militants de gauche, socialistes et communistes, qu’ils côtoyaient dans leurs quartiers, sur leurs lieux de travail et dans les syndicats. Privés du droit de vote, beaucoup croyaient à la promesse électorale de Mitterrand de le leur accorder.

En 2004, un ouvrier marocain en témoignait dans un article de Libération : arrivé à l’usine automobile Talbot de Poissy en 1969, il adhéra à la CGT qui vit affluer des milliers de travailleurs immigrés. À leur intention, des cours d’alphabétisation furent mis en place par le syndicat. « Pour les immigrés, l’arrivée de la gauche a été une grande victoire. Il y a eu le droit de s’exprimer. Une fenêtre d’air qui s’ouvre. » La grève qu’ils menèrent en 1982 déboucha sur des mesures en faveur des salariés immigrés. Puis vinrent les licenciements. « On croyait qu’il y avait un espoir. Ils ont dit : c’est pas grave, virez les immigrés, ils votent pas. Ces gens-là, on en a besoin pour le travail. Après, on les jette. » Les propos du Premier ministre Pierre Mauroy, en visite au Maroc, dénonçant des grévistes « manipulés par les islamistes », l’ont marqué. « Moi, je ne faisais pas de prières ; mes copains, oui. Mais intégriste, on ne savait pas à cette époque ce que cela voulait dire. »[4]

Parmi les travailleurs, français ou immigrés, les espoirs de changement nés de l’arrivée de l’Union de la gauche au pouvoir allaient céder la place à la désillusion. Comme ses prédécesseurs, Mitterrand menait une politique au service de la bourgeoisie et tournait le dos aux promesses faites aux travailleurs, y compris celle du droit de vote aux immigrés, qui n’aurait pourtant rien coûté à la bourgeoisie. Mais le chômage de masse s’installait, la bourgeoisie exigeait les premières mesures d’austérité, les premières vagues de licenciements. Le gouvernement de gauche, qui mettait en œuvre ces mesures, ne dédaignait pas, à l’occasion, de recourir à la démagogie xénophobe pour les faire passer.

Cette démagogie fit le lit du FN, qui avec ses slogans anti-immigrés, réalisa un score de plus de 10 % dès les élections européennes de 1984. Espérant capter l’électorat du FN, les politiciens de gauche et de droite apportèrent ensuite de l’eau au moulin de l’extrême droite, à coups de petites phrases venimeuses contre les familles immigrées, provoquant leur méfiance et leur dégoût. Rocard proclamait en 1989 qu’ « on ne peut pas accueillir toute la misère du monde », tandis que Chirac parlait du « bruit et [de] l’odeur » des immigrés, qui gênaient leurs voisins français dans les HLM (1991), bien avant que Sarkozy n’envisage en 2005 de nettoyer les cités « au Kärcher ».

Pendant que le FN progressait dans l’électorat populaire et ouvrier, le Parti communiste français, lui, payait cher sa politique de gestion des affaires de la bourgeoisie aux côtés du PS, en perdant des voix à chaque élection. Démoralisés et désorientés, les militants abandonnaient le terrain, dans les entreprises et les quartiers populaires. Le réformisme et le nationalisme que leur parti leur avait inculqués les laissaient sans perspectives. Pire encore, le 24 décembre 1980, l’action d’un commando de la municipalité PCF de Vitry contre un foyer d’immigrés situé sur son territoire a été ressentie comme un geste humiliant par les travailleurs maliens du foyer, et bien plus largement comme un geste politique. Se plaçant finalement sur le même terrain anti-immigrés, ce geste politique contribua à discréditer l’idée même qu’une politique favorable aux intérêts des travailleurs était possible.

Un vide social et politique qui profite à tous les communautarismes

Avec les ravages de la crise, le quotidien des habitants des quartiers populaires s’est dégradé sous l’effet des politiques d’austérité et du désengagement de l’État. La pandémie a de nouveau mis en lumière les inégalités qui règnent en Seine-Saint-Denis, un des départements les plus pauvres de France, où le personnel soignant, les agents de nettoyage, les vigiles, les caissières, sont nombreux à vivre. Ils ont payé un lourd tribut à la maladie, du fait de leurs conditions de vie, de travail et de transport, ajoutées au manque d’infrastructures de santé dans le département. En avril 2020, le taux de surmortalité y était deux fois plus important qu’en Seine-et-Marne ou dans les Yvelines[5]. Le même phénomène existe au niveau scolaire où, faute de remplaçants, on estime que les enfants perdent durant leur parcours l’équivalent d’un an de scolarité, sans même parler de la période de confinement et des effets de l’épidémie ! En délaissant ces quartiers, en continuant à supprimer des postes dans l’éducation, le gouvernement contribue au décrochage scolaire des collégiens, proies faciles des délinquants et des trafiquants.

Le chômage, la relégation sociale, l’accroissement des actes d’incivilité et de délinquance, la défaillance des services publics, ont transformé des quartiers entiers en ghettos. Le sentiment de rejet, les contrôles au faciès de la police, le mépris du pouvoir, ont favorisé l’implantation des tendances communautaristes et islamistes. Ces dernières ont prospéré sur le vide militant laissé par l’affaiblissement du Parti communiste français et le discrédit des partis de gauche. Des jeunes, des militants légitimement écœurés par leurs trahisons répétées s’en sont détournés et ont rejeté, pour une fraction d’entre eux, tout ce qui venait du mouvement ouvrier.

Beaucoup se sont retrouvés sur des positions identitaires et communautaristes, aux côtés d’autres jeunes issus de l’immigration, ayant fait quelques études mais se heurtant aux discriminations dans l’emploi, l’accès au logement, ou dans le comportement de la police. Réduisant l’oppression subie par la population d’origine étrangère aux discriminations raciales ou religieuses, vécues comme un héritage voire un prolongement de la colonisation, certains se sont mis à parler de « privilège blanc ». Cette idéologie dite décoloniale, défendue par le Parti des indigènes de la République (PIR), s’est répandue parmi des militants associatifs ou ceux de collectifs tels que le Comité Adama Traoré.

Bien qu’ils s’en distinguent, ces courants subissent l’influence des tendances islamistes qui, quelle que soit leur chapelle (Frères musulmans, salafistes, mouvement Tabligh…), cherchent à renforcer leur emprise sur ceux qu’ils estiment être leur communauté. Suivant l’exemple des réseaux associatifs catholiques ou protestants, comme le Secours catholique ou l’Armée du salut, ils suppléent aux carences de l’État. Ils ont ainsi gagné de l’influence par le biais d’actions sociales à destination des familles, comme l’aide aux devoirs et l’organisation de loisirs, et d’actions caritatives envers les plus démunis. Grâce à ces réseaux d’entraide, ils ont pu apparaître soucieux des difficultés des plus pauvres. Ils présentent le repli sur la communauté et les valeurs religieuses comme la seule perspective valable pour les classes populaires qui seraient stigmatisées pour leur couleur de peau, leur provenance géographique ou leur religion.

Si des imams sont aujourd’hui dans le viseur des pouvoirs publics, ils ont pu bénéficier de l’appui de certains maires, qui ont joué la carte du communautarisme par ambition électorale ou pour encadrer une jeunesse tentée par la révolte. L’exemple venait d’en haut, avec un Sarkozy qui créait en 2003 le Conseil français du culte musulman (CFCM), en s’associant aux Frères musulmans de l’Union des organisations islamiques de France (UOIF). Ainsi, le recteur de la mosquée de Pantin, fermée pour avoir relayé une vidéo anti-Samuel Paty, a « été pendant une vingtaine d’années un interlocuteur privilégié des pouvoirs publics, y compris de Nicolas Sarkozy quand il était président »[6].

S’appuyant sur les sentiments religieux existants, les islamistes tentent d’imposer ce qui serait conforme aux préceptes de l’islam. Au fil des ans, sous leur pression, le port du voile et des tenues musulmanes rigoristes, symboles visibles de leur influence, s’est répandu, tout comme la pratique du ramadan et la consommation de nourriture halal. Sur le plan des mœurs, ils se retrouvent en fait sur les mêmes positions que les intégristes juifs et catholiques : contre l’avortement, contre le mariage homosexuel, pour des valeurs centrées sur la famille, pour les restrictions au divorce… Ils entendent peser aussi sur les programmes scolaires et sur les enseignants eux-mêmes. L’attentat contre Samuel Paty a ainsi été précédé d’une campagne de la part d’un militant islamiste qui contestait son enseignement et exigeait son renvoi.

Contre l’extrême droite raciste ou islamiste, défendre une perspective ouvrière

Les conséquences de tels attentats retombent sur la population considérée comme musulmane, qui n’est pas forcément croyante, ni même pratiquante, et encore moins islamiste. Elle est sommée de se justifier d’actes terroristes qu’elle n’a pas commis.

La loi « confortant le respect des principes de la République », adoptée à l’Assemblée nationale et en cours de discussion au Sénat, n’empêchera évidemment pas de tels actes. En revanche, elle conforte les forces réactionnaires à l’œuvre, l’extrême droite raciste comme l’extrême droite islamiste. Elle met les tendances islamistes en meilleure position pour conquérir une population immigrée qui est loin de leur être acquise.

Quant à l’extrême droite, ses idées relayées par le gouvernement, la droite et les porte-parole médiatiques, n’ont jamais eu autant de publicité. Tous ceux qui dénoncent le racisme et les discriminations sont immédiatement accusés de connivence avec les islamistes, comme l’illustre la récente campagne contre un prétendu islamo-gauchisme qui gangrènerait les milieux universitaires. La diffusion sur tous les supports médiatiques de ces idées réactionnaires contribue à enrégimenter les travailleurs se considérant comme français derrière le drapeau national, faisant des immigrés en général et des musulmans en particulier des boucs émissaires accusés d’être responsables de la dégradation des conditions sociales.

Les idéologies rivales des islamistes et de l’extrême droite, tout en apparaissant opposées, se situent toutes les deux sur le terrain de la défense des intérêts de la bourgeoisie. Elles s’alimentent l’une l’autre et présentent en réalité bien des similitudes. Elles visent à diviser les travailleurs en fonction de leurs origines ou de leur religion. Elles usent de démagogie sociale, mais sont toutes deux anti-ouvrières et ont la volonté commune d’imposer leur domination, la première à ceux qu’elle considère comme sa communauté et la seconde au pays tout entier, si les circonstances lui sont favorables. Leur progression est lourde de danger car elles tendent à creuser un fossé entre les travailleurs, à les affaiblir et à les priver de ce qui pourrait être leur seule force : la conscience d’appartenir à une seule et même classe ouvrière ayant les mêmes intérêts et capable de lutter pour les défendre.

L’aggravation de la crise et la menace de bouleversements de l’ordre social qu’elle implique pourraient accélérer le glissement réactionnaire déjà à l’œuvre. Mais si les formes démocratiques bourgeoises de gouvernement ne suffisaient plus à la classe capitaliste pour maintenir sa domination, elles pourraient même entraîner le recours à un pouvoir dictatorial, chargé d’imposer l’exploitation la plus brutale.

Il est vital que le courant communiste révolutionnaire s’affirme et offre une autre voie aux travailleurs français ou immigrés qui subissent cette évolution. Les valeurs républicaines bourgeoises auxquelles voudrait les raccrocher Macron ne leur offrent aucune perspective. Les communistes révolutionnaires y opposent les valeurs du mouvement ouvrier ; au nationalisme bourgeois, l’internationalisme prolétarien ; au réformisme, la révolution. En dépassant les assignations identitaires et les clivages religieux et nationaux que ses ennemis veulent fabriquer, la classe ouvrière pourra défendre son droit à l’existence, préparer le renversement d’un ordre social injuste, stopper l’évolution de la société vers la barbarie et permettre à l’humanité d’aller vers de nouvelles lumières.

29 mars 2021

 

[1]      « Le projet de loi sur le séparatisme adopté par l’Assemblée nationale », Libération, 16 février 2021.

 

[2]      « Loi contre le « séparatisme » : la gauche dénonce un texte qui ne règle rien », Le Point, février 2021.

 

[3]      Idem.

 

[4]      « Mémoire d’un immigré révolté », Libération, 11 février 2004.

 

[5]      « Coronavirus : une surmortalité très élevée en Seine-Saint-Denis », Le Monde, 17 mai 2020.

 

[6]      « Le recteur de la mosquée de Pantin (Seine-Saint-Denis) démissionne », Le Monde, 15 mars 2021.