Opportunités en Russie : un pays à détrousser

Yazdır
13 novembre 1998

Un peu à l'Ouest du Japon et de la Thaïlande, il y avait un autre pays avec quelques bonnes opportunités à saisir : la Russie.

En effet, l'Etat dirigé par Eltsine avait de forts besoins de financement. Le chaos politique qui s'est installé dans l'ex-URSS a pour conséquence que les impôts ne rentrent pas et que l'Etat russe vit d'expédients, courant d'un emprunt à l'autre. L'économie ne parvient pas à fonctionner suivant ces fameuses "lois du marché" qui étaient censées introduire la prospérité. Les capitalistes occidentaux ne s'y trompent pas, et ils préfèrent ne pas aller investir là-bas, sauf justement quand c'est l'Etat lui-même qui a besoin de financement. Cela a été le cas à partir de 1995 quand, pour tenter de trouver de l'argent pour boucler ses fins de mois, l'Etat russe a émis des bons d'Etat, les GKO, offrant des intérêts à court terme parmi les plus élevés du monde. Avec des GKO, on pouvait encaisser un intérêt allant jusqu'à 40 % sur trois mois. Rien à voir avec le livret de caisse d'épargne !

Pour en profiter, les spéculateurs de toute la planète se sont donc précipités. Les banques russes elles-mêmes, pour n'être pas les dernières, ont emprunté des dollars en quantité sur les marchés financiers pour acheter des GKO à l'Etat russe. Cela ne pouvait évidemment pas durer toujours, et rapidement les mêmes spéculateurs ont commencé à évacuer leurs capitaux, augmentés du profit encaissé. Bientôt, l'Etat russe s'est trouvé incapable de soutenir le cours du rouble et cela a été la dévaluation annoncée le 17 août dernier. Le système bancaire russe s'est effondré en même temps.

Mais là aussi, tout le monde n'y a pas perdu. Il faut dire quelques mots par exemple de ce qu'on appelle "l'aide" occidentale à la Russie. Cette "aide" peut venir de banques occidentales, parmi lesquelles des banques françaises comme la BNP ou le Crédit Lyonnais, et elle a consisté surtout à se faire les intermédiaires de l'Etat russe lorsque celui-ci avait besoin d'emprunter. Bien entendu, ces banques prenaient leur bénéfice au passage. Elles n'ont pas été non plus les dernières à profiter des fameux GKO. Et si à la fin de l'opération il leur reste des créances irrecouvrables en Russie parce que l'Etat russe ne peut plus payer, cela représente sans doute peu de choses par rapport aux profits faits les années précédentes. D'autant plus qu'il est probable que l'Etat, français cette fois, couvrira en fin de compte ces pertes des banques. Il en est de même pour les banques allemandes, qui étaient plus engagées que les banques françaises en Russie. Elles sont prêtes, paraît-il, à faire une croix sur les crédits accordés à la Russie. Cela s'explique très bien... par le fait que l'Etat allemand a garanti à 90 % le remboursement de ces sommes.

C'est donc le contribuable allemand ou français qui, en dernière analyse, paiera pour cette "aide". Et ce n'est nullement une aide à la population russe, dont une bonne partie continue à voir ses salaires non payés et qui ne voit même pas la couleur de ces milliards qui transitent pour un très court instant dans les caisses de l'Etat. C'est une aide au profit des banquiers français ou allemands et de quelques margoulins russes avec qui ils travaillent.

Ajoutons enfin que, derrière les Etats il y a le FMI, le Fonds Monétaire International, dont les caisses sont alimentées essentiellement par les banques centrales des pays occidentaux. Le FMI a apporté des crédits à l'Etat russe pour lui permettre de boucler ses fins de mois... crédits qui ont fini par servir surtout à payer des taux d'intérêt usuraires comme ceux de ces fameux GKO. Cet argent revenait donc en partie vers les banques occidentales, et quand ce n'était pas le cas c'était pour aller sur les comptes des margoulins russes, la poignée de "nouveaux riches" qui pouvaient mettre leur argent dans la spéculation sur les titres d'Etat, c'est-à-dire quelques banquiers ou financiers ou des chefs de la mafia. Inutile de dire que ces gens-là aussi ont pris leur bénéfice, puis se sont dépêchés de convertir leurs roubles en dollars ou en marks pour aller mettre leur fortune à l'abri sur un compte dans une banque suisse.

Mais après le krach financier de la Russie en août, on a assisté à l'accélération de la panique financière. Celle-ci a gagné les Bourses d'Amérique latine. Là aussi, les capitaux se retirent en désordre par crainte d'une crise de l'économie et d'une dévaluation des monnaies, qui actuellement à l'exception de la monnaie du Mexique sont indexées sur le dollar. La chute des prix des matières premières, notamment du pétrole pour un pays comme le Venezuela, réduit les recettes d'exportation. La dette extérieure augmente. Entre janvier et septembre 1998, la Bourse chilienne a perdu 33 %, la brésilienne 39 %, et la Bourse vénézuelienne a même perdu 69 % ! Le scénario ressemble à celui de l'Asie du Sud-Est ou de la Russie. Pour retenir les capitaux, l'Etat brésilien a dû servir des taux d'intérêt atteignant 49,75 %, et la crise n'est certainement pas finie.