Texte proposé par la majorité - Adopté par 97 % des délégués présents au congrès
La situation politique et l'électorat de gauche sont encore marqués par l'élection de Nicolas Sarkozy, dont l'activité débordante et la précipitation à faire appliquer par son gouvernement toutes ses promesses électorales, malgré les difficultés imprévues, comblent de joie la fraction franchouillarde de son électorat.
Bien sûr, il ne s'agit pas des plus grandes fortunes et des plus grands patrons du pays, déjà largement servis avant son élection, sous le précédent gouvernement dont il fut membre sans discontinuer pendant cinq ans dans des ministères-clés, une partie du temps aux Finances et le reste du temps au ministère de l'Intérieur.
Il s'agit, au contraire, de l'électorat petit-bourgeois xénophobe et surtout anti-ouvrier, détestant les pauvres qui ne peuvent être que des parasites et des fainéants vivant aux crochets de ceux qui travaillent, c'est-à-dire, bien sûr, le petit et le moyen patronat. Cet électorat est constitué de commerçants, d'artisans, de patrons de petites et moyennes entreprises qui, eux, affirment-ils haut et fort, ne comptent jamais leurs heures. C'est avant tout à eux que Sarkozy s'adressait en déclarant qu'il serait négatif et inutile d'augmenter les salaires et que les salariés qui voulaient gagner plus n'avaient qu'à travailler plus. Et tout le reste, que ce soient les franchises sur la Sécurité sociale, les atteintes aux retraites, les licenciements plus souples, en passant en force ou en le tentant, c'est aussi, en flattant ses préjugés, combler cette majorité qui l'a élu.
Le grand patronat n'a, en effet, aucun intérêt économique ou social aux peines plancher pour les récidivistes, qui aboutissent à condamner à des peines démesurées les auteurs de délits mineurs. Il n'a pas non plus le moindre intérêt à des mesures un peu trop choquantes, comme les tests ADN pour rechercher la filiation des enfants d'immigrés qui demandent un regroupement familial.
Les dirigeants des grandes sociétés bancaires, financières ou industrielles se moquent éperdument des mesures prises ou à prendre contre les immigrés car ils savent parfaitement qui embaucher et qui faire venir ou pas. Ils savent encore, sans l'aide du gouvernement, délocaliser les activités qu'ils peuvent « externaliser » comme ils disent, dans les pays francophones du Maghreb ou d'Afrique ou encore, quand la langue n'a aucune importance, en Inde ou en Chine.
Il ne faut d'ailleurs pas croire que, même si cette démagogie vulgaire concerne en tout ou partie l'électorat lepeniste, elle est loin de s'y limiter. Ces opinions représentent une grande partie de l'électorat car - il s'agit d'en être conscient - la droite est puissante dans la population. Si Mitterrand a été élu en son temps c'est en grande partie parce qu'il avait tout un passé d'homme de droite, du régime de Vichy aux gouvernements de la IVe République et, en plus, il a bénéficié pour être élu d'un coup de pouce de Chirac qui le préférait à Giscard d'Estaing.
Cela dit, ceux qui, à gauche, assimilent la politique de la droite et celle du patronat à la personne de Sarkozy font une erreur et commettent une tromperie. Que Sarkozy se soit fait élire sur un programme populiste et démagogique en ramassant tout ce qui traîne au sein de l'électorat traditionnel de la droite n'empêche pas qu'il soit un simple pantin articulé dans un spectacle dont il n'est ni le véritable auteur ni l'inspirateur.
Tous ceux-là sont les mêmes, entre autres, qui contribuent à faire oublier que Sarkozy est au pouvoir depuis 2002 et que sa politique, derrière ses guignolades, est celle des gouvernements désignés par Chirac.
En effet, beaucoup d'entre eux, à gauche, s'empressent d'oublier ou de faire oublier qu'ils ont, toute honte bue, fait voter pour Chirac en 2002 et, derrière lui, aussi pour Sarkozy, sous le prétexte ahurissant que Le Pen aurait été « sur les marches du pouvoir » (sic), ce qui était non seulement invraisemblable mais en même temps une forfaiture et une trahison politique envers les masses populaires. En particulier envers les immigrés dont ils se prétendent abusivement les défenseurs.
Personnaliser ainsi la situation actuelle, y compris par les militants de « la gauche de la gauche » aboutit à prétendre que sans Sarkozy tout irait mieux, ce qui revient à aider l'arbuste à cacher la forêt.
Et tout cela contribue à enraciner l'idée qu'on ne peut pas se défendre contre la droite actuelle sans remplacer Sarkozy alors qu'on le peut tout autant qu'auparavant, à condition d'être conscient que se défendre contre la droite c'est avant tout se défendre contre le patronat, surtout le grand mais aussi le moyen et le petit. C'est lui qu'il faut faire reculer. Et faire céder le patronat, les travailleurs le peuvent bien plus facilement que changer un président de la République, d'autant que ce serait alors pour en mettre un autre qui, même de gauche, mènerait la même politique pro-patronale si les travailleurs ne se défendent pas.
Evidemment, ils ne peuvent guère compter pour cela sur les dirigeants du Parti socialiste, qu'on n'entend d'ailleurs protester que mollement contre certaines mesures de la majorité actuelle, mais qui sont beaucoup plus préoccupés de la survie de leur parti ou, plus précisément, de leur propre avenir, que du sort des travailleurs.
Aider ces derniers à se défendre contre les attaques patronales relayées par le gouvernement, ce n'est ni dans leurs convictions ni dans leurs moyens. Ils sont tout autant les représentants du grand patronat, même s'ils ne visent pas la même clientèle que la droite et donc sont moins réactionnaires que cette dernière lorsqu'il s'agit de problèmes sociétaux qui ne concernent pas les intérêts du capital.
Ils souhaitent uniquement essayer de se relever, là où ils le peuvent et en particulier aux prochaines municipales, de l'échec électoral qu'ils ont subi à la Présidentielle, même si, aux législatives qui ont suivi, ils ont pu conserver quelques positions qui ne leur ont cependant pas donné la moindre possibilité d'intervenir contre la majorité parlementaire actuelle.
Pour les municipales, ils sont guidés par les mêmes intérêts, c'est-à-dire conserver une clientèle d'élus qui leur donne assez de moyens pour exister politiquement. En effet les grands partis actuels, qu'ils soient au pouvoir ou dans ses allées ou ses antichambres, n'existent que par leurs élus. Actuellement, les socialistes ne souhaitent qu'une chose, c'est conserver les mairies qu'ils détiennent et en particulier celles des grandes villes qu'ils dirigent et qui leur donnent des moyens matériels et humains de continuer à être un grand parti. Ils n'ont même pas, semble-t-il, l'ambition de reprendre beaucoup de ces municipalités à la droite mais se contenteraient bien de déposséder le Parti communiste de certaines d'entre elles pour en prendre les leviers de commande.
À noter que les dirigeants du Parti socialiste continuent à creuser ainsi leur propre tombe politique. Depuis Mitterrand ils n'ont eu de cesse de réduire l'influence, électorale mais aussi sociale, du Parti communiste. En vingt-cinq ans, il y ont pratiquement réussi. Mais, la Présidentielle l'a montré, ils ont absolument besoin d'un Parti communiste puissant électoralement qui soit capable de ramener pour leur compte les voix du monde du travail. Le Parti socialiste a, lui-même, détruit cette force qui lui fait aujourd'hui défaut car ce ne sont ni les Hollande ni les Fabius ni les autres, qui sont capables de faire croire à un peuple qui s'enfonce de plus en plus dans la misère que c'est eux qui enrayeront cette situation.
De ces jeux-là, les travailleurs n'ont rien à attendre. À défaut d'être capables de s'en prendre aux vainqueurs, les vaincus risquent de s'entre-déchirer. On a vu comment bon nombre de dirigeants socialistes n'attendaient qu'un claquement de doigts pour se précipiter à la mangeoire que leur proposait Sarkozy.
Le plus en vue, Dominique Strauss-Kahn, a non seulement accepté le soutien du gouvernement actuel pour accéder à la direction du Fonds monétaire international, mais dès qu'il a eu le feu vert du président français, il s'est précipité à travers le monde pour faire sa campagne électorale auprès des différents chefs d'Etats. Il est évident que la place en valait la peine puisque, pour cinq ans, il va avoir l'excellente paie qui va avec le poste, sans parler des à-côtés et sans parler non plus de la retraite dorée que ces cinq ans d'exercice lui vaudront en plus de toutes les autres retraites de ses différents mandats.
Il n'y a que les cheminots et les autres travailleurs des services publics qui, selon ces messieurs, dans cette société, seraient des privilégiés, mais pas ces hommes de pouvoir aux opinions fluctuantes.
Quant à ceux d'entre eux qui n'ont obéi à aucune sirène, c'est uniquement parce qu'ils n'en ont pas entendu.
En ce qui concerne le monde du travail, son avenir proche ou lointain dépend uniquement de sa capacité collective à repousser les attaques du patronat.
Il faut être convaincu que les lois peuvent se changer ou être retirées sous la contrainte des luttes sociales. Il est arrivé fréquemment que « la rue », comme le dit le patronat, ou les grèves imposent des lois ou en fassent abandonner, et ce peut être le cas de toutes les lois qui réduisent les droits et les acquis sociaux des travailleurs.
Les luttes peuvent surgir spontanément, mais elles pourraient être aussi organisées par les directions syndicales. C'est rarement le cas car celles-ci se contentent souvent, ou presque toujours, de journées d'action sans lendemain. En fait, là encore, c'est leur propre base qui peut leur imposer d'organiser les luttes nécessaires.
Une offensive générale du monde du travail ne se déclenche pas en claquant des doigts, disent les dirigeants ! C'est vrai, mais elle peut se préparer. Les journées d'action, si elles sont renouvelées, peuvent démontrer aux travailleurs eux-mêmes qu'ils sont nombreux à pouvoir et à vouloir se battre. Une journée d'action réussie peut encourager et entraîner un plus grand nombre de travailleurs à participer à la suivante, à condition de l'avoir annoncée à l'avance comme menace contre le patronat et l'Etat, et comme perspective pour les travailleurs. Des journées d'action se succédant et se renforçant dans un temps relativement court peuvent préparer et conduire à une grève générale.
C'est pourquoi d'ailleurs nos camarades, dans les entreprises, participent à la vie syndicale et y prennent leurs responsabilités. Pas pour y recruter des militants politiques mais pour amener les syndicats à jouer leur rôle.
Cependant, si l'on prépare et si on fait de la propagande pour une offensive générale, une contre-offensive, il ne faut pas se contenter de revendications particulières ou secondaires. Il faut viser à changer le rapport de forces entre les dirigeants de l'économie et les travailleurs. Il n'est pas question de révolution dans n'importe quelle situation. Mais entre le pouvoir absolu des maîtres de l'économie et une révolution sociale, il y a des rapports de forces intermédiaires. Et l'une des premières étapes dans ce domaine est d'imposer le contrôle des travailleurs, de la population, sur les comptes de toutes les grandes et moyennes entreprises.
Nous vivons aujourd'hui dans une situation économique où il est évident qu'on ne peut pas, sans risques majeurs, laisser les financiers gouverner la société et le monde.
On a vu avec la crise de l'immobilier et des prêts à risque aux Etats-Unis, combien le monde de la finance était opaque, au point que même les banques entre elles ne se fassent plus confiance car elles ne savaient même pas qui d'entre elles était en danger et qui ne l'était pas. Cette crise, en apparence mineure au départ, a failli déboucher sur une crise mondiale. Et il n'est pas dit que ce soit terminé.
La population, la société, ne peuvent pas vivre sous la menace permanente que font peser les tractations financières sur toute l'économie.
Plus près de nous, il y a le scandale de EADS-Airbus où ce qu'on supposait est maintenant étalé au grand jour. Il est aujourd'hui officiel que les plus importants actionnaires de EADS étaient au courant de retards de plusieurs années dans la fabrication d'Airbus. Cela impliquait que les actions allaient baisser et ils ont vendu discrètement une partie des leurs avant cette baisse. Cette vente et surtout ces retards, une fois publics, ont d'ailleurs précipité la baisse des actions EADS en Bourse de 50 %. Le pire, bien que cela n'ait rien d'étonnant, a été que ces financiers aient pu vendre leurs actions aussi rapidement, tel Lagardère, uniquement grâce à l'aide de l'Etat qui en a racheté une partie par l'intermédiaire de la Caisse des dépôts et consignations. Tout cela pour conduire à une situation qui s'est conclue par l'annonce de 10 000 suppressions d'emplois à Airbus.
Seuls la population et les travailleurs étaient dans la plus totale ignorance.
C'est au moins à cela qu'il faut mettre fin. Il faut au moins contrôler ces puissances d'argent et éclairer ce qui se passe dans les Conseils d'administration, savoir qui détient l'argent, d'où il vient, où il va, par où il passe et quels sont les projets de ces gens-là. C'est cela qui, pour nous, est une partie essentielle d'un programme qui puisse, pour une période, changer le rapport de forces entre financiers et travailleurs.
Il faut certainement une lutte d'envergure pour l'imposer, mais il faut aussi qu'une grève générale ne se limite pas à une grève qui fait reculer le patronat sur des détails, sur des revendications données d'une main et vite reprises de l'autre.
Changer les hommes politiques qui sont sur le devant de la scène ne changera rien de fondamental à ce qui précède. Aussi bien les partis qui se disent de gauche que ceux qui s'affirment ouvertement de droite défendent ce système social et économique, même si dans la forme, la gauche et la droite n'ont pas le même langage.
Notre activité militante doit donc continuer à défendre ces idées au sein du monde du travail, à organiser le maximum de travailleurs, jeunes et moins jeunes, qu'ils soient intellectuels ou manuels, pour participer à ces combats et se cultiver afin d'en être capables.
21 octobre 2007