À bas l’intervention impérialiste de la France au Mali !

février 2013

Sous la présidence de Hollande, la France vient de s'engager dans une de ces interventions impérialistes dont elle est coutumière, au Mali, dans son ancienne zone coloniale.

La Françafrique à la sauce Hollande

Il y a quelques mois, Hollande, récemment élu, s'était fait fort de mettre fin à la Françafrique, cet héritage du colonialisme sur une partie de l'Afrique, combinaison de soutiens aux dictateurs africains, de réseaux opaques et de pillage des ressources humaines et matérielles de ce continent. Il y a cinq ans, Sarkozy avait tenu le même discours, sans que rien ne change. Et il y a vingt ans Mitterrand, dont Hollande se veut l'héritier, avait dit à peu près la même chose, sans que rien ne change non plus. Pour ceux qui accordaient à Hollande le bénéfice du doute, l'opération militaire Serval, lancée au Mali le 10 janvier, a révélé ce qu'il en était en réalité. Les habitants du nord du Mali, dominé depuis plusieurs mois par des groupes armés islamistes, vivent un calvaire. Et on peut comprendre qu'une grande partie des travailleurs maliens, au Mali et en France, ne veulent pas des islamistes et de leurs pratiques barbares et rétrogrades : femmes voilées de force ; couples non mariés lapidés ; voleurs aux mains tranchées ; cigarette, alcool ou danse interdits, etc. Mais ces travailleurs se trompent quand ils se réjouissent de l'intervention de l'armée française. Elle ne va pas au Mali pour protéger les habitants. Et elle est même un facteur d'aggravation. Le sort des populations africaines a toujours été le cadet des soucis de l'État français, du Rwanda à la Côte d'Ivoire, du Gabon au Tchad. En réalité, la France défend ses intérêts impérialistes au Sahel et en Afrique de l'Ouest : pétrole en Mauritanie, or au Mali, voies de circulation dans une zone qui fut longtemps sous sa tutelle coloniale et où ses placements sont nombreux (Burkina Faso, Guinée, Côte d'Ivoire, Sénégal). Surtout, le Niger est devenu la principale source d'approvisionnement d'Areva en uranium, et la prétendue « indépendance énergétique » de la France - les profits d'Areva et d'EDF - dépendent de la sécurité des mines dans cette région.

La résolution 2085 de l'ONU, en décembre 2012, avait entériné une opération de la CEDEAO (Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest), où la France n'offrirait qu'un appui logistique, sans participer aux combats dans son ancienne colonie. Ce cache-sexe est maintenant tombé. Seules des troupes françaises interviennent, en appui au fragile pouvoir malien. À la date où nous écrivons, il y aurait bientôt 2 500 soldats, des chars et des missiles, en plus des bombardements déjà opérés depuis le 10 janvier. L'armée française était déjà bien présente dans la région : d'ailleurs, les troupes engagées sont en partie celles impliquées dans l'opération Sabre, présentes au Burkina Faso et en Mauritanie depuis deux ans ; celles de l'opération Licorne, commencée en 2002 en Côte d'Ivoire, et utilisée en 2011 pour installer Alassane Ouattara au pouvoir ; et celles de l'opération « provisoire » Épervier, engagée au Tchad en... 1986, en soutien au dictateur Hissène Habré, et qui sert maintenant de béquille au dictateur Idriss Déby.

L'opération Serval a fait l'unanimité des grands médias français et quasiment l'union sacrée des partis politiques. Là encore, la droite sait se montrer respectueuse, quand il s'agit des intérêts de l'impérialisme français. Du côté de Jean-Luc Mélenchon, les principales réserves viennent du fait qu'Hollande a agi «seul, sans en saisir préalablement ni le gouvernement, ni le Parlement», comme si cela changeait quelque chose ! Le PCF a tenu à peu près le même discours, soulignant que la guerre comporte « des risques », ce que même les militaires veulent bien admettre, mais sans la condamner.

À l'enthousiasme des premiers temps des va-t-en-guerre, risquent fort de succéder quelques déconvenues. En tout cas, à cette heure, la seule position qui prenne en compte à la fois les intérêts des travailleurs français et africains, et qui exprime une solidarité des exploités, c'est : À bas l'intervention impérialiste au Mali !

La droite requinquée par la bataille contre le mariage homosexuel

Après ses premiers huit mois au pouvoir, le gouvernement Hollande-Ayrault n'était déjà pas très populaire, y compris auprès de son électorat. Mais il a encore gagné en impopularité.

Depuis la rentrée de janvier, l'actualité a d'abord été occupée par le débat sur le mariage homosexuel. La droite en a fait un cheval de bataille. Il faut dire qu'après sa défaite aux élections présidentielle et législatives du printemps 2012, la guerre des chefs pour la présidence de l'UMP, en décembre, avait quelque peu désemparé son électorat et ses militants. Avec le « mariage pour tous », l'occasion de se remettre en selle était trop belle. L'UMP pouvait resserrer les rangs et entraîner l'ensemble de la droite, y compris le Front national, car elle s'appuyait sur les sentiments conservateurs et réactionnaires de cet électorat. En fait, l'UMP n'a même pas eu à trop se mobiliser : il lui a suffi d'enfourcher le même cheval que l'Église, qui menait déjà campagne depuis des mois. Archevêques et curés de campagne ont mouillé la soutane pour entraîner tout ce que le pays compte de grenouilles de bénitier et de culs-bénis, et fustiger ensemble ce qu'ils présentent comme un tort fait aux enfants, au nom de la famille traditionnelle. La droite, UMP en tête, a donc pris le train en marche, notamment en se mobilisant largement lors de la manifestation du 13 janvier à Paris.

Sur le fond, les révolutionnaires sont opposés à cette institution qu'est le mariage, car c'est avant tout un contrat juridique destiné à régir la transmission de la propriété et, selon les époques et les pays, il a toujours officialisé la subordination des femmes. Nous sommes pour l'union libre. Mais dans la société actuelle, le mariage confère des droits que ne donne pas l'union libre. Et nous sommes pour l'égalité des droits, y compris ceux qui concernent l'adoption et la filiation, les enfants élevés par des couples homosexuels n'étant ni plus ni moins équilibrés que ceux élevés par les couples hétérosexuels. Et puis, quand il s'agit de « vie de famille », la droite a des indignations bien sélectives. On ne l'entend pas s'élever contre le travail de nuit (3,5 millions de salariés en France) ni contre celui du dimanche (8 millions), qu'elle a facilités quand elle était au pouvoir, ni contre la flexibilité, qu'elle défend tous azimuts, qui nuisent pourtant gravement à la vie de famille.

Mais l'enjeu du « mariage pour tous » est secondaire sur le plan social. En revanche, sur le plan politique, la droite a marqué des points. Elle a trouvé une occasion de se remobiliser, de battre le pavé et d'occuper de nouveau le terrain. Dans un contexte où les travailleurs ne se mobilisent pas, la droite et l'extrême droite veulent apparaître comme la seule opposition, confortée par l'image politique lamentable que donne le gouvernement socialiste.

Celui-ci se serait sans doute passé de cette contestation, mais il n'est pas forcément fâché qu'elle se focalise sur la question du mariage. C'est un sujet sur lequel son électorat et, semble-t-il, une majorité de Français lui donnent raison. Surtout, c'est une question sociétale, où les intérêts vitaux et économiques de la bourgeoisie ne sont pas en cause. Alors qu'il y a 1 500 chômeurs de plus par jour, 5 millions en tout, et que plusieurs attaques d'ampleur contre les travailleurs se précisent, mettre le « mariage pour tous » au centre du débat politique est bien commode.

Un accord sur la flexibilité qui comble le patronat

La droite, si véhémente quand il s'agit de contester le droit au mariage des homosexuels, applaudit évidemment l'accord sur le marché du travail obtenu le 10 janvier par le patronat. Cet accord ouvre la voie à un changement législatif, en avril ou en mai, qui va faciliter la précarisation et l'exploitation accrue de millions de salariés. Oh, le patronat n'a pas attendu cet accord pour recourir massivement à la flexibilité. Mais l'accord signé va ouvrir grand la porte aux « accords de compétitivité », c'est-à-dire au chantage patronal, où les travailleurs d'une entreprise donnée devront choisir entre une baisse de leur salaire, une mutation à l'autre bout du pays, la suppression de RTT, ou encore la modulation de la durée du travail... et le licenciement. Quand ce n'est pas le cumul de ces régressions, comme essaie de le faire Renault en cherchant à imposer un « accord de compétitivité » drastique (mobilité obligatoire ; vol d'heures cumulées dans les compteurs de temps des salariés ; suppressions de RTT ; flexibilité...) tout en programmant 8 260 suppressions d'emplois d'ici 2016. Les dirigeants syndicaux qui ont signé l'accord sur l'emploi entérinent par avance ce que Renault va vouloir imposer à ses salariés.

Cet accord va aussi favoriser la précarisation des salariés. Là encore, ce n'est pas chose nouvelle. Le développement massif du nombre des missions d'intérim et des contrats à durée déterminée est là pour en témoigner ; aujourd'hui, moins d'un contrat de travail signé sur cinq est un CDI, le reste étant fait de contrats précaires. Et même un CDI ne garantit pas forcément un emploi durable, comme les salariés de Virgin, de Doux, de PSA, de Petroplus ou de Sanofi en font l'amère expérience. Mais si le patronat voulait que sautent quelques verrous juridiques supplémentaires, c'est pour que les licenciements individuels et collectifs lui coûtent le moins cher possible et puissent plus difficilement être contestés devant un tribunal.

Le patronat jubile : ce que Sarkozy n'avait pas réussi à faire durant son mandat, Hollande va le faire, avec le concours de la CFDT qui plus est. En signant cet accord, la CFTC, la CGC et la CFDT aident le patronat à placer un pistolet sur la tempe des travailleurs. La CGT et FO ont déclaré qu'elles ne signeront pas, fort heureusement, cet accord. Malgré tout, en participant depuis des mois à cette mascarade appelée sans rire « négociation sur la sécurisation de l'emploi », elles n'ont pas contribué à éclairer la conscience des travailleurs sur les dangers qui les menaçaient. Ce n'est certes guère surprenant de la part de dirigeants syndicaux qui, quoi qu'ils disent, pratiquent pleinement la concertation. Le gouvernement et le Parlement à majorité PS vont transformer cet accord en loi. Ce sinistre épisode est là pour nous rappeler que, pour se défendre, les travailleurs ne peuvent compter que sur eux-mêmes. Et jamais, jamais sur les faux amis de la gauche ou des directions syndicales.

18 janvier 2013