Le nationalisme, une impasse et un piège

Εκτύπωση
24 avril 1998

Si la crise économique s'aggrave et si elle débouche, ne serait-ce que dans un seul des pays concernés, sur une crise politique dramatique, chaque Etat peut décider de mener sa propre politique, éventuellement de reprendre son indépendance monétaire, même si cela l'entraîne dans une voie sans issue.

C'est bien d'ailleurs cette éventualité qui nous permet de juger de la politique de ceux qui, ces dernières années, ont fait de l'opposition à Maastricht un article spécial de démagogie politique. On voit aujourd'hui en France un étrange regroupement se faire autour de tels arguments. A droite, le Front National ou De Villiers s'opposent à la monnaie unique et une bonne partie du RPR n'en pense pas moins. Mais, plus grave du point de vue de la classe ouvrière, le PCF se place sur le même terrain, celui du nationalisme.

On l'a vu ces jours-ci au Parlement, c'est sur ce terrain que le PCF a choisi d'affirmer son originalité par rapport au PS, pas sur celui de la défense des intérêts de la classe ouvrière, en particulier face au drame du chômage. C'est évidemment pure démagogie alors que le PCF et Chevènement participent précisément au gouvernement qui va assurer l'entrée de la France dans l'euro, et d'ailleurs ce vote d'opposition n'émeut pas beaucoup Jospin. Ces gens-là ne croient même pas à ce qu'ils disent et prennent ouvertement leurs électeurs pour des imbéciles.

Tout cela serait seulement risible si cela ne préparait pas des pièges et des impasses dans lesquels tous ces gens-là emmèneront peut-être demain la classe ouvrière. On peut très bien voir demain la bourgeoisie française ou une autre choisir de sortir de l'euro, par exemple sous la pression d'une crise économique, sociale et politique particulièrement grave. Le choix actuel a été fait en fonction d'un certain nombre de paris, qui demain peuvent se trouver démentis par les faits. La tentation peut se faire sentir de jouer de nouveau son propre jeu en sortant de la monnaie unique, tout comme la bourgeoisie anglaise a fait le choix jusqu'à présent de ne pas y rentrer.

Si un gouvernement européen faisait un tel choix, cela ne signifierait rien de positif pour les classes populaires. Cela signifierait que la bourgeoisie de cet Etat choisit de reprendre son indépendance monétaire pour mieux imposer à sa classe ouvrière des sacrifices, à l'aide d'une monnaie dévaluée, et les lui faire accepter au nom de l'intérêt national à défendre face à ses concurrents européens. Cela ne signifierait aucune amélioration de sa situation, mais au contraire, avec un pas vers l'autarcie économique, un nouvel appauvrissement. Sur le plan politique, ce serait un renforcement du nationalisme, de la xénophobie et des idées les plus réactionnaires. Si cela se produit en France, et même si malheureusement le PCF peut se livrer à une démagogie de ce genre, ce serait un terrain de convergence tout trouvé pour une partie de la droite, du Front National à Pasqua, à Séguin, en passant par De Villiers, vers l'instauration d'un pouvoir de droite ou d'extrême-droite appelant la population à l'effort au nom de la souveraineté nationale.