La situation internationale – L'intégrisme musulman

Imprimer
décembre 1991

En 1979, l'arrivée de Khomeiny au pouvoir en Iran constituait la première grande victoire politique de l'intégrisme musulman depuis la création de l'Arabie saoudite. Sous ses différentes versions, sunnites ou chiites, cet intégrisme a fait de notables progrès ces dernières années dans nombre de pays musulmans. Il est devenu une force politique avec laquelle il faut compter dans les camps de réfugiés palestiniens, et il est aujourd'hui en situation de disputer le pouvoir au FLN en Algérie.

L'intégrisme musulman n'est certes pas le seul intégrisme religieux à avoir bénéficié du recul des idées de gauche, des idées socialistes, et d'un retour aux vieilles idéologies religieuses et réactionnaires en cette période. Mais ce qui dans les pays occidentaux ne concerne encore que des couches très limitées de la société prend une autre dimension dans les pays musulmans qui sont tous, à des degrés divers, des pays sous-développés.

Le fait, pour des hommes politiques, dans ces pays, de s'appuyer sur les préjugés religieux répandus dans la population n'est certes pas chose nouvelle. En leur temps, des leaders ou des organisations qui avaient certaines prétentions au "progressisme", comme Nasser ou comme le FLN à l'époque de la guerre d'Algérie, n'ont pas hésité à enfourcher ce cheval-là. L'appel à la "guerre sainte" contre l'intervention occidentale lancé l'hiver dernier par Saddam Hussein, qui avait pourtant une vieille réputation de dirigeant arabe laïc, relève de la même tradition. Mais ce qui est nouveau (par rapport aux années cinquante ou soixante) avec ce que représentent les ayatollahs en Iran, ou avec ce que pourrait représenter le FIS demain en Algérie, c'est la volonté d'organiser toute la vie sociale en fonction de l'interprétation la plus réactionnaire de la tradition musulmane (ce que l'Arabie saoudite connaît depuis ses origines), jointe à toute une phraséologie populiste destinée à essayer de capter le mécontentement des couches les plus déshéritées de la population (ce qui n'était vraiment pas la préoccupation d'Ibn Séoud).

De ce fait, cette nouvelle mouture (ou ces nouvelles moutures) de l'intégrisme musulman s'emploie à remplir un espace politique laissé vide par la faillite des courants tiers-mondistes des années soixante. Ces derniers professaient volontiers une phraséologie socialiste et "anti-impérialiste". Mais sous le couvert de la défense des intérêts "nationaux" de leur pays, ces courants ne visaient qu'à essayer de partager un peu mieux (du point de vue de la bourgeoisie nationale et des couches politiquement dirigeantes) avec l'impérialisme les profits tirés de l'exploitation de leur propre peuple.

Et cet "anti-impérialisme" "socialiste" n'a évidemment pas résisté à l'épreuve du pouvoir et du temps.

Compte tenu de la situation économique lamentable de la plupart des pays musulmans, auxquels l'impérialisme s'emploie à faire supporter (comme à tous les pays sous-développés) l'essentiel du poids de la crise, il n'est donc pas étonnant que la démagogie populiste des intégristes puisse rencontrer un succès important dans les masses populaires. Mais le fait que les succès de la propagande intégriste puissent, du moins en partie, correspondre à sa rencontre avec certaines aspirations légitimes des masses ne doit pas nous faire oublier que ceux qui dirigent ces mouvements sont des adversaires résolus de la classe ouvrière et que leur idéologie ne peut mener celle-ci qu'à la catastrophe, et tirer la société en arrière.

Nous sommes totalement absents, comme organisation et comme courant, des pays où ces problèmes se posent de la manière la plus aiguë. Mais nous militons dans un pays où vivent et travaillent des centaines de milliers de prolétaires originaires des pays arabes. Et si pour nous chacun des travailleurs musulmans est un frère de classe, nous ne devons pas, par gauchisme et paternalisme, oublier que notre action en leur direction est destinée à les gagner aux idées socialistes, et par la même occasion à les arracher à l'emprise de toutes les idéologies réactionnaires et religieuses.

$$s11 novembre 1991