Bolloré, un archétype de capitaliste

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mars 2022

Les conquêtes de Bolloré dans le secteur des médias, tout comme son soutien à Zemmour, longtemps omniprésent sur CNews dont il est le propriétaire, défraient la chronique depuis des mois. Au travers de Vivendi, dont il a pris le contrôle en 2014, le capitaliste breton est en train de construire un véritable empire médiatique. Il contrôle Universal Music, le numéro un mondial du secteur de la musique, C8, ­Canal +, CNews, Havas (la cinquième agence mondiale de publicité), Editis (qui englobe Nathan, Plon ou encore Laffont), des titres de la presse écrite : Capital, Femme actuelle, Voici, Gala... Il possède déjà 27,64 % du capital du groupe d’Arnaud Lagardère, propriétaire d’Europe 1, de Paris-Match, du Journal du dimanche et du leader français du secteur de l’édition, Hachette, et se prépare à l’avaler entièrement suite à une offre publique d’achat lancée il y a peu.

« S’agissant de la stratégie du groupe Vivendi comme de celle de Canal +, je vais être clair, déclarait Vincent Bolloré dans Challenges en juillet 2014, il n’y a que moi qui parle. » Et l’on pourrait ajouter : et qui décide. En 2015, deux mois après la prise totale de contrôle de Canal + par son groupe, Vivendi, Bolloré exigeait de son directeur qu’il déprogramme une enquête sur le Crédit mutuel, banque avec laquelle Vivendi a de nombreux liens d’intérêt, selon Mediapart. Le patron de Vivendi a maintes fois montré sa volonté de placer ses relations aux différents postes et d’imposer ses vues sur à peu près tout.

Le maître, c’est lui. Il dirige l’entreprise Vivendi comme toutes celles du groupe : elle doit rapporter beaucoup d’argent, et les salariés, du bas au haut de l’échelle, doivent obéir au doigt et à l’œil. Bolloré le revendique publiquement, cyniquement pourrait-on dire. Il n’est cependant en rien différent de toute sa classe sociale, cette bourgeoisie qui tire ses milliards de l’exploitation de travailleurs aux quatre coins du monde et attend du pouvoir politique qu’elle a construit qu’il serve fidèlement ses intérêts.

Un milliardaire issu d’une vieille famille bourgeoise

Le groupe Bolloré, classé au 538e rang mondial du classement des entreprises les plus riches, et au 14e rang français, ne tire qu’en partie sa richesse de Vivendi et de son poids économique dans les médias. La multinationale a investi au fil des années dans le secteur des batteries électriques, dans la logistique pétrolière, les plantations de palmiers à huile et d’hévéas en Asie et en Afrique, et surtout dans de très nombreuses infrastructures portuaires en Afrique. L’exploitation des 81 000 salariés du groupe, qui sont répartis dans 130 pays, lui a permis d’afficher en 2020 un chiffre d’affaires de près de 25 milliards d’euros.

La famille Bolloré est seule, ou presque, aux commandes du groupe devenu tentaculaire. Elle conserve 64 % du capital de la société cotée. Son patrimoine est estimé à 9 milliards d’euros, certes très loin derrière celui de Bernard Arnaud, le patron de LVMH, qui s’élève à 190 milliards d’euros. Cela lui assure le train de vie digne d’une famille de la grande bourgeoisie. Les Bolloré disposent du manoir familial de Beg Meil, situé dans le Finistère. Vincent Bolloré et ses fils résident dans le 16e arrondissement de Paris, dans une des demeures de la villa Montmorency. Il s’agit d’un vaste espace soigneusement gardé, totalement privé – en franchir les grilles suppose d’y avoir été autorisé par l’un de ses habitants – composé d’une cinquante de « maisons unifamiliales de campagne et d’agrément » de 300 à 800 m² habitables, sur des parcelles de 3 000 m² chacune. Bolloré vaque à ses affaires en se déplaçant en jets privés, dont son Bombardier Global Express d’une valeur de 52 millions de dollars. À cela, on peut ajouter le Paloma, un yacht de 65 mètres de long, celui qui a accueilli Sarkozy après sa victoire aux élections de 2007 ; une villa de 450 m² située dans la baie des Canoubiers, proche de Saint-Tropez, disposant, comme il se doit, d’un accès direct à la mer ; deux domaines viticoles de plus d’une centaine d’hectares au total ; et l’île du Loc’h, la plus grande de l’archipel des Glénan, propriété de la famille depuis 1924. On en oublie certainement. Le patriarche veille à ce que cette fortune personnelle et professionnelle reste dans la famille. Yannick, un des trois fils Bolloré, est PDG d’Havas et président du conseil de surveillance de Vivendi. Cyrille, le benjamin, préside Bolloré Transport & Logistics, dont une des filiales est Bolloré Africa Logistics. Il succédera à papa à la tête du holding. Marie doit se contenter du secteur des batteries électriques. On compte peu sur les femmes dans la famille.

Vincent Bolloré est lui-même issu d’une vieille famille bourgeoise qui a entretenu des liens très étroits avec nombre de présidents et de hauts fonctionnaires qui sont leurs obligés. Comme le souligne Jean Bothorel, son biographe et ami, journaliste à La Vie catholique puis à L’Expansion et au Figaro : « En Bretagne, c’était une famille extraordinairement riche qui vivait à égalité des grandes familles d’Europe, les Rothschild, les Peugeot […]. Il [Vincent Bolloré] ne sort pas d’un fils d’archevêque. » [1]

La papeterie créée en 1822 à Ergué-Gabéric, en Bretagne, par Nicolas Le Marié et son beau-frère Jean-Guillaume Bolloré, puis dirigée à partir de 1861 par Jean-René Bolloré, devint rapidement une des plus importantes de la région. L’affaire familiale prospéra en exploitant des dizaines d’ouvriers. Le travail y était particulièrement difficile, surtout celui des ouvrières, comme en témoigna Marianne Saliou, une ancienne ouvrière de l’usine d’Odet. « Les femmes de la chiffonnerie […] mettaient sur leur dos [les chiffons] dans de grandes serpillières, racontait-elle. On ne voyait que leurs jambes qui marchaient, tout le reste était caché par les serpillières… À la machine à papier, il n’y avait pas de rouleau sécheur. Les femmes faisaient sécher le papier qui était épais sur la lande et les branches des arbres. Il fallait le surveiller. Quand il pleuvait, on le ramassait. »[2]

Les papeteries fabriquaient entre autres du papier pour les missels. Les Bolloré étaient des patrons catholiques. Pour garantir le calme social et éloigner les ouvriers de la tentation de s’organiser, ils comptaient sur la messe, qu’ils avaient rendue obligatoire. En 1929 encore, les ouvriers de chez Bolloré avaient l’obligation de s’inscrire à l’école privée catholique. Vincent Bolloré perpétue la tradition puisque, outre son application à assister à la messe, il continue de financer des établissements scolaires catholiques.

Les usines d’Odet et de Cascadec finirent par se spécialiser dans la fabrication du papier à cigarettes. La marque OCB, sigle de Odet-Cascadec-Bolloré, naquit en 1918 et fournit longtemps les géants américains du tabac. En 1950, une cigarette sur dix consommée dans le monde était roulée dans du papier OCB. À cette fabrication s’ajouta celle de film polypropylène destiné à la production de condensateurs. Les usines Bolloré en devinrent les plus gros producteurs, couvrant 30 % du marché mondial. Puis, dans les années 1960, outre le marché du papier à cigarettes et du papier de condensateurs, l’entreprise fabriqua du papier carbone. Elle était le premier producteur européen de sachets de thé, le numéro un du papier bible – tradition catholique oblige – et le fournisseur attitré de Gallimard pour sa collection de la Pléiade.

Des biens, mais surtout des liens

Vincent Bolloré eut donc une enfance facile et dorée grâce à l’argent de papa. Il grandit dans l’hôtel particulier propriété de la famille, situé sur l’avenue du maréchal Maunoury en bordure du bois de Boulogne, où étaient régulièrement conviés le baron de Rothschild, Édouard de Ribes, le patron de la banque Rivaud, ou encore les Dassault. On pouvait y croiser également Georges Pompidou, futur président de la République et alors directeur général de cette même banque Rothschild, ou encore François Mitterrand. Grâce aux relations de son père, Vincent Bolloré se fit embaucher à la Compagnie financière Edmond de Rothschild. L’entreprise familiale battant de l’aile, en 1981, avec son frère, il réussit à éviter la faillite grâce à un prêt de Roths­child. Les ouvriers des usines qu’il restructura n’eurent pas ces possibilités : une baisse de salaire, « à prendre ou à laisser », leur fut imposée.

Ce jeune entrepreneur partit à la recherche d’autres financements, une quête grandement facilitée par ses relations familiales. Avec l’argent prêté, dès 1985, il se lança dans diverses opérations boursières qui lui permirent de racheter un certain nombre de sociétés ou d’en prendre le contrôle. Les années de la gauche au gouvernement lui furent tout aussi favorables que celles où la droite revint au pouvoir.

Il sut tout au long de ces années s’entourer d’« amis » de tous bords. On trouve dans son entourage aussi bien un ancien ministre socialiste, Jean Glavany, nommé en 2003 au comité stratégique du groupe, qu’un Michel Calzaroni, ex-militant du groupe d’extrême droite Occident, ancien directeur de la communication du CNPF (l’ancêtre du Medef), ou encore un Ange Mancini, ex-patron du Raid, devenu conseiller de Bolloré. Une journaliste, autrice de On achète bien les cerveaux et de La publicité et les médias, raconte : « Bernard Kouchner, Michel Barnier ou Jean-Louis Borloo ont été invités au mariage du fils Yannick, président-directeur général de Havas. Madame Valérie Pécresse, candidate Les Républicains, connaît bien, elle aussi, l’entreprise : son père, Dominique Roux, présida la filiale Bolloré Telecom. Quant à Monsieur François Hollande, son conseiller Bernard Poignant, ancien maire socialiste de Quimper et ami de trente ans de Monsieur Bolloré, lui servait de trait d’union avec l’homme d’affaires. » [3]

Les hautes sphères de l’État lui rendirent nombre de services pour l’aider à conclure de très bonnes affaires, en Afrique en particulier. Ce continent devint en effet la base du développement de son groupe, qui s’implanta progressivement dans quarante-six pays du continent africain, investissant dans le rail, les plantations agricoles et surtout le transport de marchandises.

Les affaires africaines

Vincent Bolloré profita largement des privatisations imposées aux pays africains par le FMI à partir des années 1980, pour prendre pied sur le continent africain. En 1986, il prit le contrôle de la SCAC (Société commerciale d’affrètement et de combustible), dont l’activité consiste à assurer le transit des marchandises entre la France et l’Afrique. La SCAC fut créée au temps des colonies, par la famille Fossorier, la famille de sa première femme, puis revendue au groupe Suez. En 1986, Suez souhaita se défaire de sa participation majoritaire. Alors que plusieurs groupes étaient sur les rangs, le groupe Bolloré emporta le morceau grâce à l’argent du banquier Bernheim : encore et toujours une affaire de relations. Peu après, il s’attaqua à l’un des magnats du transport maritime vers l’Afrique, l’armateur Delmas-Vieljeux. Une bataille boursière et juridique féroce s’engagea en 1991 entre Tristan Vieljeux et Bolloré, dont ce dernier sortit vainqueur et à la tête de la totalité du groupe maritime.

Les privatisations permirent également de mettre la main sur des dizaines de milliers d’hectares de plantations. La Socapalm (Société camerounaise de palmeraies), anciennement société d’État, fut privatisée en 2000. Elle est aujourd’hui une filiale de la Socfin (Société financière des caoutchoucs). Le groupe Bolloré, détenant près de 39 % du capital de la Socfin, exerce donc un contrôle sur Socapalm. Celle-ci est à la tête de plusieurs plantations de palmiers à huile concédées pour soixante ans, ainsi que d’usines de pressage et de raffinerie d’huile. Plusieurs milliers de personnes, en comptant les sous-traitants, y travaillent. En 2016, une enquête de France 2 réalisée dans l’une de ces palmeraies montrait des ouvriers payés à la tâche, moins d’un euro par jour, travaillant sans protection. De vieux travailleurs, comme des jeunes encore mineurs, vivant tous dans des logements vétustes sans électricité, sans eau, sans aménagements d’aucune sorte[4]. Sur une des concessions de 16 500 hectares, un témoin rapportait[5] : « Les femmes des villages alentours ramassent [les fruits du palmier], moyennant 250 francs CFA (38 centimes d’euro) le sac de 35 kg. Les coupeurs viennent, eux, majoritairement des montagnes pauvres du nord-ouest anglophone du pays, et sont payés au poids par des sous-traitants. » Selon plusieurs ONG, la Socapalm mène des campagnes d’intimidation afin d’exproprier les communautés locales et de confisquer leurs terres. Ces pratiques ne se cantonnent pas au Cameroun.

La possession de presque tous les ports d’Afrique de l’Ouest, au travers de Bolloré Africa Logistics, a fait la fortune de la multinationale. Elle est aujourd’hui concessionnaire de vingt et un terminaux à conteneurs. Elle gère également trois concessions ferroviaires et assure la logistique et le transit des opérations de dédouanement et de transport de marchandises. Bolloré Africa Logistics emploie 25 000 personnes, soit un quart des effectifs du groupe dans le monde. En 2020, elle générait 2,1 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Selon une étude d’Exane BNP Paribas datant de 2012, le continent africain représentait près de 80 % des profits de la multinationale.[6]

Pour parvenir à un tel résultat, il fallut arracher les concessions portuaires. Bolloré dut pour cela cultiver des liens privilégiés avec des dictateurs africains, qui lui cédèrent ces concessions en échange de faveurs sonnantes et trébuchantes. Tout cela se fit avec la complicité active de représentants de l’État français. Michel Roussin, l’ancien directeur de la DGSE, le « Monsieur Afrique » de Jacques Chirac, ancien ministre de la Coopération du gouvernement Balladur, apporta son aide précieuse. Nommé en 2000 vice-président du groupe pour l’Afrique, il utilisa ses réseaux pour conclure des affaires pour le compte de son patron. « Avec mes réseaux, je facilite parfois certaines choses », déclarait-il. Présidents et ministres français mouillèrent souvent leur chemise pour Bolloré. La concession du port de Kribi, au Cameroun, lui fut ainsi attribuée en 2015 après une visite du président Hollande au président Paul Biya. Hollande ne nia d’ailleurs pas en avoir personnellement parlé au président camerounais. Quatre ans plus tard, à la fin octobre 2019, ce fut Jean-Yves Le Drian, l’actuel ministre des Affaires étrangères, qui fit le déplacement au Cameroun pour obtenir la rétrocession du port autonome de Douala au groupe français Bolloré.

Ces pratiques du groupe, caractéristiques de la Françafrique, cet ensemble de relations que la France entretint avec ses anciennes colonies africaines, furent récemment portées sur la place publique avec la mise en examen de Vincent Bolloré pour des soupçons de corruption d’agents étrangers dépositaires de l’autorité publique. Les accusations portaient sur le financement de la campagne électorale du président togolais, Faure Gnassingbé, en échange de la prolongation de la concession portuaire du port de Lomé, et de celle de 2010 du président guinéen, Alpha Condé, en échange de l’acquisition de la gestion du terminal à conteneurs du port autonome de Conakry. Peu après son élection en effet, Alpha Condé rompit soudainement le contrat d’une durée de vingt-cinq ans qui liait la Guinée au gestionnaire français Getma international, filiale de Necotrans, un concurrent de Bolloré. Getma international fut expulsé par la force du port de Conakry en 2011 sur ordre du président Alpha Condé. Puis la société, qui subit un redressement judiciaire, fut rachetée en 2017 pour une bouchée de pain par le groupe Bolloré lui-même. Entre concurrents, la pitié n’a pas de place.

Les accusations contre Bolloré concernant la Guinée furent annulées par la cour d’appel de Paris pour cause de prescription. Mais, le groupe Bolloré restant poursuivi dans le dossier togolais, le milliardaire plaida coupable afin d’obtenir un arrangement. Le tribunal accepta l’abandon des poursuites contre l’entreprise, moyennant tout de même douze millions d’euros d’amende et quatre millions de « mise en conformité avec les règles anti-corruption », mais il renvoya tout de même Vincent Bolloré et deux de ses associés devant le tribunal correctionnel. La partie n’est donc pas terminée. Mais cette affaire en dit long sur la façon dont l’État intervient quand il s’agit des affaires des capitalistes, permettant au pillage de l’Afrique de continuer.

Ces dernières semaines, la presse économique a beaucoup commenté la possible vente de Bolloré Africa Logistics au groupe MSC. Selon un communiqué datant du 20 décembre dernier, le groupe Bolloré aurait « reçu une offre du groupe MSC, acteur majeur du transport et de la logistique par conteneurs, pour l’acquisition de 100 % de Bolloré Africa Logistics, regroupant l’ensemble des activités de transport et logistique du Groupe Bolloré en Afrique, sur la base d’une valeur d’entreprise, nette des intérêts minoritaires, de 5,7 milliards d’euros. » Ainsi Bolloré pourrait obtenir 5,7 milliards d’euros de la vente de sa filiale africaine, dont la valeur est estimée entre 2 et 3 milliards d’euros. Alors que le domaine portuaire nécessite des investissements de plus en plus coûteux et que ses concurrents sur ce terrain sont de bien plus gros requins, comme le dit un économiste connaisseur de l’affaire, ce serait une « très belle réussite ». Une de plus.

Bolloré choisit Zemmour… et son coffre-fort

Depuis quarante ans, de manière ininterrompue, Vincent Bolloré a considérablement augmenté la fortune familiale en exploitant des dizaines de milliers de travailleurs et en jouant en Bourse la richesse extraite de leur travail. Les différents coups opérés dans le secteur des médias illustrent ce dernier aspect, comme la vente, en février 2021, de 20 % des actions d’Universal Music au groupe chinois Tencent, dont Bolloré retira six milliards d’euros. Grâce aux milliards engrangés, soutirés pour l’essentiel de ses possessions africaines, Bolloré peut désormais envisager d’augmenter son poids dans la communication. Il y voit un nouveau moyen de continuer à enrichir sa famille, mais aussi d’influencer l’opinion, de contrôler l’information. Il n’est pas le premier à tenter de s’emparer des médias. Ceux-ci ont toujours été sous le contrôle de riches propriétaires. Dans cette société dominée par l’argent, l’indépendance et la liberté de la presse n’ont jamais existé.

Bolloré, qui n’a jamais fait mystère d’être un fervent catholique très à droite, a cette fois choisi d’utiliser ce pouvoir médiatique – et en particulier CNews – pour propulser le politicien d’extrême droite Zemmour. Il est proche de ses idées, comme beaucoup le sont dans le cercle de ses amis. Patrick Mahé, qu’il a placé à la tête de Paris Match, était à vingt ans un militant d’Occident, comme Michel Calzaroni, déjà cité, son conseiller communication. Bolloré fréquente assidûment des prêtres catholiques. Il a la foi, une foi cependant toute patronale. « La religion catholique est formidable, a-t-il déclaré un jour : je pèche, je me confesse, et je recommence. » Il pense que l’identité de la France est en danger. En un mot, il adhère aux axes de campagne de son poulain, sans que l’on sache s’il veut vraiment le voir à l’Élysée, ou s’il cherche à mettre des bâtons dans les roues d’un Macron coupable de ne pas avoir rendu les services attendus. En revanche, on peut être certain que celui – ou celle – qui sera élu, quel qu’il soit, sera au garde-à-vous devant ceux qui ont la réalité du pouvoir dans cette société, les Bolloré et autres milliardaires et actionnaires du Cac 40.

Le 14 janvier 2022

 

[1]              Vincent Bolloré, un ami qui vous veut du bien ? diffusé sur France 2 dans Complément d’enquête, le 7 avril 2016, et réalisé par Tristan Waleckx et Matthieu Rénier, qui ont remporté le prix Albert-Londres audiovisuel 2017 pour ce reportage. Vincent Bolloré engagea deux procédures – qu’il perdit – contre France Télévisions et les auteurs.

 

[2]              Propos recueillis en 1979 par Jean Guéguen et Jean Cognard, cités dans la biographie de Jean Bothorel Vincent Bolloré, une histoire de famille, Picollec, 2007.

 

[3]              Le Monde diplomatique, janvier 2022.

 

[4]              Voir note 1.

 

[5]              Le Monde, 21 août 2017.

 

[6]              Sabine Delanglade, « La machine Afrique de Bolloré », Les Échos, 28 février 2013.