France - Contraint de reculer sur le CPE, déstabilisé par l'affaire Clearstream, le gouvernement fait la campagne du PS ... ou de l'extrême droite

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Mai 2006

Après avoir, pendant plus de deux mois, marqué l'actualité aussi bien sociale que politique, le mouvement contre le Contrat première embauche s'est achevé sur un succès. Un succès qui n'a porté que sur le seul CPE et qui a laissé entière cette autre forme de légalisation de la précarité qu'est le Contrat nouvelles embauches. Comme il a laissé de côté tous les autres aspects de la loi "sur l'égalité des chances" qui contient bien d'autres articles défavorables aux travailleurs que l'article établissant le CPE. Mais, pour limité que soit le succès, c'en est un.

C'est en effet la première fois depuis 1995 qu'un gouvernement est contraint de revenir sur une décision défavorable aux travailleurs.

Ce succès du mouvement contre le CPE a fragilisé le gouvernement en général et Villepin en particulier. Il n'a cependant pas modifié le rapport de forces entre le patronat et la classe ouvrière.

Le patronat était plutôt favorable au CPE principalement parce qu'il allait dans le sens de sa pression constante en faveur d'une flexibilité toujours accrue de la main-d'œuvre. Mais il n'était pas spécialement attaché au projet. D'autant que ce projet n'était pas le sien. Le CPE était une initiative gouvernementale, qui plus est décidée pratiquement par le seul Villepin, imposée même à sa majorité parlementaire.

Le CPE n'officialisait la précarité que pour les jeunes de moins de 26 ans. Le patronat souhaite un contrat à caractère général, légalisant la précarité pour tout le monde. Les politiques sont là pour faire avaler par petits morceaux la pilule que le patronat voudrait faire avaler d'un seul coup. Manque de chance pour le gouvernement : la pilule n'est pas passée, même découpée en petits bouts ! Le MEDEF a pu estimer, par la bouche de sa présidente, Laurence Parisot, que décidément le CPE entraînait trop d'agitation pour pas grand-chose. En outre, le CPE pouvait être remplacé par d'autres types de contrats provisoires, ce qui allait être d'ailleurs son sort.

D'un autre côté, la classe ouvrière, bien que pleinement solidaire du mouvement contre le CPE, ne s'est pas vraiment mobilisée. Contente de l'issue du mouvement, elle n'avait pas de raisons de considérer le retrait du CPE comme sa victoire, et encore moins comme une victoire obtenue contre le patronat.

L'aile marchante du mouvement, du début jusqu'à la fin, a été la jeunesse scolarisée, les étudiants des facultés en premier, rejoints ensuite par les lycéens.

Bien sûr, les grandes manifestations à l'appel des confédérations syndicales ont beaucoup contribué à structurer le mouvement, à lui donner des points forts et à encourager le milieu étudiant. Mais, dans les entreprises, les manifestations ont mobilisé surtout le milieu syndical sans avoir débordé vraiment sur le gros de la classe ouvrière. Et, surtout, entre deux manifestations, il n'y a eu ni grève ni quelque action que ce soit dans la classe ouvrière, même si le mouvement a incontestablement bénéficié de la sympathie du monde du travail.

Dans le milieu étudiant lui-même, la mobilisation a été fort variable selon les facultés, entre celles, Rennes, Poitiers ou Grenoble, où les assemblées générales se sont tenues avec la participation de plusieurs milliers d'étudiants, et celles où une petite minorité bloquait les entrées et où les étudiants ne se retrouvaient pratiquement que lors des manifestations.

Mais ce genre de situation peut se retrouver dans bien des mouvements concernant une catégorie sociale dispersée aux quatre coins du pays. Par delà la variété des situations locales, il y avait incontestablement un mouvement unique des étudiants.

Le développement du mouvement dans le milieu étudiant a bénéficié de l'attitude des partis de gauche, du Parti socialiste en particulier. Les dirigeants de ce dernier, bien que dans l'opposition, étaient restés silencieux sur le terrain social depuis leur défaite électorale d'avril 2002 et leur ralliement honteux à Jacques Chirac. Ils ont su saisir l'occasion et se mettre dans le mouvement dès ses débuts. Ce faisant, ils ont contribué à l'amplifier, mais aussi à la limitation de ses objectifs au retrait du seul CPE.

C'est précisément le caractère limité et circonscrit de la revendication du retrait du CPE qui a permis au Parti socialiste de jouer à l'opposant radical contre le gouvernement sans gêner réellement le patronat.

Trois des dirigeants les plus en vue du Parti socialiste, François Hollande, Martine Aubry et Dominique Strauss-Kahn, qui sont allés répétant qu'au cas où ils reviendraient au pouvoir, ils supprimeraient le CPE, ont pris en même temps soin de faire des contre-propositions aussi avantageuses pour les patrons que le CPE, voire plus (Strauss-Kahn promettant, par exemple, des abattements fiscaux à ceux qui embaucheraient des jeunes).

Ces précautions prises pour ne pas apparaître opposé aux intérêts du patronat, combattant seulement une "mauvaise mesure" du gouvernement, le Parti socialiste n'a pas hésité à s'engager. Strauss-Kahn, qui n'a pas spécialement la réputation de représenter la gauche du parti, a pris une position argumentée à la télévision en réclamant le retrait du CPE. Deux jours après l'annonce du CPE par Villepin (le 16 janvier), le Parti socialiste a mis sur son site Internet un argumentaire contre le CNE -alors que celui-ci était en vigueur depuis plusieurs mois sans que le Parti socialiste ait fait quoi que ce soit- et le CPE, et, le 24 janvier a annoncé la création de collectifs "Stop CPE", puis a sorti deux tracts et une affiche. Pour une fois, les réseaux du Parti socialiste, y compris dans l'UNEF, ont agi dans le même sens que les militants d'extrême gauche.

Tout cela a évidemment contribué, d'une part, au développement du mouvement dans le milieu étudiant, d'autre part, à contrebalancer la propagande gouvernementale pro-CPE et, par là même, à créer un courant de sympathie croissante en faveur du mouvement anti-CPE.

Le mouvement fini, les dirigeants du Parti socialiste ont pu se féliciter d'avoir, dans une certaine mesure, redoré leur blason social, au moins devant leur électorat, cet électorat socialiste dont une partie s'est réfugiée dans l'abstention en 2002, dégoûtée qu'elle était de la politique de Jospin. Avantage collatéral : l'engagement du Parti socialiste dans le mouvement contre le CPE permet à ses dirigeants de rester silencieux sur la multitude d'autres mesures anti-ouvrières prises par la droite.

Quant aux dirigeants étudiants, dans la mouvance du Parti socialiste, ceux de l'UNEF, de l'UNL, etc., ils ont pu assumer le mouvement, se mettre en avant et en être, sinon les seuls dirigeants -les postulants à ce rôle étaient nombreux- du moins les porte-parole les plus en vue. Le mouvement a eu nationalement et localement ses porte-parole, ses têtes connues, mais pas une véritable direction. La Coordination, mise en place à partir du 18 février, principalement par des organisations d'extrême gauche, mais rejointe par la suite par des militants de l'UNEF, n'a jamais eu, plus que l'UNEF, l'autorité d'une véritable direction. Au-delà même de la politique et des attitudes de ceux qui postulaient à cette direction, le mouvement lui-même n'a guère été enclin à se soumettre à une telle autorité.

Nous ne reviendrons pas ici sur le caractère et les limites du mouvement des étudiants (son refus de la politique, la propension à des actions d'éclat en substitution aux actions collectives, ses atermoiements pour faire respecter sa discipline collective lors des manifestations, etc.). Non seulement parce que nous en avons parlé dans le précédent numéro de Lutte de classe mais, surtout, parce que cette discussion n'avait d'intérêt que pendant le mouvement lui-même, dont la dynamique seule pouvait permettre de surmonter les insuffisances. Aujourd'hui, cette discussion ne serait à mener qu'avec les différents groupes gauchistes qui, par conviction comme les anarchistes ou par opportunisme comme bien des militants issus du trotskysme, ont fait de faiblesse vertu, flatté les préjugés apolitiques du mouvement et présenté comme signe de radicalisme le fait de bloquer une autoroute ou de saccager une gare de banlieue. Avec ceux dont les positions sont figées, cette discussion-là est un éternel recommencement et, au fond, sans intérêt une fois le mouvement terminé.

Rôle des confédérations syndicales

Comme au Parti socialiste, le CPE offrait aux confédérations syndicales un terrain sur lequel elles pouvaient montrer une certaine combativité, sans craindre d'être débordées. Quant à la CGT, s'y ajoutait la proximité de son congrès, et il était bon pour son équipe dirigeante de se refaire une santé vis-à-vis des militants. En outre, la façon dont Dominique de Villepin a voulu faire passer le CPE, sans consultation de quiconque, a manifestement piqué au vif même les dirigeants syndicaux les moins portés sur les grèves et les manifestations. À quoi bon faire profession de foi de "syndicalisme de concertation" avec un chef de gouvernement qui n'a cherché à "se concerter" avec personne, pas même avec sa propre majorité ? Comment prôner les négociations avec un gouvernement qui ne fait même pas semblant de négocier ? Décidément, on n'est pas aidés !

Ainsi, cette "unité syndicale" dont s'est flatté Bernard Thibaud lors du congrès de la CGT et qu'il a présentée comme la clé de la victoire sur le CPE, résultait d'une conjonction d'intérêts, ressentie par tous les chefs syndicaux. Le fait est que tous ont signé l'appel à manifester le 7 février, seule la CGC manquant encore au tableau (elle fut présente par la suite).

L'appel à une première manifestation le 7 février fut suivi par d'autres, le mardi 7 mars, le samedi 18 mars, les mardis 28 mars et 4 avril. Les deux derniers furent assortis d'appels à la grève. Le calendrier a été adapté au mouvement. La période relativement longue entre la première manifestation et la seconde a correspondu aux vacances scolaires.

Les avantages de la stratégie qui consistait à appeler à manifester à dates rapprochées étaient visibles. Le succès d'une manifestation pouvait convaincre les hésitants qui, le jour J, tout en sympathisant, avaient choisi de ne pas y participer et à qui on pouvait proposer une autre manifestation à brève échéance. On a pu voir, avec les chiffres croissants de participation, que cette stratégie a été efficace. La croissance du nombre de participants ressort aussi bien des chiffres de la police qui a compté, à l'échelle du pays et pour les cinq journées de manifestations, respectivement 218000, 400000, 530000, 1000000 et 1028000 participants, que des estimations des syndicats, respectivement 400000, 1000000, 1500000, 3000000 et 3100000 manifestants. Les confédérations syndicales ont, en tout cas, fait la démonstration qu'elles sont capables de mettre en œuvre une telle stratégie et que, si elles ne l'ont pas fait dans le passé pour s'opposer à d'autres attaques qui ont touché l'ensemble du monde du travail, comme la retraite ou l'assurance maladie, c'est qu'elles ne l'ont pas voulu.

Et c'est sur le refus de ce type de préparation, de ce type de mobilisation progressive, sur des questions qui touchent gravement l'ensemble de la classe ouvrière, que l'on constate à quel point les grandes confédérations syndicales, y compris celles qui se prétendent les plus radicales, trahissent les intérêts des travailleurs. Elles ne proposent pas une stratégie permettant aux travailleurs d'avoir conscience de leurs forces, de prendre confiance en eux-mêmes et en leur capacité d'affronter victorieusement le grand patronat, pour la simple raison qu'elles sont absolument opposées à une telle confrontation.

Dans le cas du mouvement contre le CPE, les confédérations syndicales l'ont accompagné jusqu'au bout en lui donnant, avec les manifestations périodiques, des "moments forts" qui ont contribué à structurer le mouvement de la jeunesse scolaire, tout en permettant aux travailleurs d'y participer. Elles ont levé le pied après la manifestation du 4 avril, refusant de se joindre aux manifestations ultérieures d'étudiants, offrant à la droite la possibilité d'aménager une sortie de crise à sa sauce. Leur blason redoré dans la rue, les chefs syndicaux se sont retrouvés dans leur élément en acceptant de rencontrer les députés de l'UMP pour leur expliquer -après deux mois de mouvement !- pourquoi ils voulaient le retrait du CPE.

Il n'en reste pas moins que le Premier ministre a dû manger son chapeau et retirer son projet. Le mouvement anti-CPE aura fait la démonstration que la rue, que l'action collective, pouvaient faire reculer un gouvernement, même réactionnaire, de la bourgeoisie.

Le mouvement aurait-il pu aller plus loin sans le décrochage des syndicats après la manifestation du 4 avril et obtenir, comme le souhaitaient une partie des étudiants et les organisations d'extrême gauche, le retrait du CNE également, ainsi que l'ensemble de la loi dite sur l'égalité des chances, avec ses articles concernant l'apprentissage à 14ans et le travail de nuit à 15 ans ?

Leur participation au mouvement pour le retrait du CPE n'a pas fait des confédérations syndicales autre chose que ce qu'elles sont : nullement désireuses de mener une politique conduisant à une confrontation réelle avec le patronat moyen ou grand. Il serait naïf de s'en étonner et de crier à la trahison. Le mouvement avait-il assez d'énergie pour aller au-delà, y compris sans les confédérations (les moyens, aussi, de contraindre ces dernières à aller plus loin) ? De toute évidence, non.

Dans la classe ouvrière, tout au long du mouvement, les confédérations n'étaient pas en deçà de la volonté des travailleurs. Quant aux étudiants et aux lycéens eux-mêmes, moteurs du mouvement, leur mobilisation n'a pas tardé à retomber après le recul du gouvernement sur le CPE.

Un gouvernement déstabilisé

Un des effets politiques du mouvement contre le CPE a été de déstabiliser Villepin. Et l'affaire Clearstream lui a enfoncé un peu plus la tête sous l'eau. On ne saura peut-être jamais complètement qui manipule qui dans cette sombre affaire qui illustre bien les mœurs des grands de ce monde. Pas seulement du monde politique, au demeurant, parce que les rivalités et les affrontements d'ambitions au sommet de l'État se mêlent, semble-t-il, à d'autres à la direction du trust Lagardère. La seule chose qui soit sûre, c'est que cette affaire s'ajoutant aux reculades sur le CPE a sans doute mis plus ou moins définitivement fin à l'ambition présidentielle de Villepin. Encore que Nicolas Sarkozy avait quand même rebondi après avoir pris parti pour Balladur lors de la première élection de Chirac.

Tout en gagnant son duel avec Villepin, Sarkozy n'a pas pour autant intérêt à ce qu'il soit contraint de partir. Il a encore moins intérêt à accepter le poste de Premier ministre, lui qui s'échine à faire croire qu'il est partisan d'une rupture avec le système Chirac. L'avenir dira si une trêve armée entre les deux hommes permettra à Villepin de survivre à l'été.

Mais, de toute façon, cette question ne touche ni de près ni de loin les intérêts du monde du travail car ces gens-là sont aussi férocement anti-ouvriers les uns que les autres.

La gauche, elle, pour des raisons symétriques, semble considérer qu'elle a le vent en poupe dans la perspective des élections de l'an prochain.

Le Parti socialiste apparaît comme celui qui a tiré le plus de profit politique immédiat du mouvement contre le CPE. L'affaire Clearstream vient s'y ajouter pour déconsidérer complètement le gouvernement. Il apparaît plus que jamais que c'est la droite, de fait, qui fait la campagne électorale du Parti socialiste. Mais il n'est pas dit qu'il en soit ainsi au bout du compte. Les "affaires", l'odeur de pourriture qui se dégage des sommets de l'État, poussent l'opinion publique, celle de droite en particulier, au slogan de l'extrême droite : "Tous pourris ! " L'extrême droite n'aura donc pas de mal à enfourcher ce cheval de bataille.

Du côté de la gauche, c'est le surplace : le Parti communiste comme les Verts ont les yeux fixés sur le Parti socialiste.

Au Parti socialiste, la guerre des candidats à la candidature est prévue pour durer jusqu'à début décembre. Du coup, le Parti communiste ne sait pas avec qui traiter sur le terrain qui l'intéresse le plus, celui des législatives. De déclin en déclin, le Parti communiste est dans une situation où il ne peut espérer un nombre de députés suffisant pour constituer un groupe sans le soutien du Parti socialiste (même chose pour les Verts, évidemment).

Et, tant que le choix n'est pas fait entre Ségolène Royal, Laurent Fabius et Dominique Strauss-Kahn, avec qui discuter répartition des circonscriptions ? Du coup, il n'y a pas encore une réponse réellement définitive même à la question de savoir si le Parti communiste aura ou non un candidat ou une candidate au premier tour. En attendant, le Parti communiste mène sa campagne électorale, mais ce qu'il dit dans ce cadre ne préjuge en rien des termes de l'accord qu'il recherche avec le Parti socialiste. Depuis quelque temps, le Parti communiste diffuse largement, sous forme d'un tract-pétition, un appel de Marie-George Buffet "Pour un rassemblement anti-libéral" : "Pour la présidentielle qui empoisonne la vie politique, nous proposons qu'un homme ou une femme, issu de notre parti, puisse incarner cela à la façon dont nous l'avons fait lors de la campagne du référendum : en garantissant la place de chacune et de chacun, en travaillant à une nouvelle victoire partagée". Mais tout cela, ce ne sont que des mots. Marie-George Buffet sait très bien qu'il n'y aura de "victoire" électorale qu'en association avec le Parti socialiste et "victoire partagée" peut signifier dans sa bouche "partagée aux législatives". Ce qui, étant donné le rapport de forces, signifie soumission au Parti socialiste. Même si le Parti communiste décide finalement de présenter une candidate au premier tour, qu'elle le soit au nom du Parti communiste ou sous l'étiquette de candidat unitaire, ce serait seulement un moyen de brasser largement à gauche au premier tour, si cela ne fait pas tomber les candidats du Parti socialiste, pour pouvoir jouer au mieux le rôle du rabatteur de voix au second pour le compte du candidat du Parti socialiste.

Mais il y a encore un autre aspect dans l'agitation actuelle du Parti communiste. Les mots sont choisis pour avoir l'air radicaux et unitaires mais ils sont surtout creux et destinés à brouiller, plus qu'à éclairer, les positions politiques.

L'appel de Marie-George Buffet porte le titre "Pour un rassemblement anti-libéral". Mais qu'est-ce que cela veut dire "anti-libéral" ? Marie-George Buffet consent à affirmer que "la gauche en qui beaucoup ont placé un espoir à trois reprises a beaucoup déçu". Elle va jusqu'à écrire :"Nous-mêmes n'avons pas toujours été à la hauteur de ces espoirs".

Mais on peut décliner l'expression "exigences anti-libérales" sous toutes les formes, cela n'en fait pas des propositions concrètes allant dans le sens des intérêts des travailleurs. Oh, dans les "7priorités pour commencer à changer vraiment la vie", le Parti communiste énumère un certain nombre de revendications concrètes, comme le Smic à 1 500 euros ou encore le "droit à la retraite à 60ans, après 37,5 annuités". Mais sans les formuler comme des exigences à l'égard du Parti socialiste. Jamais pour dire que le Parti communiste ne s'associera au Parti socialiste qu'à condition que celui-ci s'engage, s'il arrive au pouvoir, à augmenter le Smic à 1500euros ou à ramener l'âge de la retraite à 60 ans, après 37,5 annuités.

Dans un entretien accordé à L'Humanité du 9mai, sous le titre "Mon objectif pour 2007", Marie-George Buffet est explicite : "On me demande parfois si j'entends mettre des conditions au rassemblement de toute la gauche lors du second tour. Pour ma part, c'est une évidence, nous devrons nous rassembler sans tractations pour battre la droite".

Sans conditions, c'est-à-dire sans exigences à l'égard du Parti socialiste, à coup sûr. "Sans tractations", c'est moins sûr, mais elles ne porteront pas sur des revendications concrètes du monde du travail, mais sur une répartition de circonscriptions aux législatives.

Marie-George Buffet ne formule pas, et ne formulera pas, d'exigences concrètes à l'égard du Parti socialiste car, pour avoir été ministre tout au long du gouvernement Jospin -et un bon ministre, comme l'a affirmé récemment ce dernier-, elle sait que le Parti socialiste ne prendra aucun engagement concret à l'égard des travailleurs, aucun en tout cas qui porte atteinte aux intérêts du grand patronat. Or, il n'est pas possible d'apporter quelque amélioration que ce soit à la situation des travailleurs pour ce qui est du chômage et de la précarité, ou pour ce qui est des salaires, sans toucher aux profits du grand patronat.

Derrière les phrases aussi grandiloquentes que creuses sur le "rassemblement anti-libéral" pour "créer les conditions du changement", le Parti communiste vise surtout à créer les conditions pour décrocher aux législatives le nombre de députés lui permettant d'avoir un groupe parlementaire.

Et, au cas où la gauche serait gagnante en 2007, pour participer au gouvernement. Mais ce gouvernement serait dirigé par le Parti socialiste et il ne s'attaquerait ni aux monopoles, ni à leurs énormes profits !

11 mai 2006