Contre les essais nucléaires français... et contre le pacifisme !

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Septembre-octobre 1995

Les communistes révolutionnaires doivent à l'évidence être opposés à la nouvelle série d'essais nucléaires français dans le Pacifique, inaugurée avec le tir effectué le 5 septembre. Mais cela ne signifie pas pour autant qu'ils doivent faire leurs tous les arguments des adversaires de ces essais, en France comme à l'étranger. Sans même s'étendre sur la bonne foi contestable d'un certain nombre de gouvernants et d'hommes politiques de la zone Pacifique, dont l'opposition aux essais nucléaires américains a été beaucoup plus discrète, l'argumentation de nombre d'adversaires de ces essais, à commencer par Greenpeace, se situe sur un terrain qui n'est pas le nôtre.

Notre opposition aux essais nucléaires français se fonde en premier lieu non pas sur les risques que ceux-ci feraient courir à l'environnement, ni sur une condamnation de principe de l'arme atomique en tant que telle, mais sur le fait que c'est une puissance impérialiste, la France, qui se livre à ces expériences, et que celles-ci font partie intégrante d'une politique de grande puissance, qui traite de haut les pays plus petits ou plus pauvres, et qui tient à brandir devant ces peuples la menace de l'arme nucléaire.

Car, bien entendu, les discours du chef de l'État ou de ses ministres sur les nécessités de la défense nationale ne sont que poudre aux yeux, destinée au grand public français. Chirac et Juppé seraient d'ailleurs bien en peine de désigner le moindre adversaire potentiel crédible.

Quand la "force de frappe" française est née, pendant la présidence de De Gaulle, en dépit des déclarations de celui-ci sur le fait que la France devait se doter d'une défense "tous azimuts", c'était implicitement l'URSS qui tenait ce rôle. Là aussi, il ne s'agissait que d'un prétexte. La politique extérieure de l'URSS, loin d'être "agressive" vis-à-vis de l'Occident, reposait au contraire sur la recherche d'un compromis avec l'impérialisme (c'était notre point de vue, et l'avenir, le flirt de Gorbatchev puis d'Eltsine avec les dirigeants occidentaux, nous a donné raison). Et si on prêtait malgré tout un sens à l'expression "équilibre de la terreur", on voit mal quel rôle aurait pu jouer le cas échéant la force nucléaire française, par rapport aux potentiels militaires américain et soviétique. En fait, la bombe atomique française a joué dès le départ un autre rôle : permettre à un impérialisme de deuxième ordre d'étaler malgré tout une puissance militaire non négligeable, par rapport à eux, aux yeux des peuples qu'il opprime ; et assurer des profits garantis à tous les trusts travaillant directement ou indirectement pour la fabrication de l'arme nucléaire.

Le comique de la situation actuelle, c'est que Chirac, dans ses récentes déclarations télévisées, a adopté, pour justifier la reprise des essais français, une argumentation diamétralement opposée aux propos que tenaient bon nombre d'hommes de droite il y a trente ans. Ce n'est plus l'URSS, le danger, bien sûr. C'est l'éclatement de celle-ci, et le risque de voir un régime irresponsable s'installer un jour au pouvoir dans l'un des débris résultant de l'éclatement de l'Union Soviétique. A vrai dire, d'après l'argumentation même de Chirac, qui affirme que la France doit reprendre des essais parce qu'au fil des années les armes nucléaires perdent de leur fiabilité et risquent de devenir inefficaces, le risque devrait pouvoir être considéré de plus en plus faible avec le vieillissement des bombes ex-soviétiques lié au temps qui passe ! Mais Chirac n'est pas à une contradiction près.

Par exemple, on voit mal, s'il était vraiment nécessaire de vérifier régulièrement l'état et la fiabilité des armes nucléaires en en faisant sauter quelques-unes, comment le gouvernement français pourrait envisager sereinement de signer prochainement un traité interdisant toute expérience de ce type... et tenir ses engagements au delà d'une dizaine d'années. On voit donc mal aussi les États du "club atomique", quelles que soient les clauses des traités qu'ils signent dans l'avenir, renoncer à tout jamais à leurs essais, leurs généraux se contenter de simulations sur ordinateur, les industriels concernés abandonner sans regret cette source de profits, et on peut être quasiment sûr que même si un traité interdisant tous les essais nucléaires était signé, on viendrait nous expliquer demain, ou après-demain, qu'il faut bien, quand même, faire quelques essais... ne serait-ce que pour vérifier la qualité des simulations !

Mais à quoi bon chercher une cohérence dans les déclarations de Chirac, de Juppé ou de Millon à ce propos. Il ne s'agit que de mauvais plaidoyers destinés à essayer de faire croire, à la population française, que c'est dans l'intérêt général, au nom de la "défense nationale", que le gouvernement se livre à des gestes qui ne sont rien d'autre que l'expression d'une politique de grande puissance.

Car c'est bien là le fond du problème et pas dans une prétendue nature particulière de l'arme atomique, qu'il faudrait mettre au ban de l'humanité... pour ne plus utiliser, sans doute, que des armements dits conventionnels.

Les bombardements d'Hiroshima et de Nagasaki, bombardements terroristes, se rangent certes parmi les horreurs du siècle. Mais les bombardements de Berlin, Hambourg, Dresde et Tokyo par les Alliés, comme le bombardement de Coventry par la Luftwaffe, ne furent pas moins horribles pour avoir été exécutés avec des bombes "classiques".

Que les petits-bourgeois pacifistes réclament l'interdiction des armes nucléaires, comme ils réclament le désarmement, comme ils condamnent (du moins en paroles) toute violence, c'est dans la logique de leur position. Mais les communistes révolutionnaires savent que dans une société divisée en classes, où règnent l'oppression et l'exploitation, celui qui condamne toute violence, d'où qu'elle vienne, tout recours aux armes, est en fait un partisan de l'ordre social établi, car les exploités ne pourront jamais changer celui-ci s'ils renoncent par avance à la possibilité d'utiliser la force pour le faire.

Cela ne veut pas dire que pour se libérer la classe ouvrière puisse utiliser n'importe quelle méthode, que dans une guerre contre l'impérialisme un État ouvrier puisse utiliser n'importe quelle stratégie. Mais c'est une question de politique, liée à la manière dont on mène la guerre, manière sociale autant que militaire, et non au matériel utilisé.

Dans les conflits que la jeune république soviétique a eu à affronter, de 1917 à 1921, ce qui faisait la différence entre l'Armée rouge et ses adversaires, ce n'était pas le type d'armes employées (elles étaient simplement, en général, moins nombreuses et de moins bonne qualité du côté des révolutionnaires). C'était l'attitude du commandement par rapport aux troupes du camp d'en face. Les généraux blancs ou ceux des troupes d'intervention considéraient les soldats rouges comme des adversaires à anéantir ou, à tout le moins, à neutraliser. Les responsables de l'Armée rouge, eux, n'oubliaient pas que les hommes que l'on alignait contre les forces révolutionnaires étaient dans leur grande majorité des exploités, des opprimés, et que si l'Armée rouge devait les combattre, elle devait aussi se donner tous les moyens de les gagner, de les amener à retourner leurs armes contre leurs oppresseurs. Les moujiks enrôlés de gré ou de force dans les armées blanches passèrent ainsi bien souvent dans le camp de la révolution. Les corps expéditionnaires envoyés par les puissances impérialistes contre la révolution russe avaient beau être bien mieux équipés, bien mieux armés que les troupes soviétiques, ils fondirent au feu de la révolution. C'est cela qui permit à la jeune république soviétique de sortir victorieuse de la terrible guerre civile qui lui avait été imposée.

Alors, bien sûr, utiliser des bombardements terroristes contre des populations, même dirigées par les pires réactionnaires, n'aurait pour des révolutionnaires prolétariens aucun sens. Mais cela ne signifie pas qu'ils devraient renoncer par principe à l'arme atomique, qui a certes été utilisée en 1945 comme une arme terroriste contre les populations, mais qui ne l'est pas plus par essence que bien des engins "conventionnels", tels que les bombes au phosphore qui transformèrent Hambourg ou Dresde en gigantesques brasiers, ou que les bombes à retardement, si largement utilisées au cours de la Seconde Guerre mondiale dans le but de rendre les secours aux victimes et la lutte contre les incendies plus difficiles.

Notre refus de condamner par principe tout usage de l'arme nucléaire ne concerne d'ailleurs pas seulement le cas, pour le moment purement théorique, d'une révolution prolétarienne ayant à se défendre contre une intervention impérialiste. Cette question se pose aussi dans le monde tel qu'il est aujourd'hui, où quelques grandes puissances impérialistes dictent leur loi à tous les peuples des pays sous-développés. Ces peuples ont bien évidemment le droit, s'ils veulent s'émanciper de cette dépendance, d'utiliser tous les moyens militaires qui sont à leur disposition, et ce n'est évidemment pas aux prétendus anti-impérialistes des pays industrialisés de dresser la liste des armes moralement utilisables ou pas. Par exemple, si Cuba, qui fut si longtemps menacé d'une intervention militaire directe par l'impérialisme américain, avait possédé une bombe atomique, et l'avait utilisée contre une flotte d'invasion, qui aurait eu le droit de le lui reprocher, au nom du "caractère inhumain" de l'arme nucléaire... ou des risques de pollution de l'Atlantique ?

Ce qu'il y a justement de choquant dans la politique actuelle du gouvernement français, ce n'est pas seulement le fait de se livrer aux essais en cours, c'est aussi le fait de se prononcer pour l'interdiction ultérieure de tout essai, c'est-à-dire d'affirmer que l'arme nucléaire doit rester le monopole des grandes puissances qui la détiennent actuellement, et que les pays plus petits, ou moins riches, qui ne la possèdent pas encore, doivent en être écartés à jamais.

On nous dit qu'il s'agit d'éviter que l'arme nucléaire ne tombe entre les mains de dictateurs irresponsables, en agitant le spectre d'un Saddam Hussein, ou d'un de ses semblables, faisant chanter le monde grâce à la possession de la bombe atomique. Mais si l'humanité a deux fois au cours de ce siècle connu les horreurs d'une guerre mondiale, cela n'a pas été dû aux agissements irresponsables de quelque dictateur d'un petit pays, mais bien aux appétits insatiables des grandes puissances impérialistes, avides d'agrandir ou de maintenir leurs zones d'influence. Et depuis un demi-siècle de "paix" retrouvée, si le monde n'a cessé de connaître des conflits locaux quelquefois aussi sanglants et aussi horribles, c'est aussi le plus souvent à cause de l'impérialisme, par ses interventions directes comme en Algérie ou au Vietnam, ou parce que les grandes puissances choisissent parfois de régler leurs différends par peuples interposés.

Le fait que durant ce dernier demi-siècle les grandes puissances impérialistes - grâce à leur richesse justement - ont vécu en dirigeant leurs peuples à travers des institutions parlementaires, alors que la plupart des pays sous-développés - et c'est lié à leur pauvreté - sont des dictatures, ne fait pas des dirigeants impérialistes des gens moins dangereux pour l'avenir de l'humanité. La volonté des puissances impérialistes, représentées par l'ONU, d'empêcher l'Irak de se doter d'armes nucléaires, chimiques ou bactériologiques, ne témoigne pas de leur amour de la paix, mais de leur volonté de mettre au pas un ex-partenaire récalcitrant. Vendre des armes à l'Irak n'a été considéré par la France, par exemple, que comme un débouché intéressant à l'époque où Saddam Hussein utilisait des gaz de combat contre les populations kurdes. C'est pourtant cela qui était scandaleux. Mais si le chef d'État irakien avait utilisé, lors de la guerre du Golfe de 1991, quelque arme que ce soit contre les corps expéditionnaires impérialistes, aucun révolutionnaire digne de ce nom ne l'aurait condamné pour ce fait.

En revanche, la signification militaire des essais nucléaires français actuels dans le Pacifique (même si elle est peut-être secondaire, aux yeux de leurs promoteurs, par rapport aux retombées financières de ces tirs pour les sociétés qui y sont directement ou indirectement intéressées) est celle d'une démonstration de force de la part de l'impérialisme français par rapport à tous les peuples qu'il domine, et à qui il refuse le droit d'accéder aux mêmes armements. Et c'est à cause de cela que les communistes révolutionnaires doivent condamner ces essais, bien plus qu'à cause des risques, tout relatifs, de pollution du Pacifique, qui sont certes parfaitement inutiles, mais pas forcément plus importants que ceux entraînés par le fonctionnement de bien des industries.

C'est encore moins à cause du mauvais exemple que la France donnerait aux pays qui voudraient se doter à leur tour de l'arme nucléaire, ou au nom de la lutte pour le désarmement. Nous ne militons pas pour la signature du traité de non-prolifération des armes nucléaires, ni pour l'interdiction de tout essai quel qu'il soit. Nous ne sommes pas de ceux qui revendiquent le monopole de ce genre d'armement pour les grandes puissances déjà membres du "club atomique". Et nous considérons, comme les révolutionnaires l'ont toujours fait, tous les discours sur le désarmement comme des idées dangereuses pour les masses, quand il ne s'agit pas d'une manière délibérée de tromper celles-ci. Aux légitimes aspirations à la paix des travailleurs, les révolutionnaires ne peuvent répondre qu'en expliquant que c'est dans la division de la société en classes, que c'est dans l'existence de l'impérialisme, que résident les germes de pratiquement tous les conflits possibles à notre époque et que, s'ils veulent être conséquents, tous les hommes épris de paix devraient lutter pour le renversement de cet impérialisme.

Que L'Humanité se retrouve sur la même ligne pacifiste que Greenpeace, en écrivant par exemple (le 11 septembre) à propos des déclarations de Chirac, "si la campagne de tirs se poursuivait, elle risquerait d'encourager d'autres pays à se doter de nouvelles armes. Ce qui est à l'ordre du jour pour la sécurité, c'est l'arrêt de l'escalade et les efforts pour le désarmement nucléaire à l'échelle de la planète", est dans une certaine mesure logique, puisque le Parti communiste français a depuis longtemps renoncé à tout point de vue révolutionnaire.

Mais il est moins logique de retrouver sur les mêmes positions des camarades qui se réclament du communisme révolutionnaire.

On pouvait pourtant lire dans le numéro du 31 août de Rouge une déclaration du Parti socialiste unifié d'Allemagne, auquel l'hebdomadaire de la LCR disait s'associer, et qui affirmait, à propos des tirs français : "Ces essais portent un coup dur à l'espoir, largement partagé depuis la dissolution du Pacte de Varsovie, de voir interdites les bombes nucléaires et plus généralement les armes de destruction massive". La semaine suivante, Rouge publiait de la même manière un "Appel international pour l'arrêt immédiat et définitif des essais nucléaires", qui déclarait, à propos de la décision de Chirac de procéder à ces tests, qu'elle "ouvre la porte à la reprise des tirs par d'autres pays" et que "tous les efforts pour limiter puis interdire l'arme nucléaire sont ainsi remis en cause". Et pour qui aurait pu croire qu'il s'agissait là de déclarations dont Rouge était solidaire, mais qui n'exprimaient pas vraiment le point de vue de la LCR, un article de la rédaction analysait les conséquences possibles d'un recul de Chirac à ce sujet en affirmant qu'une "défaite de la nouvelle équipe gouvernementale [] serait, dans les conditions présentes, la meilleure contribution possible à la lutte pour le désarmement, dans la perspective d'un vingt-et-unième siècle débarrassé de la menace des armes de destruction massive, nucléaires ou post-nucléaires".

Que les camarades de la LCR essaient de gagner à leurs idées ceux qui ont été indignés, pour de justes raisons et d'autres qui l'étaient peut-être moins, par la reprise des essais nucléaires français serait une démarche absolument normale s'ils le faisaient sur les positions dont ils se réclament en théorie. Mais, pour des trotskystes, laisser entendre que dans un monde dominé par l'impérialisme il serait possible, sans détruire celui-ci, sans renverser l'ordre capitaliste mondial, de parvenir au "désarmement", qu'il serait possible de connaître "un vingt-et-unième siècle débarrassé de la menace des armes de destruction massive", est tout simplement indigne. Et contribuer à faire croire que les traités de désarmement, ou de limitation des armements, signés par les puissances impérialistes puissent avoir une autre valeur que des chiffons de papier l'est tout autant.

Le monde d'aujourd'hui n'est certes plus celui dans lequel Lénine vitupérait les pacifistes de tout poil. L'écrasante supériorité économique et militaire de l'impérialisme US est telle qu'un nouvel affrontement inter-impérialiste est difficile à imaginer à court ou moyen terme. Mais cela ne veut absolument pas dire que les puissances impérialistes pourraient renoncer à leur politique d'armement. Outre le fait que la construction du matériel militaire et que le commerce des armes constituent pour la plupart une branche importante de leur économie, les États impérialistes n'ont aucune envie de renoncer à la possession d'un armement conséquent.

C'est évident en ce qui concerne leurs relations avec les pays sous-développés. L'impérialisme français, par exemple, n'a cessé de multiplier les interventions militaires, depuis la fin de la décolonisation, dans sa sphère d'influence, pour maintenir en place des régimes à sa solde. Mais c'est vrai aussi dans les relations inter-impérialistes. Les hommes de la finance et des trusts ne sont pas, eux, des rêveurs. Et si la supériorité économique des USA sur leurs rivaux est considérable, ce n'est pas pour autant que les dirigeants américains seraient prêts à s'en remettre au simple jeu des forces économiques pour assurer leur suprématie. Par rapport au Japon, ou aux impérialistes européens, le fait de détenir aussi une supériorité militaire est un atout auquel ils n'ont aucune raison de renoncer. Des accords de limitation d'armement, destinés à freiner temporairement l'inflation des dépenses correspondantes, peuvent certes voir le jour, comme cela a été le cas dans les relations soviéto-américaines. Mais sans jamais mettre un terme à la recherche militaire, à la mise au point de nouveaux prototypes. Sans que jamais ils puissent être considérés comme un pas définitif vers un réel désarmement.

Il n'y aura de paix durable possible, de désarmement envisageable, que dans un monde où la bourgeoisie aura été vaincue, au moins dans ses principaux bastions. "Celui qui veut la paix doit préparer la révolution" est un slogan du mouvement ouvrier révolutionnaire qui n'a rien perdu de son actualité. On peut certes ne pas le répéter sans arrêt mais on n'a pas le droit, quand on prétend assumer l'héritage du trotskysme, de dire, ou même laisser entendre, le contraire, histoire de plaire aux "Verts".

Ce n'est certainement pas de cette manière, en tout cas, que pourra se construire le parti ouvrier éduqué dans un point de vue de classe, qui fait tant défaut, et dont les camarades de la LCR, comme nous, proclament la nécessité.

Défendre une politique, un point de vue de classe, cela ne signifie pas que l'on s'intéresse seulement à ce qui se passe dans la classe ouvrière. Mais cela veut dire, quel que soit le sujet sur lequel on intervient, quels que soient les gens aux côtés desquels on se retrouve, le faire en donnant le point de vue communiste révolutionnaire, et non en reprenant à son compte les idées des courants petits-bourgeois.

C'est vrai dans bien des domaines.

Nous sommes pour la défense de l'école laïque, résolument, mais pas du point de vue des sociaux-démocrates qui y voient l'école de la "nation", chargée de faire disparaître les différences de classe. Nous sommes pour la défense de l'école laïque, parce que c'est l'école que fréquentent la grande majorité des enfants des classes populaires, et parce que nous sommes contre toute aide publique à un enseignement clérical. Mais nous, contrairement aux sociaux-démocrates, le fait que les enfants d'ouvriers aient conscience que leurs parents appartiennent à une classe sociale différente des bourgeois, ayant des intérêts opposés, ne nous gêne pas, bien au contraire, puisque nous sommes des adversaires résolus de cette mystification qui consiste à essayer de convaincre les exploités que le simple fait d'avoir la même nationalité crée des intérêts communs.

Nous sommes contre Le Pen, irréductiblement, mais pas du point de vue de ceux pour qui un vague humanisme tient lieu de pensée politique et qui lui reprochent de tenir un langage de "haine", qui porterait atteinte à la "cohésion de la communauté française". Nous sommes contre Le Pen parce que c'est un adversaire de la classe ouvrière qui s'emploie à détruire la cohésion de celle-ci en dressant les prolétaires français contre leurs frères immigrés. Mais nous n'avons que faire de la "communauté" nationale, et la "haine" nous paraît un sentiment extrêmement honorable quand elle vise un système social inique et des idées réactionnaires.

Nous devons de la même manière exprimer notre opposition à l'armement nucléaire français, aux essais nucléaires français, sans faire nôtre pour autant le langage de ceux qui condamnent l'armement en général, ou l'arme atomique en général. Nous condamnons les essais nucléaires français parce que nous combattons le système impérialiste mondial, notre propre impérialisme en premier lieu, mais nous reconnaissons à tous les peuples opprimés par l'impérialisme le droit de s'armer comme ils l'entendent pour lui résister.