Turquie - Crise économique et sociale, guerre au Kurdistan - L'impasse du gouvernement Çiller

Imprimer
Novembre 1994

Première femme à accéder au poste de Premier ministre dans ce pays, au mois de juin 1993, Tansu Çiller promettait alors de donner une nouvelle allure à la politique et au pouvoir turcs, au visage passablement terni par les difficultés économiques, les scandales, les agissements de la police et de l'armée et la répression sanglante menée au Kurdistan.

Tansu Çiller avait donc beaucoup promis : l'inflation selon elle allait tomber, de son rythme annuel de 70 %, jusqu'à 30, voire 10 % ; le pays serait débarrassé de la corruption ; une solution négociée serait trouvée à la question kurde... Mais aujourd'hui, non seulement aucun de ces problèmes n'a été résolu, mais la situation s'est dégradée dans tous les domaines.

L'effondrement de l'économie

Relativement au marasme mondial, l'économie turque a pu pendant quelques années faire bonne figure en profitant notamment de la guerre Iran-Irak, puis de l'ouverture de l'ex-URSS et de sa zone d'influence. La production, tant agricole qu'industrielle - textile notamment - a alors connu une période d'expansion. Puis le vent a commencé à tourner avec la guerre du Golfe en 1991 et la perte du marché irakien - l'Irak était le premier client de la Turquie - auxquelles s'est bientôt ajouté le poids de plus en plus élevé des dépenses de guerre au Kurdistan.

La crise est maintenant brutale, comme si après des années d'euphorie artificielle on découvrait soudain que l'État turc est proche de la banqueroute. Dans les circonstances de la crise, le poids du remboursement de la dette extérieure se fait d'autant plus lourd : celle-ci atteint maintenant 70 milliards de dollars, et la Turquie a consacré au service de la dette, en 1993, 55,3 % de ses recettes d'exportation. D'autre part, les dépenses dues à la guerre au Kurdistan devraient atteindre en 1994 presque le quart du PNB. Aussi, en décembre 1993 déjà, les caisses de l'État étaient vides et, en janvier 1994, c'était la crise financière et une fuite de capitaux se traduisant par un écroulement de la monnaie turque, l'accélération de l'inflation et la chute de la production. La conséquence aujourd'hui est que, si le Produit National Brut a encore crû de 7,6 % en 1993 et progressait encore à un rythme annuel de 4,3 % entre janvier et mars 1994, on est passé à une chute brutale de 11,3 % en rythme annuel entre avril et juin. Quant à l'inflation, d'un rythme annuel de 70 %, elle est brusquement passée à celui de 130 %.

La "potion amère" de Çiller

La crise n'a évidemment pas les mêmes conséquences selon les diverses couches de la société. La réponse du gouvernement Çiller, appuyé sur une coalition comprenant le parti social-démocrate (SHP), a été la "potion amère" du 5 avril, un ensemble de mesures d'austérité comprenant la dévaluation de la monnaie, la hausse des prix des services publics - la plupart du temps de 100 % - l'accélération des privatisations et des fermetures d'entreprises publiques, autant de mesures aux conséquences dramatiques pour la population la plus pauvre. En quelques mois, le pouvoir d'achat baissait de plus de moitié - de 60 % selon les estimations syndicales. Nombre d'entreprises fermaient leurs portes tandis que d'autres réduisaient leur activité. Selon les statistiques officielles, le taux d'utilisation des capacités de production tombait par exemple de 83 % à 64 % en quelques mois, tandis que, depuis le début de l'année, presque un million de travailleurs auraient été licenciés.

D'autre part, la crise financière est telle que l'État et les collectivités locales ne font plus face aux dépenses d'infrastructure, et parfois même ne peuvent payer les salaires de leurs employés. L'état de services essentiels comme la fourniture de l'eau dans une grande ville comme Istanbul est tel que les particuliers n'ont de l'eau au robinet que quelques heures, deux ou trois fois par semaine. Les canalisations d'eau courante sont envahies de germes, entraînant la propagation de toutes sortes de maladies. La presse fait état maintenant, malgré le black-out entretenu par les autorités, de l'apparition du choléra dans des grandes villes comme Istanbul et Ankara, une maladie qui aurait déjà causé un certain nombre de morts. Les travailleurs et la population pauvre payent la crise de cette façon-là aussi.

Du côté des grands groupes financiers, il n'y a pas de crise, mais des records de profits. Koç holding, un des plus grands groupes capitalistes du pays, annonce des profits en hausse de 204 %, le grand groupe pharmaceutique Eczacibasi 253 %, le groupe Alarko 371 %, tout cela durant le premier semestre de 1994. Même en tenant compte de la baisse de 50 % de la valeur de la livre turque, l'augmentation reste confortable.

Il faut ajouter que la bourgeoisie turque a tous les moyens de mettre son revenu à l'abri des conséquences de l'inflation en le plaçant à l'extérieur - sa fuite devant la monnaie explique d'ailleurs en grande partie la déroute financière de l'État - tandis que les impôts frappent essentiellement les classes populaires, et relativement très peu les groupes capitalistes. La presse a ainsi révélé que la personne payant le plus d'impôts en Turquie est une certaine Mme Manukyan, tenancière de maisons closes connue, aux revenus sans nul doute confortables, mais dont il est tout de même difficile de croire qu'ils sont supérieurs à ceux des plus grands bourgeois !

En revanche, après la brusque envolée de l'inflation qui s'est traduite par un effondrement du pouvoir d'achat des classes populaires, le gouvernement et la bourgeoisie tentent de maintenir un quasi-blocage des salaires en freinant le plus longtemps possible leur revalorisation. Il a ainsi fallu attendre le 1er septembre pour qu'une augmentation du salaire minimum de 60 % soit décidée, ce qui, face à une inflation estimée à 130 %, revient à entériner la baisse des salaires réels. De l'équivalent de 200 dollars en 1992, le salaire minimum n'est ainsi maintenant que d'environ 80 dollars, et encore bien des travailleurs ne perçoivent-ils pas ce minimum.

Les réactions ouvrières face aux bureaucraties syndicales

C'est là bien sûr que le concours des organisations syndicales s'avère déterminant. L'annonce de la "potion amère" de Çiller n'a pas été sans provoquer des réactions de rejet, des manifestations et des grèves, réclamant notamment le réajustement immédiat des salaires ou s'opposant à la fermeture d'entreprises. Les bureaucraties syndicales se sont alors bien gardées de généraliser ces mouvements, évitant ce qui aurait pu devenir une épreuve de force générale, politique, entre la classe ouvrière, le gouvernement et la bourgeoisie. Elles ont procédé à des manœuvres de retardement, rencontrant le gouvernement, négociant, et se préparant à reporter la question des salaires à plus tard, dans le cadre de la négociation des conventions collectives.

Ainsi, il a fallu trois mois pour qu'elles organisent, le 20 juillet, une grève générale, ou plutôt "une journée de lutte à l'échelle nationale", car en Turquie les mots de "grève générale" sont interdits par la loi. Ce jour-là, quatre millions et demi de travailleurs, surtout dans le secteur public, ont cessé le travail, donnant une démonstration impressionnante de leur force en arrêtant tout : les autobus, les trains, les vapeurs traversant le Bosphore... Le ton de la presse, et même celui du gouvernement, ont alors quelque peu changé. Mais pour les bureaucrates, il s'agissait évidemment d'une journée sans lendemain, d'une grève-alibi organisée pour ne pas trop se déconsidérer.

La principale centrale syndicale turque reste la centrale Türk Is, aujourd'hui dirigée par une équipe liée au parti social-démocrate (SHP) qui participe au gouvernement. La raison de la grève du 20 juillet est sans doute que la pression des travailleurs était forte sur nombre de petits bureaucrates de la base, qui l'ont répercutée sur les sommets syndicaux en leur demandant d'organiser tout de même quelque chose. C'est que ces petits bureaucrates, qui touchent en général du syndicat une paye cinq à six fois plus élevée que celle d'un travailleur, tiennent tout de même à garder leur place et redoutent d'être désavoués, fût-ce au profit de bureaucrates d'une centrale concurrente. Mais si Türk Is a bien décidé de la journée du 20 juillet, elle a aussi décidé de sanctions à l'égard d'un certain nombre de cadres intermédiaires du syndicat, accusés d'être allés trop loin dans la critique de l'inertie des sommets.

La deuxième grande centrale, la DISK (Confédération des Syndicats Ouvriers Révolutionnaires), garde une image combative, qui ne tient plus en fait qu'à son nom et à son passé. Ses militants ont été en effet, avant le coup d'État militaire de 1980, à la tête de nombre de grèves déterminées et radicales. Aujourd'hui, de nouveau légalisé après plus de dix ans d'interdiction, ce syndicat n'est guère différent de Türk Is. Son secrétaire, Ridvan Budak, ex-dirigeant du syndicat du textile, connu pour son passé de bureaucrate, a annoncé clairement la couleur en déclarant qu'il n'était "pas malin de réclamer des augmentations de salaire exagérées qui aboutiront à la fermeture de l'entreprise" et que les syndicats "ne peuvent plus défendre aujourd'hui l'idée qu'ils ne sont pas concernés par la production de l'entreprise".

Enfin, la troisième centrale, Hak Is, est liée au RP, le "parti du bien-être", le parti religieux de Erbakan, un parti qui, si on ne peut l'assimiler aux partis islamiques intégristes des pays arabes, n'en est pas moins profondément anticommuniste. Hak Is, encore en retrait par rapport à Türk Is ou à la DISK, n'a par exemple appelé le 20 juillet dernier à aucune action.

Le poids constitué par de telles bureaucraties syndicales, dont le monopole est encore renforcé par toute la législation antigrève, est bien sûr très grand. Néanmoins il est évident que le mécontentement persiste. C'est le cas du côté des employés et des fonctionnaires, qui n'ont pas le droit de grève, et dont le pouvoir d'achat a considérablement baissé. Mais on commence aussi à parler de grève dans des secteurs essentiels comme la métallurgie, le textile, les mines, à l'occasion du renouvellement des conventions collectives. En octobre, les 9 000 travailleurs de la municipalité d'Izmir, à qui on ne proposait que 45 % d'augmentation face aux 130 % d'inflation, ont aussi opté pour la grève. Il est donc possible qu'on aille maintenant vers un certain nombre de conflits grévistes, et que les dirigeants syndicaux, attentifs à ne pas trop se déconsidérer, en prennent la tête tout en les maintenant sur le terrain catégoriel qui en limite l'impact politique, mais accroît leur propre rôle.

Si le gouvernement Çiller n'avait à craindre que les bureaucrates qui sont à la tête des syndicats turcs, sa stabilité serait sans doute assurée. Mais ceux-ci reflètent tout de même un mécontentement social profond, qu'ils ne pourront peut-être pas toujours empêcher de déborder.Mais c'est aussi sur le plan politique que la position du gouvernement Çiller est fragile. La presse et le patronat, il n'y a pas si longtemps, chantaient les louanges du gouvernement. Maintenant ils parlent plus volontiers de ses échecs, et même de la fortune du Premier ministre et de la façon dont elle s'est enrichie ces dernières années. Le gouvernement de coalition entre le parti de Çiller, le parti de la Juste voie (DYP) et le parti social-démocrate (SHP) de Karayalçin est si discrédité que la bourgeoisie turque souhaiterait bien lui trouver un successeur capable de faire illusion, ou au moins de faire patienter des masses populaires qui se sentent aujourd'hui appauvries.

Or, la situation politique est compliquée par une relative montée des partis de droite concurrents du parti de Çiller - l'ANAP de Mesut Yilmaz, le parti religieux RP, l'extrême droite nationaliste - et par les pressions de l'état-major de l'armée qui impose de son côté sa politique au gouvernement en ce qui concerne le Kurdistan.

La pression de l'armée et de la guerre du Kurdistan

Le chef d'état-major de l'armée qui annonce tous les six mois l'écrasement total du mouvement de guérilla lancé par le PKK (parti des Travailleurs du Kurdistan) avait annoncé au mois de mars "l'écrasement total" du PKK au plus tard pour le mois de septembre. Mais si quelque chose est total, c'est surtout la guerre que continue de mener l'armée turque dans la région. Des opérations de ratissage de grande envergure sont en cours, et la presse annonce quotidiennement des dizaines de morts. L'armée continue de chasser les paysans des campagnes, voire de brûler les forêts pour "assécher l'eau dans laquelle baigne le mouvement de guérilla", selon les termes des généraux.

Du fait de cette politique, des centaines de milliers de personnes doivent maintenant s'entasser dans les bidonvilles autour des grandes agglomérations, démunies de tout. Ainsi, la ville de Diyarbakir est passée en quelques années de 300 000 à un million et demi d'habitants, des dizaines de personnes devant souvent s'entasser dans un même logement.

La police continue aussi d'arrêter toute personne soupçonnée de sympathie envers le PKK, torturant sauvagement les personnes arrêtées.

Le gouvernement Çiller, malgré ses déclarations concernant une "solution négociée", se soumet ainsi à la politique de répression sans faille dictée par les généraux. Mais c'est une position qui devient difficilement tenable au moment où les dépenses de guerre contribuent à précipiter la crise économique et financière, où une fraction de la bourgeoisie turque elle-même considère qu'il s'agit de dépenses inutiles et où les partenaires occidentaux de la Turquie préfèreraient une politique de répression moins voyante.

Pour l'instant, le gouvernement Çiller se maintient surtout faute de mieux. Il vient de décider d'organiser des élections législatives partielles pour pourvoir les sièges de députés rendus vacants par l'arrestation, en mars, de sept députés kurdes accusés de "complot contre l'État" du fait de leur sympathie pour les revendications kurdes, et qui passent en procès à Ankara. On peut voir là une tentative pour se maintenir encore au moins un an, car la Constitution prévoit que dans ce cas, une dissolution de l'Assemblée et un nouveau scrutin sont impossibles avant ce délai. On peut y voir aussi une tentative pour trouver une porte de sortie au procès des députés kurdes. Si ceux-ci étaient réélus, ils retrouveraient une immunité parlementaire, et le procès devrait donc cesser, permettant ainsi de faire taire les critiques venues d'Occident, et peut-être de laisser une porte ouverte pour une éventuelle issue politique à la guerre du Kurdistan. Mais, même dans cette hypothèse, toute la question est de savoir si l'armée laisserait le gouvernement Çiller aller jusque-là...

Quelles alternatives ?

Il est donc bien difficile de savoir aujourd'hui quel sursis l'aggravation de la situation économique et sociale d'une part, la guerre au Kurdistan d'autre part laisseront au gouvernement Çiller alors que sa marge de manœuvre se réduit de plus en plus. Mais la bourgeoisie turque, elle, garde bien sûr quelques cartes de rechange.

Face à une accentuation du mécontentement et des grèves, un des problèmes est le discrédit croissant qui frappe le parti SHP, en tant que membre de la coalition gouvernementale. C'est peut-être pourquoi, depuis quelques mois, un autre parti bénéficie des faveurs de la grande presse et de la télévision : il s'agit du DSP (Demokratik Sol Partisi - parti démocratique de gauche) et de son leader Bülent Ecevit, ex-Premier ministre social-démocrate, qui bénéficie encore d'une certaine image radicale du côté des classes populaires, et qui en même temps affiche un nationalisme turc intransigeant à l'égard des Kurdes et pourrait donc avoir les faveurs de l'armée. Avec le DSP, la bourgeoisie turque dispose ainsi d'une sorte de rechange au SHP, d'une béquille de gauche d'autant plus facile à manier qu'Ecevit a déjà montré dans le passé qu'il pouvait sans aucune gêne accepter d'entrer dans des coalitions avec la droite ou le parti religieux.

Le DSP ne serait vraiment utile qu'en cas d'exaspération du mécontentement populaire, pour faire patienter la classe ouvrière. En fait, c'est à droite que se trouvent les principales cartes de rechange de la bourgeoisie turque, notamment avec le parti religieux RP.

Le RP dispose d'importants moyens financiers fournis par certains hommes d'affaires, ou provenant du soutien de la petite bourgeoisie commerçante. Depuis les élections de mars 1994, le RP gère également, à la place du SHP, les municipalités des principales grandes villes comme Istanbul, Ankara, et bien d'autres. Mais vu la crise financière des municipalités et l'ambiance de corruption qui les entoure, cela pourrait être à double tranchant. Des scandales impliquent déjà certains membres du RP, notamment à propos de sommes importantes collectées pour l'aide aux musulmans de Bosnie, mais qui semblent surtout être restées dans les poches des politiciens islamistes. D'autre part, le RP met volontiers en avant l'idée de l'union "de tous les musulmans" - donc kurdes comme turcs - pour trouver un soutien dans les régions kurdes ou la population pauvre des grandes villes - en grande partie kurde elle aussi. Il le fait non sans succès puisque la municipalité de Diyarbakir, la plus grande ville du Kurdistan, est maintenant aux mains du RP. Mais c'est justement ce qui le rend maintenant un peu suspect, notamment aux yeux de l'armée, que cette démagogie indispose.

En fait, la bourgeoisie turque qui a favorisé l'Islam après le coup d'État de 1980 et l'a utilisé dans un sens anticommuniste, semble désormais vouloir contrebalancer cette influence, ou la compléter, par celle du nationalisme turc, en favorisant notamment le parti nationaliste d'extrême droite MHP (Milli Hareket Partisi - parti du mouvement national) du colonel Türkes. En effet, si le MHP ne dédaigne pas, lui non plus, la démagogie islamiste, il la fait passer au second plan, derrière le nationalisme turc, voire panturc, en en appelant aux "frères turcs" d'Asie centrale et d'ailleurs. Le gouvernement Çiller ne se gêne pas pour s'appuyer sur ce parti, et en même temps le cautionner. Il favorise l'embauche de membres du MHP dans les administrations, l'enseignement, les forces spéciales dirigées contre le mouvement kurde ou dans la police - 15 000 postes de policiers auraient été réservés au MHP. Le MHP, qui s'était présenté aux dernières élections législatives dans une coalition avec le RP, semble maintenant se préparer à suivre sa propre voie. En août dernier, il a dénoncé son ex-allié le RP, qui avait parlé des "frères kurdes de l'Islam" comme un parti "traître".

Ainsi, à terme, si la crise économique et sociale s'aggravait encore, c'est peut-être dans un nationalisme exacerbé que la bourgeoisie turque pourrait rechercher une issue, d'autant plus facilement que le terrain aura été préparé, tant par l'exaltation du nationalisme turc à l'égard des Kurdes que par les campagnes à propos des Turcs d'Asie centrale ou des musulmans de Bosnie. Il faut ajouter que la Turquie garde ouverts une série de contentieux possibles avec la Grèce, que ce soit à propos de Chypre ou des eaux territoriales de la mer Égée, qui peuvent à tout moment être activés et fournir le prétexte à une guerre, ou au moins à une campagne nationaliste.

Si toutes les combinaisons parlementaires possibles finissent par être épuisées, il n'est même pas exclu que ce soit l'armée, qui depuis quelques années se tient en retrait de la scène, qui décide de nouveau d'assumer le pouvoir politique comme elle l'a fait après les coups d'État de 1960, de 1971 et de 1980. Les politiciens nationalistes ou même les "libéraux "à la Çiller n'en souffriraient certes pas trop, et pourraient se reconvertir dans un tel régime comme l'ont fait leurs prédécesseurs. La menace de l'armée et de l'extrême droite pourrait alors, encore une fois en Turquie, être utilisée comme ultime moyen de tenir en respect la classe ouvrière après que, pendant plusieurs années, bureaucrates syndicaux et politiciens réformistes auront fait tout ce qu'il fallait pour la ligoter.