Afghanistan - Derrière la montée des talibans, les intérêts politiques et économiques de l'impérialisme

Novembre 1996

Les chefs de guerre qui se battaient depuis sept ans pour le contrôle de la capitale afghane, Kaboul, en ont été chassés le 27 septembre par les talibans. Le fait que ces milices intégristes sunnites prônent le retour à l'Islam du moyen-âge n'a pas empêché certains dirigeants et commentateurs occidentaux de se féliciter de leur victoire comme l'annonce d'un prochain "retour à l'ordre" en Afghanistan.

C'est ainsi, par exemple, qu'on pouvait lire dans le quotidien américain Washington Post, le lendemain de la prise de Kaboul : "La capture étonnante de Kaboul par l'organisation de la milice radicale des talibans représente la meilleure occasion qu'on ait connue depuis des années de mettre un terme à l'anarchie qui accule l'Afghanistan à la ruine depuis l'invasion soviétique de 1979". Le même quotidien citait un porte-parole du Département d'Etat américain, Glyn Davies, déclarant que les Etats-Unis ne voyaient "rien de critiquable" dans "les mesures prises pour l'instant par le mouvement taliban pour imposer la loi islamique dans les zones qu'il contrôle". Et le Washington Post concluait en disant que "les analystes américains décrivent les talibans comme "anti- modernistes" plutôt qu'"anti-occidentaux" et remarquent que ceux- ci semblent plus préoccupés d'instaurer une société traditionnelle en Afghanistan que d'exporter la révolution islamique (...) Les succès militaires remportés par les talibans apparaissent comme un échec pour l'Iran qui avait soutenu le précédent gouvernement". Autant dire que pour ce quotidien, proche du parti de Clinton, il y avait tout lieu de se réjouir, puisque la victoire des talibans permettait à l'ordre impérialiste de faire d'une pierre trois coups : elle réglait le problème de l'instabilité politique de l'Afghanistan par l'installation d'un régime pro-occidental tout en affaiblissant la position de l'Iran sur le plan régional.

Mais ceux qui se réjouissaient déjà de la mise au pas prochaine de la population afghane par ces miliciens intégristes, pour le plus grand profit de l'ordre impérialiste, vont peut-être devoir déchanter. Car à l'heure où nous écrivons, quatre semaines après l'entrée des talibans dans Kaboul, ceux-ci sont déjà sur la défensive, après avoir essuyé une série de revers sérieux qui pourraient remettre en question leur contrôle sur la capitale.

En tout cas, même si, pour l'instant, les talibans contrôlent toujours les deux tiers du pays, leur offensive fulgurante de ces derniers mois semble bien avoir été arrêtée, tandis que la guerre civile ouverte qui ensanglante le pays depuis dix-sept ans se poursuit, avec une intensité redoublée, sans qu'il soit possible d'en prévoir la fin prochaine.

Le règne des chefs de guerre

L'intervention soviétique en Afghanistan, en décembre 1979, avait déjà eu pour but d'empêcher le développement d'un foyer d'instabilité politique aux frontières de l'URSS, en même temps que d'endiguer la montée d'un intégrisme islamique qui menaçait les républiques soviétiques limitrophes. Non seulement cette intervention n'endigua rien et n'empêcha rien, mais elle galvanisa l'opposition au régime dans la population et jeta celle-ci dans les bras d'intégristes islamiques qui eurent beau jeu de se présenter en libérateurs face à la brutalité des troupes d'occupation et ce, avec d'autant plus de facilité, que l'impérialisme américain se montra d'une générosité quasi sans limite pour leur fournir des armes. Dix ans plus tard, les dernières troupes russes se retiraient, défaites, au terme d'une guerre qui avait fait plus d'un million de victimes.

Mais le départ des troupes soviétiques ne mit pas fin à la guerre civile pour autant. Les chefs de guerre rivaux, qui s'étaient constitué chacun leur propre territoire au cours de la décennie précédente, ne pouvaient tolérer de limiter leurs rapines au nom du respect d'une quelconque légalité. Après le départ des troupes soviétiques, ils n'eurent de cesse de chasser le régime que celles-ci avaient laissé en place. Mais, en même temps, ils se lancèrent dans une lutte pour le pouvoir que la chute, ou plutôt la désintégration du régime, en avril 1992, ne fit qu'exacerber.

Du 13 février 1989, date du départ du dernier soldat russe, au 27 septembre de cette année, l'Afghanistan a été le théâtre d'un chassé-croisé sanglant entre quatre clans principaux, autour d'un prétendu gouvernement de coalition mis en place sous l'égide des Nations Unies. Plus que de clans bien définis, il s'agissait d'ailleurs de conglomérats instables de caïds locaux et régionaux, devenus "commandants" par la grâce du stock d'armes sur lequel ils avaient réussi à mettre la main, liés par des relations de clientélisme souvent éphémères et constamment sujettes aux retournements de vestes et d'alliances.

Au nombre de ces clans, il y avait d'abord celui du Jamiat-e-Islami, un parti intégriste à dominance tadjique, dont les principaux leaders étaient le président auto-proclamé du régime, Rabbani, et son ministre de la Défense, Massoud, chef de guerre de la vallée du Panchir, au nord de la capitale. Ensuite venait le clan du parti intégriste pachtoune Hezb-e-Islami, dont le leader, Hekmatyar, bien que nominalement Premier ministre à plusieurs reprises, passa plus de temps à bombarder les troupes du régime des hauteurs voisines de Kaboul qu'à occuper son siège de ministre. Il y avait également le clan intégriste chiite du front Wahdat, dominé par la minorité des Hazaras, surtout présente dans les faubourgs de Kaboul et dans le centre du pays. Enfin, il y avait le clan du seigneur de guerre ouzbek Dostom, qui s'était constitué, à titre privé, un véritable Etat indépendant au nord-ouest du pays.

Et pendant sept ans, chacun de ces clans n'a cessé de combattre les trois autres, sous le couvert de toutes les combinaisons d'alliances possibles et imaginables, pour tenter d'élargir sa propre influence, c'est- à-dire avant tout son pillage du pays. Jusqu'à ce que l'offensive victorieuse de ces nouveaux venus que sont les talibans vienne les contraindre à constituer un front commun, tout au moins tant que les talibans eux-mêmes se refusent à des concessions qui rendraient d'autres alliances possibles.

L'irresistible marche des talibans

Si la prise de Kaboul a rappelé à l'opinion publique internationale cette guerre civile aussi meurtrière qu'interminable dont on ne parlait plus guère, elle l'a surtout choquée par la façon dont les talibans ont aussitôt entrepris de ramener la vie sociale un millénaire en arrière. Les télévisions occidentales ont montré des autodafés de pellicules, de radio-cassettes, d'appareils vidéos, ces symboles de la culture moderne. La presse a rapporté l'application de la loi coranique par les talibans dans toute sa barbarie moyenâgeuse, l'esclavage révoltant imposé aux femmes, les bastonnades, voire les mutilations, administrées publiquement en guise de châtiments, la prière obligatoire cinq fois par jour, bref tout un catalogue d'humiliations et de sévices infligés à la population.

Mais la seule brutalité des talibans n'explique pas leur marche fulgurante vers le pouvoir, le fait qu'un an après leur première apparition en octobre 1994, ils contrôlaient déjà la moitié du pays et qu'aujourd'hui, un an plus tard, ils en contrôlent les deux tiers, y compris la capitale, tout cela face à un adversaire plus nombreux et surtout déjà solidement installé dans la place. Sans doute les talibans ont-ils su profiter de la décomposition avancée de l'appareil d'Etat, décomposition qui leur a permis de prendre des villes entières sans le moindre combat, parce que les chefs de guerre locaux, alliés du clan Rabbani-Massoud, ont préféré se joindre aux talibans, ou au contraire les fuir, plutôt que d'avoir à livrer bataille.

Mais dans un pays où tout le monde a des armes et où la population a été durcie par tant d'années de guerre, les talibans, relativement faibles numériquement puisqu'ils ne compteraient que 25 000 combattants, n'ont pas pu asseoir leur contrôle sur des régions entières contre la volonté d'une population hostile. On peut penser qu'en se présentant comme ils l'ont fait, en posant aux champions de la lutte contre la corruption et les rivalités des seigneurs de guerre qui minaient le pays, en soignant une image austère de combattants désintéressés, opposés au pillage et respectueux de la propriété privée, ils ont pu recueillir au départ, sinon la sympathie active, en tout cas l'assentiment résigné d'une population exténuée qui s'est raccrochée à l'espoir que les talibans allaient en finir une fois pour toutes avec la guerre civile, même si cela voulait dire renoncer en échange aux libertés les plus élémentaires. Ce renoncement a pu d'ailleurs peser d'autant moins que, depuis 1992, la loi coranique était déjà la loi officielle du pays, réduisant les droits des femmes à presque rien, sauf sans doute pour une partie de la petite bourgeoisie urbaine. Quant aux châtiments barbares des talibans, il n'est pas sûr qu'ils soient apparus, en particulier dans les zones rurales, comme beaucoup plus terrifiants que les exactions des féodaux et caïds locaux qui représentaient jusque-là le gouvernement de Kaboul.

Cela étant, les talibans n'auraient pas pu bénéficier d'un tel assentiment en si peu de temps, sans gagner une certaine crédibilité, c'est-à-dire sans donner des preuves de leur capacité à mettre fin à la guerre. Pour cela il leur a fallu des armes, des moyens matériels, de l'argent, dès les premiers jours, pour pouvoir emporter un premier succès, puis un second, puis pour pouvoir non seulement recruter des troupes mais aussi les armer, les nourrir et leur fournir les innombrables 4x4 japonais dont la mobilité a contribué à leur succès. Ces moyens matériels, c'est du Pakistan qu'ils sont venus.

Ordre impérialiste et rivalités régionales

Que le Pakistan intervienne dans les affaires afghanes n'est pas une nouveauté. Pour le pouvoir pakistanais, l'Afghanistan est en effet un enjeu aussi bien dans la concurrence régionale qui l'oppose à l'Iran, que dans sa rivalité avec l'Inde. De 1947 à 1979, l'Inde et l'Afghanistan ont entretenu des relations privilégiées avec l'URSS, tandis que le Pakistan servait de levier régional à l'impérialisme américain face à l'influence soviétique. Durant toute cette période, le pouvoir pakistanais a encouragé l'émergence d'une opposition religieuse pachtoune en Afghanistan ethnie qui est coupée en deux par la frontière pakistano- afghane offrant dès 1973 une base arrière aux premiers maquis intégristes afghans dans la région de Peshawar.

L'intervention russe en Afghanistan renforça l'attrait du levier pakistanais aux yeux de l'impérialisme américain, tandis que les dirigeants pakistanais y virent leur chance de susciter l'émergence d'un pouvoir afghan plus proche du Pakistan que de l'Inde ou de l'Iran. Forts des millions de dollars que leur fournissaient les USA pour armer la résistance afghane, les dirigeants pakistanais, ou plus précisément leur police politique, l'ISI, se chargea de recruter, d'armer et d'entraîner des volontaires dans les camps de réfugiés afghans dans la zone frontalière. Puis, l'ISI confia ce rôle à l'étoile montante de l'intégrisme pachtoune, Hekmatyar, le leader du Hezb-e- Islami.

Le retrait des troupes soviétiques changea un peu les données du problème pour les USA, mais pas les ambitions pakistanaises. Hekmatyar continua d'être l'instrument de la politique régionale d'Islamabad, cette fois essentiellement pour contenir les tentatives parallèles du régime iranien de se concilier les bonnes grâces des chefs de guerre en lutte pour le pouvoir.

En revanche, l'écroulement de l'URSS et l'accession à l'indépendance des anciennes républiques soviétiques d'Asie centrale bouleversèrent la situation régionale. La sphère potentielle d'influence régionale commune au Pakistan et à l'Iran se trouva d'un seul coup agrandie de cinq nouveaux Etats Turkménistan, Ouzbékistan, Tadjikistan, Kirghistan et Kazakhstan dont trois avaient une frontière et des ethnies communes avec l'Afghanistan. Du même coup, le Pakistan, qui avait quelque peu perdu de son intérêt aux yeux de l'impérialisme américain depuis 1989, redevint un levier digne d'intérêt pour Washington.

Cette fois encore, les intérêts américains et pakistanais se trouvèrent coïncider. Washington redoutait que la guerre civile afghane s'étende aux anciennes républiques soviétiques, créant de ce fait un foyer d'instabilité politique autrement dangereux que l'avait été jusqu'alors l'Afghanistan. En même temps, les USA restaient toujours aussi soucieux de contenir l'influence iranienne. Restait donc la carte du Pakistan qui, de son côté, avait toutes les raisons de vouloir la fin de la guerre civile afghane et l'instauration d'un régime ami à Kaboul, susceptible de lui servir de passerelle vers les républiques d'Asie centrale.

En revanche, Hekmatyar était devenu un allié encombrant. Non seulement il apparaissait à chaque retournement de situation dans la guerre civile comme le principal facteur d'instabilité, mais il n'hésitait pas à s'allier au front chiite Wahdat, considéré comme l'instrument de la politique iranienne en Aghanistan. Pire, ne trouvant plus assez de subsides à son goût du côté du Pakistan, Hekmatyar se tourna vers les oppositions intégristes des pays du Golfe, s'attirant ainsi les foudres de l'Arabie Saoudite, par Washington interposé. Il n'en fallut pas plus pour que le gouvernement d'Islamabad se décide à laisser tomber Hekmatyar une fois pour toutes, faisant tomber au passage quelques têtes à la direction de sa police politique.

Mais ni cette police politique ni sans doute les services secrets américains auxquels elle était liée, n'abandonnaient leurs objectifs. Dès 1993, des étudiants, militants d'une fraction radicale du parti intégriste pakistanais Jamiat Ulema-e-Islami, jetèrent leur dévolu sur les écoles coraniques que ce parti avait créées dans les camps de réfugiés afghans de la région frontalière du Baluchistan. C'est de ces écoles que devait sortir l'année suivante le noyau initial des talibans. Et à l'été 1994, les premiers groupes de guérillas étaient formés, avec des anciens de ces écoles coraniques, en partie encadrés par des militants pakistanais. L'armement fut gracieusement fourni par l'Arabie Saoudite, c'est- à-dire probablement par les services secrets américains, ou en tout cas avec leur assentiment.

Il ne faut donc pas s'étonner si, aujourd'hui, celui qui sert d'intermédiaire à toutes les tentatives de négociations entre les talibans et les autres clans afghans se trouve être, curieusement, le ministre de l'Intérieur pakistanais, Nasirullah Babar. Car celui-ci se trouve être tout à la fois le chef direct de la police politique, l'homme fort du Baluchistan et le porte-parole officieux du Jamiat Ulema-e- Islami au sein du gouvernement pakistanais. Avec un pareil pedigree, il y a toute chance que ceux qui, au Pakistan, accusent Babar d'avoir été le chef d'orchestre de l'opération taliban aient raison. Cette opération n'aurait eu d'autre but que de susciter l'émergence en Afghanistan d'une force assez disciplinée pour ne pas céder à la corruption générale, capable d'apparaître comme une force "neuve" aux yeux de la population, de capitaliser son aspiration à en finir avec la guerre civile, et de susciter ainsi un certain consensus en faveur de ce qui n'est après tout qu'une bande armée réactionnaire de plus dans un pays qui en compte déjà beaucoup.

Une histoire de pétrole

Derrière les préoccupations stratégiques de l'impérialisme américain et de ses représentants régionaux se trouvent d'autres intérêts, bien plus terre-à- terre ceux-là. C'est ainsi qu'au lendemain de la prise de Kaboul par les talibans, la presse quotidienne américaine s'est fait l'écho de la satisfaction exprimée par un certain Chris Taggart, vice- président de l'Unocal Corporation, un puissant consortium de l'énergie et du pétrole basé en Californie. Ce monsieur expliquait, entre autres : "D'après mes informations, le Pakistan a déjà reconnu le gouvernement des talibans. Si les Etats-Unis font de même, cela ouvrira la voie au retour des organismes de prêt internationaux. Si la victoire des talibans conduit à la stabilité et la reconnaissance internationale, c'est un fait positif." Il est clair que ce qui peut bien arriver à la population afghane est bien le dernier des soucis du vice- président d'Unocal, pourvu que les institutions financières soient prêtes à risquer leur argent en Afghanistan.

C'est que l'Unocal, en collaboration avec la compagnie saoudienne Delta Oil, a atteint un stade avancé dans l'étude d'un double projet en Afghanistan. Il s'agit de la construction d'un gazoduc, destiné à amener le gaz naturel de Dauletabad dans le Turkménistan aux centrales thermiques pakistanaises, et d'un pipeline capable de transporter un million de barils de brut par jour de Chardzhou à un terminal pétrolier situé sur la côte pakistanaise, le tout pour la coquette somme de 25 milliards de francs. Mais évidemment, dans un cas comme dans l'autre, il s'agit de traverser pratiquement tout le territoire afghan, ce qui ne peut se concevoir en pleine guerre civile mais peut se faire sous les dictatures les plus féroces. Il est vrai que l'Unocal Corporation est en quelque sorte une "habituée". N'est-elle pas en train de construire, en alliance avec le groupe français Total, un pipeline en Birmanie, qui nécessite le quadrillage par la junte militaire d'un vaste territoire occupé par des minorités ethniques ?

Mais au-delà des projets immédiats d'Unocal, il en est bien d'autres qui n'attendent que de voir le jour. Les républiques d'Asie centrale ont en effet des ressources minières considérables. Outre les ressources pétrolières du Turkménistan, le Kazakhstan est supposé détenir un quart des réserves pétrolières mondiales avec le gaz naturel qui les accompagne (le trust américain Chevron, l'italien AGIP et l'anglais British Gas sont déjà sur les lieux) ; l'Ouzbékistan a la plus grande mine d'or du monde ; le Tadjikistan le plus grand gisement d'argent connu. Or il n'y a, à l'heure actuelle, que deux voies possibles de dégagement pour ces richesses le chemin de fer et les pipelines trans-iraniens ou la traversée de la Russie. Or ce sont deux voies que l'impérialisme américain souhaiterait éviter : la première pour des raisons politiques, pour ne pas renforcer la position de l'Iran ; et la seconde autant pour des raisons de concurrence économique que de coût, car les bureaucrates russes ne se privent pas de prélever leur part sur tout ce qui passe sur leur territoire. Reste donc la voie la plus rapide jusqu'à la mer, celle qui passe à travers l'Afghanistan.

Quant aux transports routiers à travers l'Afghanistan, qui permettraient de profiter des marchés de produits de consommation, limités mais non négligeables, que représentent les républiques d'Asie centrale, ce n'est pas tant la poursuite de la guerre civile elle-même qui les freine que les taxes de passage et de protection exorbitantes extorquées par chacun des chefs de guerre, sans parler de leurs sous-fifres régionaux.

Dans tous les cas, que ce soit sur le terrain économique ou sur le terrain politique, l'impérialisme et ses auxiliaires régionaux ont donc tout intérêt à en finir aussi rapidement que possible avec la poudrière afghane qu'ils ont eux-mêmes très largement contribué à attiser. Peu importe pour l'ordre impérialiste, ou pour ses profits, que cette hâte risque de se traduire pour la population afghane par l'imposition d'un des régimes les plus réactionnaires qu'ait connu le Tiers monde. Comme pour tant d'autres dictatures qu'ils ont mises en place ou protégées, directement ou indirectement, les dirigeants américains pourront toujours s'en tirer vis-à-vis de leur opinion publique par des déclarations et des résolutions sur les droits de l'homme que tout le monde s'empressera d'oublier, voire par des sanctions économiques plus ou moins symboliques, comme en Irak aujourd'hui, dont seule la population pauvre paie réellement les frais. Mais l'oppression des peuples est aussi indissociable de l'ordre impérialiste que l'est la course aux profits. (23 octobre 1996)