Le fonctionnement de cette Europe : une entente entre gouvernements bourgeois

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Avril 1999

Quand elle est née, cette Europe des marchands, des industriels, des financiers, conçue par eux et pour eux, ne s'est pas du tout souciée de se doter d'un voile parlementaire. Aujourd'hui encore, l'Europe des Quinze fonctionne essentiellement comme une entente entre gouvernements, et ce que la "gauche" déplore sous l'expression de "déficit démocratique" est en fait dans la logique de son histoire.

Les plus hautes autorités de cette Europe, ce sont d'une part le Conseil des chefs d'Etat et de gouvernement, qui ne se réunit que quelques fois par an, et d'autre part le Conseil des ministres des gouvernements nationaux, dont les réunions sont plus fréquentes. Ils chapeautent la fameuse Commission européenne, la Commission de Bruxelles, composée de 20 représentants des 15 Etats, qui gère au jour le jour, et qui est le siège des affrontements et des marchandages usuels entre intérêts nationaux. Seule cette Commission peut présenter des propositions de législation aux Conseils des ministres, et c'est elle qui est chargée de veiller à leur mise en application.

C'est dire que la fonction du Parlement européen, celui qui sera réélu en juin prochain, est plus que réduite.

Pendant longtemps, les décisions n'étaient prises, au Conseil des ministres, qu'à l'unanimité des représentants des Etats membres. Puis des domaines où les décisions pouvaient être prises simplement à la "majorité qualifiée" ont été définis. Ces domaines n'ont fini par s'étendre que relativement récemment, tant les différents Etats étaient chatouilleux en matière de délégation de souveraineté.

La "majorité qualifiée" nécessite en règle générale 62 voix sur les 87 dont les Etats membres disposent au total (c'est-à-dire plus de 70 % des voix). Et il faut préciser que les différents Etats disposent d'un nombre de voix variable, l'Allemagne, le Royaume-Uni, la France et l'Italie ayant chacun 10 voix, soit 40 à eux quatre, les autres Etats membres de 8 à 2. C'est-à-dire que les quatre principaux pays disposent à eux quatre de 40 voix sur 87 ou, plus précisément, 40 sur les 62 nécessaires pour faire passer une décision.

De toute façon, pour toutes les questions jugées décisives ou sensibles, les décisions ne peuvent être prises que si les représentants des différents Etats membres sont unanimement d'accord.

Le Parlement européen est donc tout juste une feuille de vigne décorative. Pendant les premières années, ce n'était même pas une institution élue. Il était composé de délégués des Parlements nationaux (dont, par accord tacite, étaient exclus à l'époque les membres des PC français et italien, et les socialistes de gauche italiens...). Puis, les Etats membres décidèrent le principe de l'élection des députés européens au suffrage universel direct, ce qui eut lieu pour la première fois en 1979, non sans que de nombreux marchandages, sur le nombre des sièges par pays, sur le mode de scrutin, etc., eussent précédé.

Mais, élu ou pas, ce Parlement n'a pas de réels pouvoirs. Il ne siège qu'une semaine par mois, il délibère, il étudie, mais il n'a pas jusqu'ici le pouvoir de faire des lois.

On a présenté comme un pas important la décision de Maastricht d'étendre un peu ces pouvoirs, d'instaurer ce qu'ils appellent la "codécision" c'est-à-dire que la Commission doit obtenir l'approbation du Parlement pour ses projets dans un certain nombre de domaines précis, suivant une procédure complexe. Le traité d'Amsterdam a étendu à son tour un peu le nombre de tels domaines. Et l'approbation du Parlement est désormais requise pour la désignation des membres de la Commission.