Le "voile islamique", un symbole d'oppression

Εκτύπωση
10 novembre 1995

En cette rentrée scolaire, on n'a pas beaucoup entendu parler de la question soulevée par le port du voile islamique dans les écoles publiques. Le ministre de l'Education nationale, Bayrou, considère que sa circulaire de septembre 1994 a largement réglé le problème : selon lui, les voiles islamiques sont en voie de disparition dans les écoles, il en resterait peut-être une dizaine "contre 2 400 il y un an".

Ce n'est guère plausible, mais, de toute façon, sur la centaine d'exclusions de l'école prononcées pendant l'année scolaire 1994-95 pour ce motif, quelque quarante collégiennes ou lycéennes ont été réintégrées à la suite de recours devant les tribunaux administratifs. A Nancy, un jugement du 12 septembre dernier a même condamné l'Etat à verser 52 000 F aux parents d'une élève dans ce cas.

Quels que soient les motifs des tribunaux en question pour désavouer les établissements scolaires publics, ils ne vont sûrement pas contribuer à enrayer le prosélytisme des militants du voile.

Le fait qu'une fille soit voilée n'est ni innocent ni anodin. Ce n'est pas une affaire de coquetterie, ni de "pudeur" subite. C'est une violence qu'on lui fait subir, même si cette violence s'enrobe de leçons de morale dans la famille.

Depuis que cette question a été soulevée, à la rentrée scolaire 1989, une bonne partie de la gauche française, et même de l'extrême gauche, y compris dans les rangs des militantes féministes d'hier (avec quelques exceptions tout de même), a trouvé bon de considérer qu'il fallait faire preuve de "tolérance" envers le voile : ce serait un signe religieux, sans plus, analogue à la croix chrétienne ou à la calotte juive, qui sont tolérées dans les écoles publiques. Ce n'est évidemment pas vrai. Le voile est bien plus que les croix ou les amulettes en tous genres. Il ne relève pas seulement des toiles d'araignée qui continuent à encombrer bien trop de cervelles, il relève d'un combat réactionnaire contre la liberté des femmes. Et c'est bien pour cela que les militants islamistes en ont fait un enjeu.

Il faut souligner que dans nombre d'écoles, les témoignages rapportent que le défi du voile s'accompagne d'une série d'autres défis.

Dans un ouvrage qui vient de paraître à propos du voile à l'école, un professeur donne une série d'exemples de ces filles voilées qui refusent les cours de lettres sur Diderot (l'impie !), de sciences naturelles sur les organes de la reproduction, ou encore de dessin parce que leur religion leur interdirait de représenter le visage et le corps humain.

Elles vivent à part et ne participent pas à la vie des autres jeunes, évitant bien sûr tout particulièrement les garçons.

On peut penser qu'il y a parmi elles quelques militantes islamistes convaincues, pour qui l'auto-exclusion d'une partie de la vie scolaire est un choix personnel. Peut-être. Mais il y en a certainement bien davantage qui cèdent à un chantage affectif de leur famille, ou qui croient de bonne tactique d'avoir l'air de céder à la pression dans l'espoir de gagner du temps. Et qui dira combien cèdent tout simplement à la peur de la répression exercée par leurs pères, leurs frères et les copains de ceux-ci, gagnés, eux, aux islamistes ?

L'auteur indiqué plus haut souligne l'augmentation de l'influence des "barbus" parmi les garçons, et le sexisme manifeste et grossier de ces garçons, et de leurs pères parfois, vis-à-vis des professeurs femmes.

Invoquer la "tolérance" sur ce terrain est un non-sens. L'époque où les enseignants de l'enseignement public ont eu à lutter contre les familles qui rechignaient à envoyer leurs filles à l'école n'est après tout pas si lointaine. Et que de "traditions" néfastes n'ont-ils pas eu à combattre !

Quelle solidarité, en tout cas, que cette "tolérance", avec les lycéennes qui tentent de résister comme elles peuvent à leurs pères, frères ou cousins, quitte comme c'est souvent le cas à affronter leur violence ! Quelle solidarité avec les femmes qui ont lutté et qui luttent, toutes ces Taslima Nasreen inconnues, et plus près de nous avec ces femmes d'Algérie qui risquent leur vie tous les jours tout simplement parce qu'elles refusent le voile ! Non, la question du voile n'est pas une question de coutume ou de tradition. C'est un enjeu politique actuel.