De la guerre à la crise (1945-1975)

печать
14 mars 1997

La remise en route de l'économie...

Au sortir de la Deuxième Guerre mondiale, l'impérialisme américain, dont l'économie non seulement n'avait pas subi de destructions mais s'était au contraire renforcée, dominait, encore plus qu'après la Première Guerre mondiale, toutes les autres puissances impérialistes.

Les principales d'entres elles, l'Angleterre et, surtout, la France, l'Allemagne et le Japon, qui avaient subi le plus de destructions, devaient remettre en route leur économie, en réparant les voies de communications endommagées, en rétablissant la production d'énergie : charbon, hydro-électricité, d'autant que les dollars manquaient pour importer du pétrole, et en reconstruisant les usines détruites. Les Etats prirent en charge cette remise en route, que les capitaux privés ne pouvaient, voire ne voulaient, pas assumer car c'étaient des investissements trop lourds et sans rentabilité prévisible.

Cela se fit donc sur le dos de classe ouvrière par une exploitation renforcée, l'allongement des horaires de travail et le maintien de bas salaires, constamment amputés par l'inflation. L'inflation était alors de 10 ou 20 % par an car ces Etats ne payaient leurs dépenses intérieures qu'en émettant de la monnaie. Au point que leurs monnaies ne valaient rien sur le marché international, même pas le papier sur lequel elles étaient imprimées....

Les importations étaient alors impossibles, faute de moyens de paiement acceptés. La seule monnaie qui l'était, c'était le dollar. Encore fallait-il en avoir et il n'y avait rien à vendre aux Etats-Unis pour s'en procurer.

Les pays européens en étaient réduits au troc entre eux, à tel point que tel ou tel accord de troc, ou traité d'échange bipartite, comme on disait alors, était présenté comme un énorme progrès et que le jour où il y eut la possibilité d'échanges triangulaires, d'accords tripartites, cela fut présenté comme une véritable victoire.

...sous l'égide des Etats-Unis

Avec le plan Marshall et le plan Dodge, les Etats-Unis, pour des raisons politiques et stratégiques face à l'URSS et à la Chine, pour des raisons économiques aussi car ils avaient besoin du retour à la normale du marché mondial, ont prêté aux impérialismes européens et japonais des capitaux qui leur permirent peu à peu d'amorcer la pompe du commerce international. Les prêts américains jouèrent un rôle majeur dans le redémarrage des échanges entre les puissances européennes, ce qui d'ailleurs était nécessaire aux exportations américaines de marchandises comme de capitaux.

Seule la zone contrôlée par l'Union soviétique échappa à la pénétration directe du capital américain, sans pour autant échapper complètement à sa pression.

C'est également sous l'égide des Etats-Unis qu'ont été créés ces organismes internationaux destinés à mettre de l'huile dans les rouages de l'économie capitaliste internationale, sans laisser jouer de façon trop aveugle les lois du marché, tout en assurant la domination des Etats-Unis : Fonds monétaire international, Banque mondiale, GATT, OCDE, etc.

En même temps, l'impérialisme américain assurait sa domination politique sur la planète.

Expression du rôle dominant joué par l'économie américaine, le dollar était à la fin de la guerre la seule monnaie susceptible d'être utilisée dans le commerce international de l'époque.

Les dollars servirent aux échanges, à l'égal de l'or, et les excédents de dollars furent stockés par toutes les banques centrales dès qu'elles en eurent assez pour faire des réserves de change.

Le mythe des "Trente glorieuses"

Une fois les économies des autres pays impérialistes remises en route, dans le cours des années 50, le commerce international commença à se développer de même que la production. Cela entraîna une amélioration du niveau de vie de la population laborieuse. Les nouveaux produits de consommation, électroménager par exemple, motos, scooters et petites voitures, se répandirent, et l'on vit même réapparaître des marchandises américaines ou des éléments américains dans des produits industriels de grande consommation produits en Europe ou au Japon.

C'était le début de ce qu'on a appelé bien abusivement les "30 glorieuses" car dans aucun pays cette relative prospérité économique n'a duré 30 ans. Elle a duré 15 ans, au maximum 20. En France par exemple, la remise en route de l'économie ne fut achevée qu'au milieu des années 50 et la période de croissance qui suivit ne dura que de 1955 à 1973.

Et cette courte période n'a été vraiment "glorieuse" que pour les profits capitalistes car les travailleurs, s'ils ont vu les biens de consommation qu'ils pouvaient acquérir augmenter, ne profitèrent ainsi que d'une très faible part des gains de productivité, malgré beaucoup d'heures de travail. Et le niveau de vie des travailleurs connut d'énormes inégalités. Car il ne faut pas oublier qu'une partie de l'augmentation de la production se fit en allant chercher au Maghreb des travailleurs qu'on pouvait sous-payer et faire vivre dans des bidonvilles : bidonvilles qui ne disparurent des portes de Paris qu'après 1968, c'est-à-dire peu d'années avant le début de la crise.

Pour le reste, ces années dites "glorieuses" n'ont pas été exemptes de récessions, notamment aux Etats-Unis.

Les origines du marché commun

En fait, dès le début des années 60, où la paralysie du commerce mondial due aux séquelles de la guerre commença à guérir, les autres contradictions de l'économie capitaliste, dont les rivalités inter-impérialistes, revinrent au premier plan.

Les grands monopoles capitalistes, à l'étroit dans leurs frontières nationales, rivalisèrent à nouveau pour la conquête de marchés aussi bien pour leurs capitaux que pour leurs marchandises. La rivalité était d'autant plus ouverte que les chasses gardées des empires coloniaux, dont avaient longtemps bénéficié les impérialismes occidentaux, étaient en train de disparaître.

L'arène mondiale était donc tout entière ouverte à la guerre économique entre les grandes entreprises capitalistes, européennes, américaines et japonaises.

Pour tenter d'élargir leurs marchés nationaux et permettre ainsi à leurs entreprises de mieux aborder la concurrence sur le marché mondial, six pays européens dont la France et l'Allemagne s'engagèrent en 1957, avec les traités de Rome, dans un processus qui allait aboutir onze ans plus tard, en 1968, à un début de marché commun, avec la suppression des droits de douane, entre les six pays en question, et la mise en place d'un tarif douanier commun vis-à-vis des autres pays.

La crise monétaire, une des formes de la crise du système capitaliste

Mais le Marché commun était à peine mis en route que la crise monétaire éclatait, et entraînait en 1971 la décision du Trésor américain de supprimer la convertibilité du dollar en or et de dévaluer celui-ci. Ce fut alors l'effondrement du système monétaire international jusque-là basé sur le dollar et le flottement généralisé des monnaies les unes par rapport aux autres, ce qui priva les échanges internationaux de toute base monétaire stable.

C'est qu'entre temps, à partir de 1962, deux phénomènes affaiblirent le dollar. D'abord le coût grandissant de la guerre du Viet-Nam qui amena le gouvernement américain à recourir de plus en plus, et même massivement à la fin, à la planche à billets. Au début, il réussit, comme par le passé, à exporter sa propre inflation. Mais au fur et à mesure que les économies européennes et japonaise s'affermissaient, leurs monnaies en faisaient autant, et ils ne gardèrent pas tous leurs dollars. Ils en demandaient même, modestement mais de plus en plus, l'échange contre de l'or. Et les réserves de Fort-Knox s'affaiblirent au point de risquer la banqueroute totale. De là la dévaluation du dollar, et la décision de ne plus le convertir.

La crise économique prit donc d'abord la forme d'une crise monétaire ; puis, en 1973, elle prit la forme de ce qu'on a appelé la crise pétrolière ; enfin en 1974-1975 celle d'un net recul de la production. A partir de 1974-75, la crise de l'économie entraîna un regain de protectionnisme, y compris au sein du dit "marché commun", avec l'apparition de barrières réglementaires visant à gêner les importations de marchandises en provenance des autres pays. Depuis lors, on a connu une relative stagnation de la production, les périodes de franche récession alternant avec des périodes de croissance faible.

Mais quelle que soit sa forme ou le nom qu'on lui donne, c'est la crise permanente du système capitaliste.

Voilà maintenant près d'un quart de siècle que le marasme économique s'alimente de lui-même, que la production ne repart pas et que les forces productives de la planète sont immobilisées. C'est aussi une forme de mondialisation.