La laborieuse mise sur pied d'un marché capitaliste commun à l'échelle de l'europe

Avril 1999

Depuis la fin du siècle dernier, le problème qui se posait à ces pays, en particulier l'Angleterre, la France, l'Allemagne et aussi la Belgique, auxquels on pourrait ajouter la Hollande et le Luxembourg, était que leurs entreprises étaient déjà capables de fabriquer pour un marché bien plus large que la population de chacun de ces pays et que le marché solvable qu'elle pouvait leur offrir.

Lorsque la reconstruction fut achevée, après la Deuxième Guerre mondiale, certaines des plus grandes entreprises industrielles, plus modernes, étaient encore plus performantes et étouffaient encore plus entre les limites de leurs frontières nationales.

Les capitalistes n'étaient pas sans rêver à la puissance des entreprises américaines qui travaillaient pour un marché de plusieurs centaines de millions d'habitants, les uns très solvables, les autres pas du tout, et avec un grande partie qui l'était moyennement. Comme on dit, les entreprises pouvaient choisir de vendre cher à peu de consommateurs, ou pas cher à beaucoup. Cela dépendait des produits, du Coca-Cola et des Mac Donald's aux automobiles ou aux avions. Le tout était que la marge de profit soit suffisante.

Mais en Europe, les capitalistes étaient limités par leur population nationale et les variations, considérables d'un pays à l'autre, de la moyenne des revenus. De plus, vendre à toute l'Europe se heurtait aux barrières douanières, aux réglementations différentes et surtout aux monnaies et aux fluctuations de leur valeur.

C'est ainsi qu'à côté de la monnaie unique prit corps, pour certains groupes économiques, l'idée pas tout à fait nouvelle d'ailleurs, d'un marché unique à l'échelle de l'Europe, d'un marché commun sans frontières, sans douanes et avec des législations économiques uniformes.

Cette évolution n'alla pas sans mal.

D'abord, pendant la période inflationniste, les industriels et les financiers avaient trop besoin de l'aide de leur propre Etat pour leur assurer des commandes au moyen de la planche à billets, pour faire baisser la rétribution des travailleurs malgré le plein emploi, au travers de l'inflation, pour exporter plus facilement, ne serait-ce que pendant peu de temps, par les dévaluations ; pour limiter la concurrence de leurs voisins et ennemis sur leur propre marché intérieur par les douanes ou les réglementations, etc., etc. C'est-à-dire, finalement, pour se jeter dans les bras de leur propre Etat dès qu'ils en avaient besoin. L'étatisme, ils ne le critiquent que là où ils n'en ont pas besoin.

Aujourd'hui, avec le développement technologique et industriel, ajouté aux nécessités d'exporter sur le marché mondial, le marché commun a obtenu le soutien de la plupart des grands groupes financiers et industriels. D'autant qu'ils se sont encore plus internationalisés par des participations mutuelles, des fusions entre eux ou des fusions internationales.

Le marché commun peut représenter pour eux un marché intérieur potentiel de plusieurs centaines de millions d'habitants, riches ou pauvres, de quoi développer de très grandes entreprises. Même si les grands groupes se font concurrence, ils peuvent se partager ce marché ou s'interpénétrer, leurs arrières assurés par ce marché intérieur à l'égal de celui des USA. Ils espèrent aussi pouvoir tenir une place de premier rang sur l'arène mondiale et concurrencer l'impérialisme américain ou l'impérialisme japonais. Et cela d'autant plus si la monnaie unique, l'euro, appuyée sur un tel marché et sur un tel potentiel industriel, tient ses promesses et se révèle capable de concurrencer le dollar comme monnaie de réserve, dans tous les Etats du monde à monnaie faible, ou comme monnaie d'échange internationale.

Jusque là, quelque 60 % des échanges mondiaux se font en dollars, d'où une inégalité fondamentale avec les autres, car les capitalistes nord-américains peuvent prévoir leurs recettes et leurs dépenses indépendamment des fluctuations monétaires puisque de toute façon elles seront libellées dans leur propre monnaie. Et les grands groupes industriels européens voudraient bien bénéficier d'un avantage analogue, ce qui serait le cas s'ils pouvaient réaliser leurs échanges en euros.