France - L'explosion dans les quartiers populaires : les responsables de la violence aveugle

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Novembre 2005

Ce qui est le plus notable dans le caractère qu'a pris l'explosion dans les quartiers pauvres est moins sa violence que ce qu'elle révèle de la décomposition de la vie sociale et de la désorientation des jeunes.

Il n'y a pas vraiment eu d'affrontements rangés entre les forces de l'ordre et les jeunes, tout au plus des affrontements ponctuels entre des groupes de jeunes très mobiles et les groupes de CRS et, plus souvent encore, des caillassages de loin contre des pompiers aussi bien que contre les policiers.

L'essentiel de la violence a été matériel. Brûler des voitures dans son quartier, en bas de chez soi, celle de ses parents ou de ses voisins, est devenu, non par concertation mais par imitation d'un quartier ou d'une ville sur l'autre, le mode d'action privilégié, celui en tout cas qui s'est répété partout. Dans un certain nombre de quartiers, les jeunes s'en sont pris aux transports collectifs, incendiant bus et tramways. Ailleurs, le feu a été mis à des garages ou des centres commerciaux, mais aussi à des écoles et des centres sociaux.

Non seulement les principales victimes des violences exercées sont les parents et les proches des émeutiers, mais ceux-ci ont cherché à démolir le peu qui, dans les quartiers pauvres, représente une certaine vie sociale.

Il faut, bien sûr, dénoncer la situation dans les quartiers populaires : le mépris de la classe dirigeante à l'égard des pauvres et, plus généralement, un ordre social qui produit en permanence le chômage et la misère. Mais il faut en même temps comprendre pourquoi l'embrasement des quartiers pauvres a pris la forme de la violence aveugle et pointer la responsabilité déterminante de l'État lui-même et des politiques menées depuis trente ans dans la misère morale d'une partie de la jeunesse pauvre. Une misère morale, une absence de solidarité qui aggravent la misère matérielle des quartiers pauvres.

La pauvreté et l'entassement dans des logements exigus dans des immeubles délabrés constituent l'arrière-fond de l'explosion, mais n'expliquent pas tout, et surtout n'expliquent pas la forme stérile qu'elle a prise. La majorité, ou en tout cas une grande partie, de la classe ouvrière n'a jamais connu autre chose sous le capitalisme que la pauvreté, et une fraction, un chômage plus ou moins important. Quant aux conditions de logement, du moins dans les villes ouvrières, l'entassement dans des pièces surpeuplées, la majorité de la classe ouvrière a toujours été réduite à cela, que l'habitat ouvrier soit le taudis infect du début du capitalisme, le coron des cités minières, une cave ou un appartement minuscule dans un immeuble de rapport d'une grande ville ou les bidonvilles qui n'ont disparu, même dans les pays riches, qu'il n'y a pas si longtemps - et, d'ailleurs, pour combien de temps ?

Et on peut prédire sans risque de se tromper qu'il en sera toujours ainsi tant que la classe ouvrière ne sera pas capable de détruire le capitalisme et de le remplacer par une société où les forces productives seront mises au service de tous au lieu d'enrichir seulement la classe dominante.

Mais tout cela n'explique pas la décomposition sociale que la révolte récente a révélée - une décomposition bien antérieure à cette explosion. Et, paradoxalement, limiter la dénonciation uniquement au chômage et aux mauvaises conditions de logement, c'est-à-dire à quelque chose qui est propre au capitalisme en tout temps et en tout lieu, est une façon d'éluder des responsabilités politiques bien plus précises. C'est dégager la responsabilité de la politique qui est suivie depuis au moins trente ans, c'est-à-dire depuis le début de la longue crise de l'économie capitaliste.

La droite est dans son rôle quand, pour " régler le problème des banlieues ", elle fait donner Sarkozy, ses CRS, l'état d'urgence et le recours à une loi datant de la guerre d'Algérie. Elle joue encore son rôle quand elle a le culot de s'en prendre à la " démission des parents " et quand elle menace de couper les aides sociales ou les allocations familiales aux parents incapables de " tenir leurs enfants " ou de les éduquer.

Il faut l'hypocrisie du bourgeois pour oser reprocher à des parents de ne pas savoir exercer une autorité parentale - qu'ils auraient de toute façon bien du mal à exercer pendant leurs huit ou dix heures de travail quotidien, allongées de deux ou trois heures de transport. Il faut une bonne dose de cynisme pour les accuser de ne pas transmettre à leurs enfants une éducation et une culture qu'ils n'ont pas eux-mêmes.

C'est vrai pour la partie la plus pauvre de la classe ouvrière d'origine française. C'est plus vrai encore pour tous ceux que l'industrie capitaliste a attirés ici, hors des campagnes d'Afrique ou d'Asie.

La gauche, quant à elle, dissimule ses propres responsabilités derrière quelques phrases contre Sarkozy et ses provocations, en se gardant d'ailleurs de mettre en cause la politique de la matraque. Sarkozy est certes ce qu'il est : un arriviste réactionnaire qui veut parvenir à la présidence de la République en jouant sur la même démagogie que Le Pen. Mais la désagrégation sociale dans les banlieues, la montée des communautarismes, le repliement sur son immeuble, voire sur sa cage d'escalier, les poussées périodiques de violence aveugle ont commencé bien avant que Sarkozy sévisse. Et les quelques propositions de la gauche qui se veulent positives, du genre revenir à la police de proximité ou multiplier les éducateurs et les animateurs sociaux dans les quartiers, ne résolvent pas les problèmes qui sont à l'origine de l'explosion actuelle (sans oublier que même les quelques propositions que la gauche fait dans l'opposition, rien ne dit qu'une fois de retour au pouvoir, elle les appliquera).

Dans certains quartiers pauvres, on compte trente, quarante ou plus nationalités différentes d'origine des parents, avec autant d'habitudes sociales, autant de comportements et autant de langues. Pour que cela ne se traduise pas par des poussées communautaristes ou tout simplement par le repliement sur sa bande, il faudrait un effort conscient, volontaire, mené dans le sens inverse, un effort qui demande des moyens et surtout une volonté politique.

C'est cette volonté politique qui manque, ce sont ces moyens que l'État refuse, au bas mot depuis trente ans, que le gouvernement soit de droite ou de gauche.

L'éducation, la culture et, pour commencer, le simple apprentissage de la langue que le milieu familial n'est pas en situation d'apporter, ce serait au service public, et en l'occurrence à celui de l'Éducation nationale, de les apporter.

Ce n'est certainement pas aux révolutionnaires d'idéaliser les services publics. Bien que, dans la société capitaliste, ce soient encore les services dits publics qui représentent un tant soit peu les intérêts collectifs, en même temps ils ont tous été conçus et ont toujours fonctionné au mieux en fonction des intérêts généraux de la bourgeoisie. Ces deux aspects ne sont pas contradictoires que dans l'expression. Ils le sont dans la réalité.

Même les intérêts généraux bien compris de la bourgeoisie doivent être imposés aux bourgeois, une classe sociale avide, égoïste, qui, pour reprendre une expression connue " est prête à vendre la corde destinée à la pendre ". Les services publics, en représentant les intérêts généraux de la bourgeoisie, répondent dans une certaine mesure et dans certaines limites, aux intérêts de l'ensemble de la société bourgeoise.

Il en est ainsi de la fourniture d'électricité, dont on parle beaucoup aujourd'hui à propos de la privatisation d'EDF, ou de la poste et des télécommunications. Même à " 100 % service public ", propriété d'État, EDF était avant tout au service des grands consommateurs d'électricité, des grandes entreprises et, par conséquent, de la classe capitaliste. Elle remplissait cependant un rôle utile vis-à-vis de l'ensemble de la population. Idem pour la poste qui, pour avoir été pendant longtemps le modèle des services publics, répondait surtout aux besoins de ceux qui s'en servaient le plus massivement, en l'occurrence la bourgeoisie. Mais il en va de même pour la santé publique (hôpitaux publics et sécurité sociale) qui s'est mise progressivement en place avant tout pour éviter aux capitalistes individuels de payer des salaires suffisants pour que leurs travailleurs puissent s'assurer les services payants de médecins privés.

Il faut rappeler également que même le service public de l'Éducation nationale, qui est celui qui, avec la santé, est le plus présent dans la vie quotidienne de tous, a été créé pour répondre avec des moyens étatiques à ce besoin impératif qu'a eu la bourgeoisie en plein développement de disposer d'une main-d'œuvre capable de lire et d'écrire, et le cas échéant d'acquérir une qualification supérieure.

Or, depuis bien des années, l'État se désengage des services publics. Il le fait parfois sans même que les statuts juridiques soient changés, au nom de la " recherche de rentabilité ". C'est au nom de la rentabilité que l'on supprime des bureaux de poste, des gares, des lignes de chemin de fer. C'est au nom de la rentabilité que l'on ferme des maternités ou des hôpitaux de proximité.

Ce désengagement de l'État de ce qui fait partie des conditions d'existence des classes populaires, qui leur permet d'accéder, notamment, à un minimum de soins, à un minimum d'éducation, qui ne seraient pas à leur portée s'il fallait payer pour tout, est un des aspects essentiels de l'offensive de la classe capitaliste pour récupérer sur le dos des classes populaires l'accroissement des profits qu'elle ne peut espérer de l'élargissement du marché depuis le début, il y a 35 ans, de la longue crise économique.

L'État abandonne ce qui, dans ses fonctions, correspond un tant soit peu à l'intérêt de l'ensemble de la société pour consacrer une part croissante de ses ressources et de ses immenses possibilités aux intérêts privés. À tous les niveaux, du gouvernement, des régions, des municipalités, il consacre des sommes colossales à soutenir le profit des entreprises par des subventions directes, par des dégrèvements d'impôts ou par des baisses de cotisations sociales.

Le recul de tous les services publics se traduit par une dégradation des conditions de vie des classes populaires. Mais cette dégradation n'a pas le même caractère catastrophique s'agissant, par exemple, des services postaux, des transports publics ou d'EDF, bien que la suppression d'un bureau de poste de proximité peut être très grave pour des personnes âgées et que la dégradation des transports publics, les retards des trains de banlieue ou l'entassement signifient une fatigue plus grande pour ceux qui vont et reviennent du travail.

Dans le cas de la santé, les conséquences sont cependant bien plus catastrophiques car elles peuvent se traduire par morts d'hommes (comme cela s'est produit pendant la canicule de 2003 massivement et, bien plus fréquemment, dans le silence). L'incurie de l'État en matière d'éducation publique, bien que d'une autre manière, a des conséquences aussi dramatiques. Les enfants qui ne sont pas mis en situation d'apprendre dès le plus jeune âge un minimum de langage permettant de suivre un raisonnement, puis de lire et de comprendre des textes de complexité croissante, à qui, en somme, on " n'apprend pas à apprendre ", sont handicapés de façon insurmontable par la suite. On entend ces temps-ci des ministres et des patrons expliquer doctement, pour justifier la décision du gouvernement de pousser vers l'apprentissage dès 14 ans des jeunes en " échec scolaire ", que, pour un jeune qui " ne s'intéresse pas à l'école ", qui " s'y ennuie ", il vaut encore mieux apprendre un métier manuel. Mais, outre le fait que nombre de patrons prendront un apprenti de 14 ans pour lui faire balayer l'atelier et non pour lui apprendre un métier, pourquoi tant de jeunes sont-ils en situation d'échec scolaire ? Pourquoi un nombre croissant d'adolescents rejettent-ils toute culture ? Pourquoi l'illettrisme ? À 14 ou 16 ans, certains n'ont plus que l'envie de quitter le système scolaire car ils n'en comprennent même plus l'utilité ? Car c'est bien avant que, au lieu d'éduquer, on a déséduqué.

C'est l'école publique qui devrait prendre en main les enfants des milieux populaires les plus pauvres, et ceci dès l'école maternelle, c'est-à-dire dès l'âge de trois, voire deux ans. C'est à cet âge-là qu'on initie à la langue et à des comportements collectifs, qu'on éveille la curiosité et le goût du savoir. Mais il faudrait des écoles maternelles qui en soient vraiment et qui ne soient pas de simples garderies, où les enfants n'apprennent rien, si ce n'est la loi de la jungle.

C'est à l'école primaire qu'il faudrait créer des conditions pour que chaque enfant apprenne à lire, à écrire et à compter correctement. Mais, même dans des classes qui seraient composées d'enfants de milieux pauvres dont les familles parlent le français, des classes trop nombreuses n'éduquent pas, en tout cas n'éduquent qu'une partie des élèves. Mais, à plus forte raison, si, comme il arrive dans bien des écoles primaires des quartiers populaires, dans une classe de 25 élèves, on vient de familles parlant dix langues différentes.

Lorsque les dirigeants politiques débattent de " discrimination positive ", de la nécessité ou pas d'un quota par " quartier difficile " ou par origine, il s'agit d'un débat stupide. Le problème n'est pas de permettre à quelques rares élus issus de milieux pauvres ou de l'immigration de décrocher une place à Polytechnique ou à l'ENA. C'est vis-à-vis de l'ensemble des quartiers populaires qu'il faudrait non pas une " discrimination positive ", mais simplement des moyens en instituteurs et en locaux, en adéquation avec les besoins.

Les enfants des milieux aisés, surtout si les parents ont un niveau d'éducation supérieur, bénéficient dès leur plus tendre enfance non seulement de l'avantage d'apprendre d'emblée à parler correctement, mais aussi d'apprendre qui le piano, qui la danse (sans parler des voyages, de l'apprentissage non scolaire d'une langue étrangère, etc.). Ils se frottent, dans le milieu familial lui-même, au maniement des idées, ils acquièrent" naturellement " des éléments de culture susceptibles de leur donner le goût, plus tard, de la lecture et de la fréquentation des théâtres ou des musées.

Il faudrait que l'école publique puisse proposer au moins une partie de cette richesse à des gosses qui non seulement n'ont rien de tout cela à la maison mais souvent même pas la place pour faire les devoirs. Il faudrait donc des classes à effectifs d'élèves réduits de telle sorte que l'instituteur puisse réellement s'occuper de chacun d'eux.

Dans un pays développé comme la France, tous les moyens existent pour cela, y compris le nombre nécessaire de jeunes universitaires capables de transmettre et qui ne trouvent pas d'emploi. Quoi de plus choquant dans ce domaine que le fait qu'au moment même où les banlieues explosaient et alors même que la presse dénonce la déscolarisation de nombre de jeunes, des enseignants contractuels, dont certains ont des années d'expérience, soient obligés de camper devant le ministère de l'Éducation nationale ou les rectorats, pour demander en vain un poste ! Et combien d'autres, qui n'ont jamais été dans l'enseignement mais qui pourraient en acquérir les compétences, et dont d'ailleurs le travail dans les quartiers dits difficiles serait d'autant plus facilité qu'ils seraient plus nombreux et avec des effectifs d'élèves plus petits ?

Dans ce domaine, l'État est tout à fait défaillant par rapport aux nécessités créées par l'économie capitaliste elle-même. Certes, l'augmentation du nombre de familles d'origine étrangère, pour les enfants desquelles la question se pose de manière plus cruciale, est un phénomène relativement récent. Mais faut-il rappeler qu'à l'époque de Jules Ferry et de l'instauration de l'école obligatoire, si les enfants scolarisés étaient rarement des enfants d'immigrés et si leur langue maternelle n'était pas l'arabe, le chinois, le bambara ou le pauvre sabir des banlieues, c'était quand même souvent des patois locaux, voire dans le cas du provençal, du breton, de l'alsacien ou du basque, de véritables langues étrangères ? Et que, tout en servant les intérêts de la bourgeoisie, tout en transmettant évidemment la morale de la classe dominante, à partir de ces apports disparates, l'école publique a été capable de forger une jeunesse ayant un minimum d'éducation et de culture.

Bien sûr, le nombre d'enfants à scolariser dans les écoles maternelles ou primaires a été multiplié depuis l'époque où l'on a introduit la scolarité obligatoire. On ne juge cependant pas un service dit public dans l'abstrait mais par rapport aux nécessités d'une période. En outre, les moyens collectifs, la richesse globale de la société ont augmenté dans des proportions bien plus fortes que n'a augmenté le nombre d'élèves.

La qualité de l'éducation aurait dû continuer à s'améliorer, et le niveau culturel général à s'élever. Or, c'est l'inverse qui se passe. Tous les enseignants des anciennes générations savent que les enfants issus des milieux populaires qui passaient le certificat d'études étaient d'un tout autre niveau que beaucoup de ceux de douze ans aujourd'hui. Et, contrairement aux dires des imbéciles, ouvertement racistes ou pas, qui ne s'en prennent qu'au caractère très composite des classes des écoles primaires, même les origines différentes pourraient être une richesse supplémentaire et apporter une largeur de vues et une ouverture que ne peut apporter une petite classe dans un village isolé. Mais à condition d'y mettre les moyens, à condition que les différentes langues d'origine ne soient pas un obstacle pour communiquer, mais au contraire enrichissent ce que l'on communique. Et ce n'est qu'une question de moyens, avant tout humains. Car, même les difficultés matérielles peuvent être facilement surmontées si les enseignants comme les élèves sont motivés et si on crée les conditions pour que les uns comme les autres puissent l'être. Mais comment un gamin qui n'a ni un don particulier ni un penchant naturel pour apprendre pourrait-il être motivé dans une classe surchargée, où l'enseignant met des semaines avant même de pouvoir l'identifier ?

Et pour pouvoir consacrer de plus en plus d'argent à la classe riche mais aussi par mépris pour les pauvres, on gâche la vie de centaines de milliers de jeunes, on gaspille des potentialités et on accumule de la matière explosive qui n'a pas fini d'exploser dans les quartiers populaires.

Bien sûr, l'école de la bourgeoisie, même en fonctionnant au mieux, véhicule aussi tous les conformismes de l'ordre social actuel et de sa préservation. Seul le mouvement ouvrier renaissant et capable de jouer son rôle ramènera dans les quartiers populaires le sens de la solidarité, de l'intérêt collectif, la solidarité de classe et, plus encore, la conscience de classe qui, seule, ouvre une perspective d'avenir.

Les dégâts de l'ordre social capitaliste, où tout fonctionne en dernier ressort pour favoriser les profits de la minorité de riches, ne sont pas seulement matériels. Ils sont aussi moraux. Et un des aspects les plus néfastes du pourrissement général est d'avoir progressivement démoli, par l'intermédiaire des partis réformistes et stalinien, ce qui existait de conscience collective dans les quartiers populaires. On en arrive à cette situation extravagante qu'on entend des hommes politiques de droite déplorer qu'il n'existe plus dans les quartiers populaires de militants, d'associations pour y assurer une certaine cohésion sociale. C'est l'hommage du vice à la vertu. Mais cette solidarité sociale est née dans le passé de l'effort collectif de la classe ouvrière pour se donner des organisations, non pas en vue d'assurer l'ordre de la bourgeoisie, mais au contraire pour le combattre. Et la solidarité de classe ne pourra renaître que de la même manière.

Il arrive à certains gauchistes de présenter ce qu'ils appellent le " radicalisme " des jeunes de banlieue comme un exemple à suivre pour les travailleurs. C'est passablement stupide. La violence aveugle n'est en rien un signe de radicalisation. C'est le signe d'une désorientation profonde, la marque de l'inconscience. L'une comme l'autre sont compréhensibles, et la responsabilité n'en incombe certes pas aux adolescents ou jeunes adultes des banlieues, et encore moins aux gamins de dix ou douze ans qui les ont suivis. Et, bien sûr, les révolutionnaires communistes sont solidaires des jeunes des quartiers populaires face à la loi d'exception, face à la matraque brandie par le gouvernement comme ultime solution aux " problèmes des banlieues ". Comme ils sont solidaires d'eux plus généralement contre le mépris qu'ils subissent en tant que pauvres, le rejet, raciste ou pas, de la part de la classe dominante. Mais la violence aveugle, stérile, qui nuit avant tout aux siens, n'est que l'expression de la décomposition sociale et du rejet jusqu'à la solidarité de classe, et cela n'ouvre en rien la conscience de classe.

Comment, quand, par quel cheminement, la classe ouvrière retrouvera-t-elle le chemin de la conscience de classe qui, seule, peut transformer la colère et la révolte contre les innombrables injustices de cette société en force révolutionnaire, capable de renverser l'ordre social capitaliste ?

Nul ne peut le prédire, si ce n'est que la capacité de se battre pour défendre ses conditions d'existence au moins, et pouvoir retrouver la conscience collective de la nécessité de changer l'ordre social, renaîtra là où est le cœur de l'ordre social actuel, là où se déroule l'exploitation, dans les entreprises.

18 novembre 2005