La campagne des élections présidentielle et législatives (extraits)

décembre 2012 janvier 2013

29 octobre 2012

L'année passée a été marquée par la campagne de l'élection présidentielle, commencée par la collecte des parrainages, puis par la campagne, beaucoup plus courte, des législatives.

Notre participation à l'élection présidentielle a été, en soi, une réussite collective, car la collecte des signatures de maires, sans poser de problèmes particuliers, a reposé sur notre capacité militante. Il en est de même pour notre participation aux élections législatives, car présenter des candidats dans toutes les circonscriptions métropolitaines était aussi un objectif militant.

Quant à nos résultats, c'est un euphémisme de dire qu'ils ont été modestes puisqu'ils sont, de toute notre histoire électorale, les plus faibles. Notre candidate Nathalie Arthaud a obtenu 0,56 % des voix, soit les suffrages de 202 561 électeurs. Comparé au score d'Arlette Laguiller en 2007, qui était le niveau le plus bas réalisé lors d'une présidentielle, c'est une perte de plus de la moitié de notre électorat. Les résultats aux législatives, 0,51 % des voix et 126 522 électeurs, n'ont pas été meilleurs.

Ces résultats électoraux ne nous ont pas surpris. S'il y avait des illusions ou des espoirs inavoués d'un score un peu meilleur, les sondages les ont toujours tenus dans des limites très étroites. Et, plus que les sondages, c'est le raisonnement politique qui nous a préparés et permis de préparer notre milieu à ces mauvais scores.

Pendant toute la campagne, nous avons dit et répété que, pour imposer leurs revendications vitales, les travailleurs devaient renouer avec de grandes luttes comme celles de mai 1968 ou de juin 1936, tout en sachant que la combativité et le moral de la classe ouvrière en étaient loin. Nous avons aussi choisi d'afficher notre identité communiste et d'affirmer le plus clairement possible nos perspectives communistes révolutionnaires, en étant conscients que ce choix ne serait pas non plus payant sur le plan électoral.

Le 30 mars 2012, dans la revue Lutte de Classe, nous avons expliqué : « Le programme de lutte défendu par Nathalie Arthaud ne lui vaudra pas de succès électoraux, dans une période où le gros de la classe ouvrière, frappé par la crise, déboussolé, ayant perdu ses repères, en est encore à chercher de l'espoir du côté des illusionnistes intégrés dans le système institutionnel de la bourgeoisie. »

Nous avions donc anticipé notre faible résultat. Mais les communistes révolutionnaires ne se présentent pas dans les élections pour adapter et édulcorer leur programme de façon à plaire davantage et à faire le plus de voix possible. Ils profitent de l'organisation des élections pour défendre, à une échelle plus large, une politique qui représente les intérêts des travailleurs, quand bien même ils sont en général minoritaires dans les élections de la démocratie bourgeoise et à contre-courant dans une situation de reflux des luttes et de recul de la conscience ouvrière.

Nous avons fait campagne sur un programme de lutte pour les travailleurs, l'interdiction des licenciements, la répartition du travail entre tous sans diminution de salaire, l'échelle mobile des salaires et des pensions, et le contrôle à imposer sur les entreprises. Nous avons continué à propager les objectifs de lutte que nous défendons à longueur d'année, à notre petite échelle, pour essayer d'armer moralement et politiquement les travailleurs pour les luttes à venir.

Vu la crise et ses conséquences politiques, nous avons aussi tenu à mettre en avant nos convictions communistes révolutionnaires. Nous avons, à notre petite échelle, essayé de « lever le drapeau du communisme ». Loin de nous l'idée de faire voter sur le communisme, ce qui serait tout simplement stupide. Il s'agissait d'affirmer la nécessité d'exproprier la bourgeoisie et de combattre la dictature du capital, dans un contexte de crise profonde où l'économie capitaliste montre, en plus de ses injustices, toute son irrationalité.

La crise bouleverse la vie de millions de travailleurs et elle ne manquera pas de bouleverser aussi les consciences. Confrontés à la réalité du chômage et de la misère, et confrontés aux attaques patronales et gouvernementales, les travailleurs auront immanquablement à se battre. Certains, déjà, disent vouloir remettre en cause « tout le système ». Mais se battront-ils sur leur terrain de classe, ou se laisseront-ils entraîner dans de faux combats, qui peuvent être autant de pièges mortels pour les travailleurs ?

Nous savons, et l'Histoire l'a montré à bien des reprises, que le sentiment d'injustice et la révolte des travailleurs peuvent être dévoyés et canalisés par toutes sortes de forces politiques, des réformistes du type du Front de gauche jusqu'aux forces d'extrême droite.

La montée réactionnaire que nous vivons est profonde, elle plonge ses racines dans la situation économique et sociale, dans le rapport de force défavorable entre les travailleurs et le patronat. Cela ne se joue pas dans le domaine éthéré des idées, et aucun parti, même révolutionnaire, ne pourrait, à la seule force de ses convictions, l'endiguer.

Mais un parti communiste révolutionnaire offrant des perspectives aux exploités pourrait attirer dans ses rangs bien des travailleurs déboussolés, sans repères, rejetant toute politique, voire, pour certains, tentés aujourd'hui d'exprimer leur dégoût du système en votant pour le Front national.

Ce parti communiste révolutionnaire, capable de défendre une politique sur le terrain des intérêts propres aux travailleurs pour attirer les plus conscients et les plus combatifs, n'existe pas. Les partis naguère influents dans la classe ouvrière, le Parti socialiste d'abord puis le Parti communiste, ont perdu la confiance des travailleurs car ils ont trahi à maintes reprises leurs intérêts. Ils ne défendent plus, depuis longtemps, la perspective d'un bouleversement radical de l'organisation sociale, ni même, parce que c'est lié, les objectifs de lutte immédiats à même de renforcer au jour le jour le camp des travailleurs.

Nous savons que nous n'avons ni la taille, ni l'implantation, ni l'influence pour être ce parti qui manque à la classe ouvrière, mais nous pouvions utiliser le petit porte-voix de cette campagne électorale pour faire entendre les intérêts politiques des travailleurs dans ce contexte de crise et défendre la perspective de renverser le capitalisme. Nous sommes très minoritaires mais nous pouvons affirmer des idées, essayer de les populariser et de les propager. Ceci est d'autant plus important que nous sommes les seuls à le faire.

La campagne militante que nous avons faite en organisant des meetings, des présences sur les marchés, des campagnes d'affichage, n'a pas été facile. Cela a été une campagne volontariste, dans un climat caractérisé par la résignation des classes populaires, qui explique en grande partie le manque d'appétit politique des travailleurs. Pour beaucoup, le seul enjeu de l'élection était de se débarrasser de Sarkozy, avec l'espoir plus ou moins diffus que les choses iraient mieux avec Hollande.

Sauf auprès du milieu socialiste, même cette perspective de l'arrivée des socialistes au pouvoir était empreinte de beaucoup de fatalisme. L'idée que les politiques n'ont plus véritablement le pouvoir, que ce sont les patrons et les banquiers, voire Bruxelles ou l'Europe, qui dirigent, entretient un climat de fatalité dans les rangs des travailleurs. Dans ce contexte, il a été difficile d'approfondir les discussions, qui se heurtaient souvent au constat que les travailleurs ne veulent ou ne peuvent plus se battre.

Pour autant, les objectifs que nous avons avancés étaient entendus et bien accueillis. La crise du capitalisme a fait que nous avons pu défendre les idées de révolution, du renversement du capitalisme, et du communisme, ce qui nous attirait, si ce n'est de la sympathie, du moins un certain respect des classes populaires. Se présenter comme communiste n'a pas été un handicap pour discuter avec les travailleurs.

Les résultats de ces élections mesurent l'état d'esprit des travailleurs et les 202 561 électeurs de Nathalie Arthaud montrent que le courant communiste est très minoritaire, mais nous pouvons espérer avoir touché des travailleurs au-delà de cet électorat, et que les travailleurs, confrontés aux circonstances, se saisiront d'un certain nombre d'idées que nous avons défendues dans cette campagne pour se battre.

Le programme que nous avons défendu correspondait et correspond toujours aux intérêts des travailleurs, même si seul un nouvel élan de combativité peut donner une réalité à ces objectifs. Bien des camarades ont pu se rendre compte en préparant la journée du 9 octobre que « l'interdiction des licenciements » et même « la répartition du travail entre tous sans diminution de salaire » sont des mots d'ordre qui trouvent un écho parmi les travailleurs.

En plus de populariser le programme de lutte et de lever le drapeau du communisme, nous avions un autre objectif dans cette campagne : souder politiquement, au travers de la campagne présidentielle et de celle des législatives, le milieu que nous avons autour de nous ou que nous étions à même de rencontrer en cours de campagne.

En 1899, dans Le socialisme et la conquête des pouvoirs publics, Paul Lafargue écrivait : « Le Parti socialiste est le seul parti qui ne craint pas les défaites, il les courtise même, car, vaincu ou victorieux, il sort de toute période électorale plus riche en hommes et mieux organisé. » Le fait est que les différentes campagnes électorales ont eu une grande importance dans la construction du Parti socialiste en France dans ces années-là. Chaque meeting électoral, chaque déplacement dans une ville débouchait sur la création ou sur le renforcement d'une section socialiste.

Nous en sommes loin, mais ce n'est pas non plus nouveau. Aucune campagne ne nous a permis de recruter massivement, pas même la campagne de 1995 où nous avons pourtant redoublé d'efforts pour lancer nos filets le plus loin possible en organisant une sorte de post-campagne électorale.

En revanche, les campagnes électorales et notamment les législatives nous ont toujours permis d'élargir notre milieu et de renforcer nos liens avec lui. C'est ce que nous avons essayé de faire, encore cette fois-ci, en mettant en place les comités de soutien à la candidature de Nathalie Arthaud.

(...) La période que nous vivons est une période de recul pour les travailleurs, elle ne peut pas nous être favorable et nous l'avons vérifié au travers de ces deux campagnes. C'est vrai pour nous, mais cela l'est, aussi, pour le NPA.

Nous avions dit que nous souhaitions que le NPA ait ses parrainages et se présente, pour que les travailleurs aient le choix entre différentes tendances de l'extrême gauche. C'est ce qui s'est passé. Mais il est difficile de savoir sur quelles bases les électeurs de Philippe Poutou et ceux de Nathalie Arthaud ont choisi, vu la faiblesse des deux scores.

Cela dit, nous avons pu, nous, comparer les deux campagnes. Même si la campagne du NPA a été centrée sur l'interdiction des licenciements et l'expropriation des banques, le NPA a tenu à se montrer plus antinucléaire que les antinucléaires, plus écologiste que les écologistes, et plus unitaire que tout le monde.

Le positionnement de Poutou par rapport au Front de gauche a été à l'opposé du nôtre. Poutou a toujours laissé entendre que le NPA aurait pu faire campagne commune avec le Front de gauche, expliquant que le seul obstacle a été Mélenchon qui s'est imposé comme candidat. Il est difficile de dire quelle est la part d'hypocrisie dans cette explication, mais elle reflète de façon certaine la pression du Front de gauche subie par le NPA, pression qui a d'ailleurs amené une partie des militants du NPA à rejoindre en pleine campagne le Front de gauche.

Alors, la différence entre eux et nous n'est pas dans leur score électoral, tout aussi insignifiant que le nôtre, mais dans la politique que nous défendons et dans le fait que nous savons où nous allons politiquement.

Nous avons, pendant cette campagne, tenu bon sur nos idées. Nous avons réussi à resserrer les liens avec notre milieu et à conforter nos convictions. C'est précieux pour l'avenir, car la force d'une organisation révolutionnaire ne réside pas dans ses succès électoraux, mais dans la force de ses convictions et dans son capital politique.