Côte-d'Ivoire - Entre rébellion militaire, campagne xénophobe et intervention française

Drucken
Octobre 2002

La prise des casernes dans la nuit du 18 au 19 septembre 2002 à Abidjan par des militaires mutinés a ouvert une nouvelle crise en Côte-d'Ivoire, peut-être la plus grave que le pays ait connue au cours d'une dizaine d'années d'instabilité croissante. Les troupes restées loyales au gouvernement, en particulier le corps de gendarmerie qui représente la composante la plus moderne de l'armée et qui avait déjà contribué à porter au pouvoir le régime actuel de Gbagbo, ont réussi à venir à bout de la rébellion à Abidjan même.

Au lendemain des affrontements armés qui ont fait plusieurs centaines de morts, on a trouvé les corps du ministre de l'Intérieur, Boga Doudou et du Général Guéi, ancien dictateur du pays. Ce dernier a été manifestement exécuté par l'armée gouvernementale ou par des hommes de main dépendant d'elle. Comme a failli l'être Alassane Ouattara, un autre crocodile de la vie politique ivoirienne qui a eu la bonne idée de se réfugier à l'ambassade d'Allemagne puis à celle de France. L'armée loyaliste a profité des affrontements pour régler des comptes avec un grand nombre de civils accusés d'être les complices des assaillants et a procédé au "nettoyage" de plusieurs bidonvilles.

Mais les militaires rebelles ont également pris Bouaké, la deuxième ville du pays et un certain nombre d'autres villes comme Korhogo, Odienné ou Ferkessédougou, qui ont toutes en commun d'être situées dans le nord du pays. Après plus de trois semaines, le pays apparaît divisé en deux.

La ligne de front qui sépare les deux bandes armées, celle, officielle, du régime de Laurent Gbagbo, et celle entrée en rébellion, correspond également à un clivage politique. Les régions du Nord, plus pauvres et dont de surcroît la population subit depuis bien longtemps le rejet ethniste du pouvoir d'Abidjan et en particulier du pouvoir de Gbagbo, n'ont nulle envie de défendre ce dernier contre la rébellion militaire, quand elles n'approuvent pas ouvertement cette dernière.

Etant donné l'importance de ce pays dans cette région africaine, le conflit s'est vite internationalisé. Les troupes françaises qui ont une base militaire dans les faubourgs d'Abidjan se sont déployées autour de la zone de confrontation. Les diplomates des pays africains voisins ont proposé leurs services pour réconcilier les deux camps qui, pour le moment, ne cherchent manifestement pas à se réconcilier. Et la diplomatie internationale, et plus particulièrement le gouvernement français, de se demander si la rébellion militaire n'est pas en train d'amorcer une situation de conflit ouvert et de partition du pays entre bandes, similaire à celles qui ont saigné le Libéria voisin et le Sierra Leone proche.

* * *

La Côte-d'Ivoire fait partie de ces pays d'Afrique, ex-colonies de la France, où l'armée française entretient une base militaire permanente. C'est aussi un des pays d'Afrique où les intérêts français sont parmi les plus importants. Il y a évidemment un lien entre les deux.

La Côte-d'Ivoire intéresse l'impérialisme français en premier lieu en raison des possibilités qu'elle offre aux grands groupes industriels et financiers français pour des investissements profitables.

Le pays étant le premier producteur mondial de cacao et un des plus importants producteurs de café, même si le prix mondial de ce dernier est en baisse depuis plusieurs années, entraînant l'appauvrissement des paysans qui le cultivent, il y a tout de même de quoi y réaliser de confortables bénéfices. Il n'y a pas que le domaine des grands chantiers ou des grands travaux avec ce que la construction d'une nouvelle capitale à Yamoussoukro a pu représenter non seulement pour Bouygues mais aussi pour bien d'autres entreprises de travaux publics. Il n'y a pas que les grands contrats passés avec l'Etat ivoirien comme la gestion de la fourniture de l'eau, sinon pour tout Abidjan, du moins pour les quartiers commerçants et les quartiers riches, ou la fourniture d'armements ou, encore, la gestion des installations aéroportuaires.

Mais les installations portuaires d'Abidjan et ses infrastructures moins mauvaises que dans nombre d'autres pays d'Afrique permettent à des groupes industriels notamment de l'alimentaire et du textile, de profiter d'une main-d'oeuvre bon marché tout en bénéficiant de conditions de transport et d'évacuation du produit à peu près convenables.

Par ailleurs, Abidjan, et plus généralement la Côte-d'Ivoire, est ou en tout cas a été longtemps le pôle économique à partir duquel le grand capital français a rayonné sur les pays africains voisins. C'est par là que transitent la production cotonnière du Mali ou le commerce international du Burkina. Ce n'est pas pour rien qu'à peu près toutes les grandes banques françaises y sont représentées et que la Banque africaine de développement comme la Banque centrale de l'Union monétaire ouest-africaine y ont leurs sièges.

Tout cela fait prospérer de surcroît toute une bourgeoisie petite et moyenne, ivoirienne bien sûr mais aussi française, libanaise, etc., avec ce que cela représente d'activités commerciales.

Depuis plusieurs années, les rivalités pour le pouvoir, pour la succession d'Houphouët-Boigny, ont cependant créé une situation d'instabilité chronique. S'ajoutant à une situation économique mondiale stagnante, l'insécurité croissante défavorise les affaires. Personne n'ose plus parler de "miracle ivoirien", comme cela a été le cas dans le passé. Mais il y a encore de beaux restes et surtout de puissants intérêts.

Voilà pourquoi, malgré un langage diplomatique, à la mode depuis quelques années, qui veut que la France n'intervienent plus dans les affaires intérieures de la Côte-d'Ivoire, ni le gouvernement français ni l'armée française sur place ne sont restés en dehors du conflit.

L'intervention des troupes françaises a été jusqu'à maintenant relativement prudente. Leur engagement plus direct dépendra de l'évolution du rapport des forces entre le gouvernement Gbagbo et les mutins. Mais quelle que soit la forme de l'intervention et même si cette intervention est soutenue à des degrés divers par tout l'éventail des grands partis politiques français, la seule exigence juste est : "Armée française, hors de la Côte-d'Ivoire !".

Sur le déroulement des événements et sur les conséquences qu'ils ont d'ores et déjà pour les classes populaires de ce pays, nous donnons la parole à nos camarades de l'UATCI (Union africaine des travailleurs communistes internationalistes), militant dans ce pays.

La sélection d'articles ci-dessous est tirée du mensuel Pouvoir aux Travailleurs, daté du 7 octobre 2002. Même si les événements ont évolué depuis, leur début éclaire ce qu'est le régime de Gbagbo que le gouvernement français présente comme un pouvoir démocratique et ce qu'est l'armée ivoirienne soutenue par les troupes françaises présentes.

Refuser la division entre travailleurs

A l'heure où nous écrivons, nous ne savons pas si les troupes gouvernementales parviendront à prendre Bouaké aux militaires mutins. La seule chose qui apparaît certaine aujourd'hui, c'est que les tentatives de négociation sous l'égide des représentants des différents Etats de la CEDEAO n'ont été qu'une ruse de la part de Gbagbo pour dissimuler la préparation d'une attaque sur Bouaké et sur Korhogo.

Pendant des semaines, la gendarmerie et les troupes gouvernementales n'ont pas réussi à déloger les mutins des villes qu'ils occupaient dans le Nord. L'armée est en effet plus entraînée à rançonner la population pauvre qu'à se battre. En outre, comme le prouve la mutinerie elle-même, elle est rongée du dedans par toutes sortes de mécontentements, sans même parler de la rivalité entre galonnés. Retrouvera-t-elle une efficacité suffisante pour faire face aux soldats rebelles ? Gbabgo s'est cru en tout cas en situation de déclencher une offensive, d'autant plus que l'armée française ne joue même plus la comédie de "l'intervention humanitaire". Malgré l'évacuation des citoyens français, américains ou libanais, elle est restée embusquée autour de Bouaké. Elle ne se contente pas d'offrir une aide logistique, c'est-à-dire des camions de transport, de l'essence ou du matériel de toute sorte, mais elle a placé ses dispositifs de telle façon qu'elle empêche les mutins d'avancer sur Abidjan. Mais, en revanche, ces dispositifs n'empêchent pas les troupes gouvernementales d'attaquer si toutefois elles en ont la capacité. Les capitalistes français ont trop d'intérêts en Côte-d'Ivoire pour que l'armée française reste neutre. Ce n'est évidemment pas la population de ce pays qu'elle entend protéger, pas même à vrai dire la personne de Gbagbo, mais l'ordre lui-même, afin que les biens français ne soient pas menacés et que les profits tirés des masses laborieuses de ce pays n'arrêtent pas de couler vers les coffres-forts de là-bas.

Nous ne savons donc pas si la partition de fait du pays entre les mutins qui occupent le nord et les troupes gouvernementales perdurera ou si la rébellion militaire tournera court. Mais quelle que soit l'issue, ce qui se passe en ce moment dans ce pays est grave pour toute la population laborieuse.

Plusieurs centaines de femmes, d'hommes et d'enfants sont déjà morts soit à l'occasion des affrontements entre les deux bandes armées, soit victimes des exactions de la gendarmerie ou des troupes gouvernementales.

Nous ne savons pas grand-chose du comportement des militaires mutins, mais il semblerait que, pour le moment, ils tiennent à gagner un certain assentiment de la population de Bouaké et ne se livrent pas à des exactions susceptibles de l'aliéner. On ne peut pas en dire autant des troupes gouvernementales ici, à Abidjan, encouragées à la violence et au racket par la démagogie gouvernementale.

Cette démagogie ethniste et xénophobe prend des proportions inouïes. La presse gouvernementale, les Blé Goudé et bien d'autres, tiennent un langage digne de cette radio "Mille collines", de sinistre réputation, qui a tant contribué au génocide au Rwanda. Les crapules qui répètent les appels du genre "nous ferons partir tous les Burkinabé de la Côte-d'Ivoire, restez mobilisés à cet effet", donnent des ailes à ces militaires, ces gendarmes ou ces policiers qui rançonnent de longue date les chauffeurs de gbaka et ceux qu'ils transportent et, plus généralement, les gens du peuple qui passent à portée de leurs mains. Mais, cette fois-ci, ils le font au nom du "patriotisme", au nom de "l'ivoirité".

D'ores et déjà, le climat est devenu invivable pour tous ceux qui sont originaires du Burkina et même pour tous ceux nés ici, en Côte-d'Ivoire, mais dont les parents ou les grands-parents sont originaires de là-bas. Mais il devient invivable aussi pour tous ceux qui sont simplement originaires du Nord et qui, du simple fait de la consonnance de leur nom, de leur ethnie, de leur religion, sont accusés d'être la "cinquième colonne" du prétendu ennemi extérieur. Ce climat aggrave les tensions ethnistes, crée des tensions là où il n'y en avait pas et empoisonne la vie de tous. Car si une partie de la population pauvre en est réduite à la peur ou aux actions désespérées, le climat qui est créé alimente la peur de tous les autres.

Personne ne sait pour le moment qui est derrière la rébellion des militaires, si tant est qu'il y ait une force politique derrière et qu'il ne s'agisse pas d'un soulèvement corporatiste de militaires décidés à préserver leur place dans l'armée et la paie ou le droit de racket qui vont avec. Mais il est vrai que, même si la mutinerie était purement corporatiste au départ, elle a fini par devenir un fait politique et cristallise toutes les oppositions que des années de démagogie ethniste ont distillées dans la population. Car si les mutins semblent trouver un certain soutien dans une partie au moins de la population du Nord, c'est en raison des craintes et des frustrations imposées à cette population depuis des années.

Depuis des années, Bédié d'abord, puis Guéi et ensuite, peut-être plus ouvertement encore, le prétendu socialiste Gbagbo ont présenté non seulement les originaires du Burkina, mais même ceux du Nord, comme des étrangers et surtout comme des gens qui devraient être heureux de leur sort, même si leur sort est celui d'exploités ou de chômeurs dans les villes, ou d'ouvriers agricoles et paysans pauvres dans les campagnes. Malgré les saletés démagogiques propagées à leur propos par les politiciens et par les plumitifs d'une grande partie de la presse, il n'était pas question de les expulser car la vie économique se serait alors arrêtée. On voulait seulement qu'ils se tiennent à leur place, qu'ils acceptent d'être dominés, opprimés et exploités.

Cela fait bien des années cependant que les gendarmes, les militaires ou les hommes de main du PDCI et, plus encore, du FPI, ont prolongé la démagogie par des actes odieux. La mutinerie donne au gouvernement l'occasion de porter l'odieux à des sommets jusqu'ici non atteints, mais qui malheureusement risquent d'être dépassés encore si la crise actuelle s'éternise.

Bien sûr, ceux des gens du Nord ou des originaires du Burkina qui espèrent que les mutins rebelles les vengeront ont tort. Les mutins sont issus de cette même armée que celle qui, depuis des années, rançonne, réprime et opprime. Et, de surcroît, s'il se révèle exact que le gros des militaires rebelles vient de ceux qui avaient soutenu le putsch du général Guéi, ce n'est certainement pas une référence.

Alors, les travailleurs, les paysans pauvres, quels que soient leur pays ou leur ethnie d'origine, n'ont certainement pas à prendre parti dans l'affrontement entre bandes armées. Car, si on ne sait pas aujourd'hui qui des deux bandes sera vainqueur, on sait qui en seront les victimes. Et quelle que soit la démagogie développée par les uns et par les autres, brutale par Gbagbo, racoleuse par les rebelles, il ne nous faut pas y céder. Il ne faut pas que les tensions ethnistes propagées d'en haut divisent le monde des travailleurs et des pauvres, nous opposent les uns aux autres.

Il ne s'agit pas seulement d'humanisme ou de morale. Il s'agit de défendre nos intérêts de travailleurs et de pauvres. Car ce conflit a déjà coûté cher aux travailleurs et aux pauvres. Trop cher payé, les centaines de morts et de blessés dans un conflit qui ne les concerne pas. Trop cher payé, les milliers de pauvres obligés de déguerpir et d'errer pour trouver un endroit où survivre.

Mais trop cher payé aussi, ces prix qui s'emballent et qui, si la hausse se poursuit, condamnent des milliers de familles pauvres à la faim. Ces hausses de prix montrent d'ailleurs que, si les classes pauvres sont sollicitées par le gouvernement pour donner plus pour ce qu'il appelle la "patrie", il y en a d'autres pour qui la guerre est une aubaine parce qu'elle leur permet de vendre plus cher des produits de nécessité vitale et de s'enrichir des privations et des souffrances des autres.

Alors, travailleurs et pauvres de toutes les ethnies, refusons la démagogie ethniste, refusons la xénophobie, refusons d'être opposés les uns aux autres. Il y va de notre capacité de nous défendre face au gouvernement, quel qu'il soit ; de notre capacité d'empêcher les patrons et les riches de nous réduire toujours plus à la misère. Il y va de notre vie et de notre dignité de travailleurs.

Non à la destruction des quartiers précaires !

Le 5 octobre dernier, le gouverneur du district d'Abidjan, Dedji Amondji a annoncé que "tous les quartiers précaires d'Abidjan, caches d'armes et de drogues des assaillants, seront rasés. Et d'ici un mois, il n'y aura plus de quartiers précaires à Abidjan".

Bien sûr, les autorités n'ont pas attendu ce discours pour commencer leur sale besogne ! Certains quartiers précaires accusés d'être le repaire de supposés assaillants ont été détruits tels l'incendie de la "casse" d'Adjamé et des bidonvilles d'Agban.

Amondji est bien placé pour savoir que pour trouver des "armes" et de la "drogue", c'est dans les quartiers chics et chez des hommes qui, comme lui, roulent en Mercédès, qu'il faut plutôt les chercher ! Quant aux quartiers précaires, les gens bien nourris savent que ce sont des ouvriers qui y vivent. Des travailleurs dont le salaire ne permet même pas de vivre de façon décente, condamnés à vivre dans des bidonvilles, tellement ils sont exploités par la classe capitaliste !

Il ne faut pas se laisser tromper par les bobards de ces gens-là. La destruction des bidonvilles est une affaire de gros sous. Depuis longtemps les promoteurs immobiliers lorgnent vers ces quartiers précaires. Depuis combien de temps, par exemple, Aka Angui, la maire de Port-Bouët, cherche t-elle à raser Gonzagueville, sans jamais avoir réussi, grâce à la détermination de ses habitants ?

Aujourd'hui, avec ce nationalisme ambiant puant, le prétexte est tout trouvé, pour s'attaquer aux travailleurs de ces quartiers et tenter de les faire déguerpir.

Ces bidonvilles sont, nous dit-on, occupés par une grande majorité "d'étrangers". Et alors ? Quel que soit le nombre de ceux qu'ils taxent d'étrangers vivant dans ces quartiers, ce sont avant tout des ouvriers et des pauvres, comme leurs frères ivoiriens qui partagent le même sort !

Permettre donc à la bourgeoisie de s'en prendre aux quartiers précaires, c'est lui permettre de s'attaquer à la classe ouvrière et aux pauvres, à toute la classe ouvrière, à tous les pauvres.

Nos "braves soldats" à l'oeuvre

Tout le monde sait que les "corridors" qui ceinturent la ville d'Abidjan servent de lieu de racket des transporteurs et des passagers par les forces de l'ordre.

Aujourd'hui, les choses se sont encore plus aggravées. Sous prétexte de chercher des "assaillants", les forces armées ont trouvé une nouvelle occasion pour systématiser le racket et augmenter les "tarifs". Cette racaille ne se contente pas de voler la population pauvre, particulièrement ceux originaires du Burkina Faso. Il faut compter avec les bastonnades et les vexations.

Les policiers font preuve de beaucoup de zèle et de ruses pour voler la population ou réprimer les grèves, lorsque les travailleurs ne sont pas organisés. Par contre, lorsqu'il y a lieu de se frotter à d'autres forces armées, là, c'est une autre affaire.

Aujourd'hui, tout le monde sait que les forces "loyalistes" désertent en masse. Pour justifier leur désertion, ces "forces de l'ordre" disent que lorsqu'ils tirent sur leurs adversaires, les balles "ne rentrent pas". Il y en a même qui disent que l'adversaire qui est en face d'eux disparaît d'un coup pour se retrouver derrière eux.

Racketter, voilà ce qu'ils savent faire.

Gobelet : les bruits de bottes qui nous réveillent

Une semaine après les événements du 19 septembre dernier, Gobelet fut le théâtre d'une descente musclée des militaires. Situé en plein coeur du quartier Cocody, Gobelet est un taudis où habitent quelques milliers de travailleurs.

Ce jour là, ce furent des dizaines de commando-gendarmes qui ont débarqué aux environs de 4 heures du matin. Ils nous ont réveillés en fracassant nos portes, mettant tout dessus-dessous. Après ce forfait, ils nous ont rançonnés et, malheur à ceux qui n'avaient pas d'argent sur eux. Ces derniers étaient sauvagement battus, traînés dans les ruelles du quartier, avant d'être abandonnés.

Assassinats dans les quartiers populaires

Depuis les événements du 19 septembre dernier, il ne se passe plus de jours où l'on ne découvre des corps de personnes assassinées nuitamment. Dans les quartiers pauvres comme Abobo Derrière-Rails et Port-Bouët Vridi-Canal, les gens sont abattus sauvagement et jetés dans les ruelles ou au bord de la mer. Les victimes sont toujours dépouillées de leur habillement pour faire disparaître leur identité.

Mais ces exécutions sommaires durant la nuit ne peuvent être que l'oeuvre des forces de l'ordre. Avec le couvre-feu, ils sont les seuls à patrouiller la nuit. Ces crimes crapuleux se font dans l'anonymat, car la presse n'en parle jamais, ou si elle en parle, c'est dans l'intention de présenter ces corps comme étant ceux des "assaillants" qu'ils ont abattus.

Malgré ce camouflage, la population arrive souvent à identifier des corps qui ne sont autres que des travailleurs de ces quartiers. La population est aujourd'hui traumatisée, vit dans la hantise de toutes ces tueries et ces dénonciations qui font l'objet des descentes musclées des militaires. Cela ressemble à des règlements de comptes.

Augmentation du prix des denrées.

De nouveau, les prix ont flambé depuis le 19 septembre dernier. Une triste réalité pour les familles les plus pauvres qui n'arrivaient déjà pas à joindre les deux bouts. Pour ironiser sur ce triste sort, les femmes des quartiers pauvres disent que "le panier de la ménagère qui était déjà vide s'est troué maintenant".

Sur le marché nous avons en deux semaines, vu le prix du litre d'huile passer de 700 à 800 F ; le kg de viande passer de 1400 à 1800, 1900 voire 2000 F ; le prix du poisson a aussi presque doublé. C'est la même chose pour tous les produits vivriers : igname, gombo, piment, etc.

Comment peut-on vivre avec ces augmentations successives alors que le salaire lui, n'a pas connu d'augmentation depuis plus de vingt ans ?

Le comble de tout cela, c'est qu'en plus de cette misère montante, le gouvernement veut extorquer des fonds à la population sous la nouvelle appellation de "contribution à l'effort de guerre". Le porte-parole de l'état-major des armées a déjà annoncé à la télévision que, dans les jours à venir, l'Etat va demander des contributions à toute la population pour faire face "aux agressions terroristes venues de l'extérieur".

Il y a d'ailleurs déjà des entreprises comme la SIR, la CIE et qui ont pour ainsi dire obligé leurs salariés à soustraire de leur maigre revenu trois jours de salaire qu'elles ont versé comme leur contribution.

Dans les jours à venir, d'autres entreprises emboîteront le pas aux premières, pour faire les poches à leur personnel.

Le plus révoltant, c'est l'attitude des syndicats, surtout des centrales syndicales qui, non seulement font des déclarations xénophobes, mais en plus, cherchent à rouler tous les travailleurs dans cette combine. Depuis plus de deux ans que ce gouvernement est au pouvoir, ces centrales l'ont aidé à prendre dans la poche des travailleurs pour donner aux riches. Le patronat n'a jamais été inquiété. Au contraire, même lorsque des mouvements de grève éclatent, comme celui des agents de la santé publique, ces centrales les conduisent vers des impasses au grand bonheur du patronat et du gouvernement.

Mais si vraiment le gouvernement avait besoin d'argent, pourquoi ne le prend-il pas dans les coffres-forts des entreprises comme Bouygues, Bolloré, Cargill et autres "opérateurs économiques" qui ont pillé et continuent de piller ce pays ? Pourquoi ne fait-il pas payer les "barons" de l'ancien régime comme ceux du nouveau à commencer par les Bédié-Alassane-Gbagbo et leurs ministres ?

Pourquoi serait-ce toujours à la population de payer, elle qui souffre tant déjà ? Cela montre bien que ce gouvernement et tous les dirigeants des centrales syndicales sont au service des riches.