De Gaza à l’Iran, les guerres impérialistes de Netanyahou

Print
juillet-août 2025

En lançant, dans la nuit du jeudi 12 au vendredi 13 juin, une campagne de bombardements contre l’Iran, le Premier ministre israélien Netanyahou a franchi une nouvelle étape dans l’escalade militaire au Moyen-Orient.

L’objectif affiché de l’opération militaire baptisée Rising lion (lion qui se dresse) serait d’empêcher l’Iran d’acquérir l’arme nucléaire, ce qui constituerait un « danger existentiel » pour l’État israélien. Dans l’allocution prononcée à la télévision israélienne, Netanyahou a déclaré : « Cette opération se poursuivra autant de jours qu’il sera nécessaire pour éliminer cette menace. »

Depuis le 13 juin, après avoir détruit les défenses antiaériennes iraniennes, l’aviation israélienne dispose de la maîtrise du ciel et bombarde quotidiennement l’ensemble du pays. Des commandos du Mossad seraient intervenus sur le sol iranien. Des sites militaires et nucléaires, des centres du pouvoir, des infrastructures comme des dépôts de carburant, ont été pris pour cible. Une partie des hauts dirigeants politiques et militaires iraniens, dont le chef d’état-major et celui des Gardiens de la révolution, milice qui constitue l’un des piliers du régime, des responsables du programme nucléaire, et même des scientifiques, ont été tués. Mais ces bombardements ont aussi frappé des immeubles, des zones résidentielles et ont fait en quelques jours plusieurs centaines de victimes civiles. Il faut ajouter que lancer des missiles de grande puissance contre des installations nucléaires est particulièrement « dangereux tant pour les populations que pour l’environnement », comme l’a dénoncé le directeur de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA).

Comme à Gaza, au Liban, en Syrie et au Yémen, les dirigeants israéliens pratiquent un terrorisme d’État à grande échelle avec un total mépris des populations, iranienne comme israélienne, car les missiles tirés par l’Iran en représailles ont fait plusieurs dizaines de morts parmi les Israéliens.

Les calculs cyniques de Netanyahou

Tout au long de sa carrière politique, Netanyahou n’a cessé d’agiter la prétendue menace iranienne afin de se poser, vis-à-vis de son opinion publique, en défenseur de la sécurité d’Israël. Les mêmes calculs ont dû intervenir pour l’inciter à engager le conflit actuel.

Le Premier ministre israélien doit faire face, depuis plusieurs mois, à une opposition croissante à sa politique de guerre à outrance à Gaza s’exprimant lors de manifestations réunissant tous les samedis des milliers de personnes dans les principales villes israéliennes. Un nombre croissant de réservistes refusent de répondre à leur convocation et de rejoindre leur unité, jusqu’à 60 à 70 % selon des journalistes israéliens.

En déclenchant la guerre contre l’Iran, Netanyahou cherche certainement à créer un réflexe d’union nationale et à ressouder ainsi les rangs derrière lui. L’état d’urgence, déclaré dès le 13 juin, lui a permis d’interdire tous les rassemblements, d’appeler les Israéliens à se rendre aux abris et de mettre fin, au moins pour l’instant, à toute contestation. La population israélienne est ainsi engagée dans la guerre, qu’elle le veuille ou non.

Sur le plan extérieur, Netanyahou veut aussi forcer la main à Trump en l’obligeant à le soutenir, alors que ces dernières semaines le président américain avait exprimé son agacement à l’égard de la politique israélienne. En attaquant l’Iran, considérablement affaibli depuis le 7 octobre 2023 par les coups portés à ses alliés régionaux, la décapitation du Hezbollah libanais, la chute du régime syrien de Bachar el-Assad, les bombardements contre les Houthis du Yémen, Netanyahou savait pouvoir compter sur le soutien des États-Unis et de l’ensemble des puissances impérialistes.

Quel que soit le degré de participation des États-Unis dans la préparation et la mise en œuvre de cette offensive israélienne contre l’Iran, impossible sans leur aval explicite, Trump, qui a d’abord affirmé en avoir été simplement informé, s’en est ensuite réjoui, la jugeant « excellente ». Macron, quant à lui, s’est immédiatement aligné sur la position américaine, déclarant qu’­Israël­ avait le droit de se défendre. Ce qui revenait en l’occurrence à lui reconnaître le droit d’attaquer l’Iran ! Les quelques gestes dérisoires de désapprobation de la politique de Netanyahou consistant à envisager une éventuelle reconnaissance d’un État palestinien ont été repoussés aux calendes grecques. Macron a même été jusqu’à affirmer qu’il était prêt à faire la guerre aux côtés d’Israël si c’était nécessaire. Le droit de se défendre n’est donc pas reconnu de la même façon à tous les États !

Les objectifs de l’impérialisme face à l’Iran

L’Iran a toujours nié vouloir acquérir l’arme atomique et a toujours affirmé que son programme nucléaire se limitait à des applications civiles. Il n’y a pas de raisons de croire sur parole les dirigeants iraniens. Mais pas davantage les chefs des États occidentaux, États-Unis en tête, quand ils prétendent vouloir conserver le monopole de l’arme nucléaire dans un souci de sécurité des populations du monde. Les seuls à avoir utilisé cette arme à ce jour sont les États-Unis, en 1945 contre le Japon, causant ainsi la destruction des villes d’Hiroshima et Nagasaki et plus de 200 000 morts. Et ce sont eux qui osent se poser en garants du bon usage de l’arme atomique !

En réalité, les États-Unis cherchent exclusivement à garantir leur suprématie militaire. Seuls des pays alliés, comme Israël, le Pakistan et l’Inde, se sont vu reconnaître officieusement ce droit de disposer de cette technologie militaire, droit refusé par contre à un État que l’impérialisme ne contrôle pas et qui veut lui tenir tête.

Cette question du nucléaire permet aussi de justifier le maintien de sanctions économiques contre l’Iran et le fait d’exiger qu’il se soumette à un contrôle des grandes puissances, via l’AIEA, l’Agence internationale de l’énergie atomique. Cette pression avait abouti en 2015, sous Obama, à la signature d’un accord que Trump avait dénoncé trois ans plus tard, après son arrivée au pouvoir. Après avoir adopté une attitude très dure, il avait repris langue avec les dirigeants iraniens à la veille de l’attaque israélienne et se disait déterminé à obtenir un nouvel accord.

Mais, tout en répétant qu’il n’était pas impliqué dans la décision de Netanyahou de déclencher une attaque contre l’Iran, Trump a immédiatement vu le parti qu’il pouvait en tirer. Il pouvait s’adresser aux dirigeants iraniens en déclarant : « Signez un accord ou la guerre continuera ». Israël joue en l’occurrence, au sens propre, le rôle de bras armé de l’impérialisme.

Reprenant la propagande israélienne, certains commentateurs prétendent que cette guerre peut permettre à la population de renverser la dictature des mollahs. C’est tout le contraire qui risque de se produire, la population devant subir les bombardements israéliens et la répression que le régime peut renforcer en profitant de l’état de guerre. Et même si l’offensive militaire israélienne finissait par provoquer la chute du régime, la population iranienne ne pourra espérer aucune libération apportée par les bombes de l’impérialisme américain et de son allié israélien qui opprime et massacre les Palestiniens.

Où conduira cette nouvelle escalade ?

L’Iran a répliqué en tirant des salves de missiles que le système de défense israélien, dit Dôme de fer, n’est pas capable d’arrêter totalement. Le nombre de victimes augmente des deux côtés. Un engrenage est enclenché, qui peut amener l’armée israélienne à s’engager dans une guerre longue. Les puissances impérialistes sont impliquées dans ce conflit. Les États-Unis, l’Allemagne et la France apportent un soutien politique à Israël et lui fournissent des armes.

Les États impérialistes peuvent être impliqués plus encore et, en tout cas, ils y sont prêts. Trump a averti l’Iran : « Si les États-Unis sont attaqués, ils emploieront toute la force de leur armée. » Une nouvelle escalade qui verrait les États-Unis en première ligne face à l’Iran est possible. Dans le passé, les troupes américaines ont été envoyées à plusieurs reprises défendre les intérêts impérialistes au Moyen-Orient, en 2001 en Afghanistan, en 2003 en Irak, en 2014 en Syrie. Ces interventions ont contribué à transformer ces pays en champs de ruines et à y répandre le chaos.

Une nouvelle étape dans la marche à la guerre du monde impérialiste

La guerre d’Israël contre l’Iran s’inscrit dans une évolution plus générale à l’échelle du monde impérialiste qui est une véritable marche à la guerre. Les foyers de tension s’embrasent, les budgets militaires partent à la hausse et tous les chefs d’État déclarent qu’il faut se préparer à un conflit d’ampleur. Cette évolution prolonge les affrontements économiques et la concurrence qui s’exacerbent du fait de l’aggravation de la crise du capitalisme.

Cette situation se rapproche de plus en plus de celle que connaissait le monde à la veille de la Deuxième Guerre mondiale et que Trotsky décrivait en ces termes, en 1938, dans le Programme de transition :

« Le tableau des relations internationales n’a pas meilleur aspect. Sous la pression croissante du déclin capitaliste, les antagonismes impérialistes ont atteint la limite au-delà de laquelle les divers conflits et explosions sanglantes (Éthiopie, Espagne, Extrême-Orient, Europe centrale…), doivent infailliblement se confondre en un incendie mondial. »

Trotsky concluait : « Sans révolution socialiste, et cela dans la prochaine période historique, la civilisation humaine tout entière est menacée d’être emportée dans une catastrophe. Tout dépend du prolétariat, c’est-à-dire au premier chef de son avant-garde révolutionnaire. »

Cette conclusion reste totalement d’actualité.

19 juin 2025