Déclaration de Nathalie Arthaud  au soir du premier tour (22 avril 2012)

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mai 2012

Sarkozy et Hollande sont donc les deux candidats en lice pour le deuxième tour, avec une avance telle pour Hollande que son élection paraît probable.

Le plus inquiétant dans les résultats est le pourcentage de voix obtenues par Marine Le Pen. Il est l'expression du renforcement de l'extrême droite dans l'opinion publique. Cette montée de l'extrême droite représente une menace pour les travailleurs.

Malheureusement, l'élection de Hollande à la présidence de la République et l'éventualité d'un gouvernement socialiste ne protégeront en rien les travailleurs contre cette menace. Car plus sera grand le mécontentement provoqué par les mesures d'austérité que Hollande sera amené à prendre sous la pression des milieux financiers, plus cela renforcera l'extrême droite.

Seul le renforcement des forces qui se situent sur le terrain des intérêts politiques de la classe ouvrière peut constituer un contrepoids au renforcement de l'extrême droite et l'empêcher de s'arroger le monopole de l'opposition.

Je remercie les quelque deux cent mille électeurs qui ont voté pour ma candidature. Ils ont marqué par ce vote aussi bien leur rejet de Sarkozy que leur méfiance à l'égard de Hollande. Ils ont montré qu'ils ne sont pas dupes des faux choix de cette élection présidentielle où le véritable pouvoir, celui de l'argent, celui du grand patronat et des banquiers, n'est pas soumis au suffrage.

Ceux qui ont voté pour ma candidature se sont prononcés pour le programme de lutte que j'ai défendu tout au long de ma campagne électorale. Ils se sont prononcés pour que l'interdiction des licenciements, la répartition du travail entre tous sans diminution de salaire ainsi que l'augmentation des salaires, retraites et pensions et leur indexation automatique sur les hausses de prix, soient mises en tête des revendications des futures luttes ouvrières. Ils ont affirmé leur conviction qu'il ne faut pas laisser à la classe capitaliste la direction sans contrôle des entreprises et des banques parce que l'usage qu'elle fait de son pouvoir dictatorial va à l'encontre des intérêts de la société. Ils ont contribué aussi à montrer que le courant communiste, pour minoritaire qu'il soit, est toujours présent.

J'ai la conviction que le programme de lutte que j'ai défendu a été entendu bien au-delà.

Je ne suis pas propriétaire des voix qui, en ce premier tour, se sont portées sur mon nom. Au deuxième tour, mes électeurs voteront selon leur conscience.

Aucun travailleur conscient ne peut évidemment voter pour Nicolas Sarkozy, le président des riches, cet homme qui, pendant les cinq ans de son pouvoir, a été le fidèle serviteur des groupes capitalistes et des banquiers.

Certains de mes électeurs, confrontés au choix pipé entre un ennemi ouvert des travailleurs et un faux ami, s'abstiendront ou voteront blanc.

D'autres, pour se débarrasser de Sarkozy, voteront pour François Hollande. Quel qu'ait été leur choix personnel, j'appelle les travailleurs, les victimes de la crise à se retrouver tous ensemble dans les luttes inévitables contre le grand patronat, les banquiers et le gouvernement.

Nous ne pourrons compter sur personne pour nous défendre, ni sur le président de la République, ni sur le gouvernement. Mais nous avons la force de nous défendre nous-mêmes, car c'est nous qui faisons tourner l'économie. Si nous avons une claire conscience de nos intérêts matériels et politiques et si nous sommes décidés à les imposer, notre force est irrésistible !

Discours aux militants (22 avril 2012)

Au soir du premier tour, Nathalie Arthaud s'est adressée ainsi aux militants présents à la soirée électorale organisée par Lutte Ouvrière pour prendre connaissance des résultats .

Je voudrais dire quelques mots à l'attention de tous ceux qui ont soutenu notre campagne, à l'attention de mes camarades.

Pour tous les journalistes et les experts politiques qui résument la vie politique au cirque électoral, notre score de 0,5 % à 0,7 % sera considéré comme l'échec de notre campagne et de notre politique.

Mais je tiens d'abord à rappeler que, si 0,5 % à 0,7 % cela pèse peu dans les urnes, cela fait près de 200 000 personnes qui ont approuvé notre programme de lutte. Cela fait près de 200 000 personnes présentes dans les entreprises, dans les quartiers populaires, sur qui les travailleurs pourront compter pour relayer ces objectifs et les populariser. Dans un contexte de remontée des luttes, ils seront des points d'appui précieux pour tous ceux qui voudront se battre.

Et au-delà du score, camarades, nous pouvons être fiers de cette campagne. Parce que nous avons pu y défendre toutes nos idées et parce que ces idées ont touché bien des travailleurs, des pauvres, des chômeurs.

Nous avons touché, conforté et influencé y compris des électeurs qui ne se sont pas portés sur mon nom. Je le sais, au travers des courriers et des messages de soutien que nous avons reçus. Vous le savez, au travers des discussions que vous avez eues : nous avons attiré de la sympathie et du respect pour notre politique dans les classes populaires, largement au-delà de ceux qui ont voté pour nous.

Ce respect, nous l'avons gagné parce que nous avons défendu nos idées, parce que nous avons défendu sans concession les mesures nécessaires aux classes populaires, cette interdiction des licenciements, dont on nous a dit et répété qu'elle n'était pas possible, que c'était une horreur économique ; l'augmentation des salaires et le smic à 1 700 euros, dont on nous a rabâché qu'ils mettraient toute l'économie sur la paille ; le contrôle des travailleurs sur les entreprises, quand bien même on nous a expliqué qu'il était sacrilège.

Le respect et la sympathie, nous les avons aussi gagnés en affirmant nos convictions communistes. Nous avons montré qu'il existe, dans le pays, un courant qui ne se résigne pas au capitalisme et qui affirme que les travailleurs ne sont pas seulement des victimes et des exploités, mais qu'ils peuvent et doivent revendiquer la direction de la société. Oui, dans cette campagne nous avons levé le drapeau du communisme.

Nous l'avons fait en connaissance de cause : en sachant que ce ne serait pas payant électoralement, en sachant que nous serions à contre-courant, qualifiés d'utopistes ou accusés du pire.

Nous l'avons fait et je crois que nous l'avons réussi. S'il a été question du communisme dans cette campagne, si l'on a parlé de l'expropriation des banquiers, de l'expropriation des groupes capitalistes, du renversement de la bourgeoisie, c'est de notre fait.

Oui, ma candidature était une candidature de témoignage, nous l'avons toujours assumé. Mais elle témoignait d'un point de vue de classe, du point de vue des exploités et de la perspective communiste, ce qu'aucun autre candidat n'a fait.

L'apolitisme ambiant, le faible moral des travailleurs et les illusions électoralistes ont conduit à faire le succès de la « révolution citoyenne » et du remix 2012 de la prise de la Bastille ! Mais ce n'est pas Jean-Luc Mélenchon qui s'est réclamé du communisme, de la perspective d'une société débarrassée du profit, du marché et de la propriété privée, c'est nous !

Nous avons montré qu'il existe bel et bien un courant communiste révolutionnaire. Il est aujourd'hui minoritaire. Mais ce n'est pas la première fois. S'il n'a pas disparu malgré la pression du stalinisme, malgré la pression du réformisme et de l'électoralisme, c'est qu'il y a toujours eu des hommes et des femmes qui ont su être à contre-courant et qui ont tenu envers et contre tout à leurs convictions, à leur idéal. C'est par vents contraires que l'on juge la fidélité aux idées communistes.

Alors aujourd'hui, c'est à nous d'assurer la transmission des idées communistes révolutionnaires et nous pouvons en être fiers.

Et c'est plus que jamais nécessaire, car la crise est un formidable accélérateur de l'Histoire. Elle ne fait pas qu'aggraver les conditions d'existence des classes populaires, elle remue aussi les consciences. La crise économique actuelle amènera un nombre croissant de travailleurs, de jeunes, à la conscience que renverser le pouvoir de la bourgeoisie n'est pas une utopie mais une nécessité. Eh bien, il faut qu'ils trouvent des militantes et des militants qui en défendent la perspective.

Autant l'on peut constater que la révolte s'accumule dans la classe ouvrière, qu'il y a une rage impuissante qui couve, autant personne ne peut dire quand elle explosera. Quand surviendront les luttes, comment, nous ne pouvons pas le dire. En revanche ce qui dépend de nous, c'est que nous soyons là et qu'il y ait un parti, le plus large possible, capable de défendre une politique pour ces luttes.

Il faut encore un parti, implanté un peu partout, reconnu par une fraction non négligeable des nôtres. Ce parti n'existe pas encore, il nous faut œuvrer dès demain à sa construction.

Nous en avons les fondations, nous avons posé les premières briques, il faut continuer ! Pour y parvenir complètement, il faudra des luttes qui mobilisent en profondeur les rangs de la classe ouvrière, mais nous pouvons avancer dans cette construction.

La campagne électorale que nous venons de faire nous donne un point d'appui. Oh ! ce ne sont pas nos résultats électoraux qui vont nous aider. Mais le score est une chose, la campagne et les idées que nous avons propagées en est une autre.

Les résultats électoraux s'oublient, alors que les idées vont faire leur chemin. L'interdiction des licenciements, l'échelle mobile des salaires, le contrôle des travailleurs ont beau être balayés d'un revers de main par la plupart des journalistes - qui n'imagineraient pas eux-mêmes vivre avec moins de 1 700 euros -, ce sont des mesures évidentes, souhaitées par tous les travailleurs, parce qu'elles répondent à leurs exigences vitales.

Et c'est en cela que, oui, nous avons réussi cette campagne et qu'il faut continuer d'aller de l'avant.

Pour que ces idées continuent d'être propagées, nous ne pourrons plus compter sur les médias. Si tant est que nous avons pu compter sur les médias... Nous avons tout de même profité de l'égalité du temps de parole et cela nous a permis de faire connaître notre politique à un nombre bien plus grand de travailleurs que dans notre activité quotidienne, dans les entreprises et dans les quartiers populaire où nous sommes présents.

Mais cette égalité de temps de parole n'était qu'une parenthèse de la vie politique, et elle a d'ailleurs été un véritable supplice pour de nombreux journalistes, qui auraient tant aimé papoter entre gens du même monde et que nous avons manifestement dérangés. Résumer l'élection à un duel Sarkozy-Hollande, éventuellement pimenté d'un challenger aussi radical que... Bayrou, leur aurait mieux convenu !

Maintenant que la loi n'oblige plus à rien, les journalistes vont nous faire disparaître au plus vite des écrans radar de télé ou de radio. Tous les journalistes qui prétendent incarner l'opinion publique, et qui ne sont en fait que les plumes serviles de l'ordre social, chargés de véhiculer le conformisme et de formater l'opinion publique dans l'idée que la société actuelle est la seule concevable, prendront prétexte de nos 0,5 % pour ne pas nous donner la parole.

Nous allons donc disparaître des médias. Eh bien, ce n'est pas grave : demain comme hier, nous saurons nous donner les moyens militants pour défendre nos idées.

Il faut se saisir de toutes les occasions pour rencontrer les sympathies qui sont nées dans cette campagne. Nous avons découvert de nouveaux amis jusqu'en... Polynésie ! Alors oui, nous avons ici et là des soutiens à découvrir, à rapprocher et à associer à notre activité. Il faut nous donner les moyens de les rencontrer.

Les élections législatives nous en donnent l'occasion puisque nous aurons des candidats dans toutes les circonscriptions du pays. Cela multipliera les occasions de joindre et réunir ceux qui ont approuvé notre campagne et se sont sentis représentés. Cette nouvelle campagne démarre dès maintenant, elle sera courte mais elle sera aussi propice pour tisser de nouveaux liens.

Et dans l'immédiat, nous nous retrouverons à notre grand rassemblement annuel de la Fête à Presles, qui aura une signification politique d'autant plus importante pour nous que c'est dans le cadre de la Fête que nous tiendrons nos deux grands meetings nationaux des législatives.

Après cela, nous disposerons de nos moyens militants, de notre force de conviction, de notre enthousiasme, de nos tracts, de nos centaines de bulletins d'entreprise qui paraissent tous les quinze jours, de notre activité dans les quartiers populaires et du crédit qu'un nombre croissant de camarades ont conquis dans leurs entreprises en y menant la lutte quotidienne ; et nous continuerons !

Alors, camarades, nous sommes certes minoritaires, comme le sont habituellement les révolutionnaires dans des périodes de recul, mais notre politique, nos convictions, nos idéaux sont vus d'un bon œil parmi les nôtres et nous avons bon accueil. Nos idées correspondent aux nécessités vitales de millions de travailleurs. Tôt ou tard elles seront reprises par des millions de femmes et d'hommes décidés à ne plus subir. À nous de faire vivre ces idées !