Nationalisme contre mondialisation : un piège mortel pour les travailleurs

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14 mars 1997

"Le monde est entré dans une phase de croissance longue. Désormais, les capitaux irradient l'ensemble de la planète", aurait déclaré Raymond Barre. Si c'est vrai, espérons que ce n'est pas au sens de Tchernobyl ! Mais les gens comme Barre ne peuvent tromper les travailleurs, sauf lorsqu'ils sont au pouvoir.

Et notre problème est aussi de combattre les affirmations de ceux qui se revendiquent, peu ou prou, de la classe ouvrière.

Le Parti communiste français, par exemple, dénonce à juste titre le capital financier, sa mainmise sur l'économie, la spéculation et bien d'autres choses encore. Il faut dire cependant au départ que même ce qu'il dit de juste est disqualifié par sa participation passée au gouvernement et par son intention d'y participer dans l'avenir.

Car, pour reprendre une expression de Lénine, le gouvernement c'est "le conseil d'administration de la bourgeoisie", c'est-à-dire l'instrument politique du capital financier et y participer, c'est se mettre au service du capital.

En outre, pour le PCF, très exactement comme pour les autres partis, les arguments économiques sont au service de sa démagogie politique du moment. C'est ainsi que les adversaires que le PCF désigne aux travailleurs sont, pêle-mêle, l'Europe, Maastricht, les délocalisations, les exportations de capitaux à l'étranger ou encore les diktats de la Bundesbank allemande. On a vu ce qu'il en est, dans la réalité, des exportations de capitaux, des délocalisations ou de l'Union européenne.

Le "social-chauvinisme" du PCF

Mais le Parti communiste français préfère s'engager démagogiquement sur le terrain nationaliste plutôt que sur le terrain de classe, et il se trouve alors en bien mauvaise compagnie. Un Le Pen utilise exactement les mêmes arguments. Lors de l'annonce du plan de 2 500 licenciements chez Moulinex comprenant la fermeture de son usine de Mamers, Bruno Mégret s'est rendu à Mamers pour lancer une campagne nationale contre la mondialisation et les délocalisations et le Front national est allé distribuer des tracts à la porte de l'usine. Il s'est promis d'intervenir sur le terrain à chaque fois qu'une entreprise serait menacée par la mondialisation. En défendant des positions nationalistes, le PCF apporte encore un peu plus d'eau sale au moulin du Front national.

Au lieu de dénoncer la guerre économique qui se mène entre les grands trusts et les Etats à leur service au sein de l'Union européenne, voilà le PCF qui vole au secours de l'Etat français et de ses prérogatives. Et il s'évertue à entraîner les travailleurs sur ce terrain, en compagnie de Chevènement, ancien ministre de la Défense nationale tout un symbole en lançant une grande pétition pour un nouveau referendum sur Maastricht et la monnaie unique. Ils y sont, en plus, en compagnie de Pasqua.

Mais le PCF croit si peu à ses propres arguments, ou attache tellement peu d'importance à ses prétendues convictions, que Robert Hue a déclaré que le problème de la monnaie unique n'était pas un obstacle à la participation gouvernementale du Parti communiste. La porte est basse pour entrer au gouvernement et le plat-ventre est de rigueur.

Les Etats du monde capitaliste sont les instruments de leur bourgeoisie depuis bien longtemps. Avec la concentration du capital et la prédominance du capital financier, ils sont devenus, depuis le début du siècle, les instruments serviles de leurs multinationales.

Tous ceux qui font mine de s'inquiéter de la prétendue perte du pouvoir des Etats face aux marchés financiers s'emploient en réalité à jeter un voile sur les relations réelles entre les Etats et le capital financier et visent à dédouaner les gouvernements pour une politique qu'ils mèneraient à leur corps défendant, sous la contrainte de diktats extérieurs qui leur seraient imposés.

Le PCF ne fait pas autre chose lorsqu'il accuse Maastricht de tous les maux. C'est là que la politique des dirigeants du PCF va à l'encontre des intérêts des travailleurs et reprend la politique et le rôle de la social-démocratie que Lénine dénonçait.

Et pour faire mine de défendre les travailleurs, ils font diversion avec des arguments nationalistes et social-chauvins qui obscurcissent la conscience de classe et qui contribuent à répandre le poison nationaliste, largement distillé déjà par la bourgeoisie, ses intellectuels, ses journalistes, ses politiciens et son extrême-droite.

La mondialisation au service de l'humanité, c'est la société communiste

Alors, vouloir ou prétendre s'opposer au caractère international de l'économie, c'est une utopie réactionnaire.

Le capitalisme a unifié la production à l'échelle du monde eh bien, tant mieux mais pas assez ! C'est sur la base de cette unification qu'il sera possible pour le prolétariat, pour les peuples du monde, de bâtir une autre organisation économique et sociale à l'échelle de l'ensemble de la planète. C'est le développement capitaliste qui a, dans sa période ascendante, jeté les bases sur lesquelles on pourra organiser à l'échelle du monde une économie rationnelle respectant les hommes et l'environnement, produisant tout ce qu'il faut et rien que ce qu'il faut, sans le gâchis actuel, humain et matériel.

A notre époque, il est plus évident que jamais qu'un certain nombre de grands problèmes de l'humanité ne peuvent être réglés qu'à l'échelle de toute la planète. Les Etats, les frontières sont des carcans qui étouffent, emprisonnent l'économie comme l'humanité, et ce sera la tâche de la révolution à venir que d'en débarrasser l'humanité.

Mettre fin au capitalisme...

Oui, il faut mettre fin au capitalisme, ce mode de production dépassé, incapable de sortir de ses contradictions, qui fait payer un coût exorbitant à l'humanité pour assurer le profit de quelques-uns. Il étouffe littéralement l'économie sous son parasitisme et, pour survivre, il rejette une partie de l'humanité dans la misère.

Le prolétariat ne peut pas imposer à la bourgeoisie la prise en compte des intérêts généraux de la population, ce qui lui est inconcevable, mais peut lui imposer une autre répartition et une autre utilisation des richesses, car cette répartition et cette utilisation sont l'expression d'un rapport de forces.

C'est une mesure de survie pour l'immense majorité de la population laborieuse.

Mais, au-delà, les travailleurs ont les moyens de débarrasser l'humanité, une bonne fois pour toutes, de ce système économique absurde qui fait payer au monde entier un prix exorbitant pour ses contradictions internes.

... en mettant l'économie au service de tous

Il est aberrant que des sociétés d'une taille équivalente à celle de tout un pays soient entre des mains privées.

Rien qu'en socialisant les quelques milliers, voire les quelques centaines, de très grandes entreprises, c'est l'essentiel de l'économie de la planète que le prolétariat aurait les moyens de réorganiser, tant la production est concentrée aujourd'hui.

C'est le capitalisme lui-même, en concentrant de façon extraordinaire la production, qui a jeté les bases d'une réorganisation de l'ensemble de l'économie mondiale.

La possibilité de planifier à l'échelle internationale n'est pas une projection dans l'avenir : les multinationales capitalistes le font déjà depuis longtemps en leur sein, mais pour leur propre compte, au détriment des peuples.

Lénine écrivait, dans l'ouvrage déjà cité :

"Quand une grosse entreprise devient une entreprise géante et qu'elle organise méthodiquement, en tenant un compte exact d'une foule de renseignements, l'acheminement des deux tiers ou des trois quarts des matières premières nécessaires à des dizaines de millions d'hommes ; quand elle organise systématiquement le transport de ces matières premières jusqu'aux lieux de production les mieux appropriés, qui se trouvent parfois à des centaines et des milliers de kilomètres ; quand un centre unique a la haute main sur toutes les phases successives du traitement des matières premières, jusques et y compris la fabrication de toute une série de variétés de produits finis ; quand la répartition de ces produits se fait d'après un plan unique parmi des dizaines et des centaines de millions de consommateurs (vente du pétrole en Amérique et en Allemagne par la Standard Oil), alors il devient évident que nous sommes en présence d'une socialisation de la production et non point d'un simple entrelacement, et que les rapports relevant de l'économie privée et de la propriété privée forment une enveloppe qui est sans commune mesure avec son contenu, qui doit nécessairement entrer en putréfaction si l'on cherche à en retarder artificiellement l'élimination, qui peut continuer à pourrir pendant un laps de temps relativement long (dans le pire des cas, si l'abcès opportuniste tarde à percer), mais qui n'en sera pas moins inéluctablement éliminée."

Lénine écrivait cela il y a 80 ans et, depuis, cette socialisation de la production s'est encore accrue avec la taille croissante des entreprises géantes. Mais il reste toujours à éliminer l'enveloppe pourrie de la propriété privée.

Tous les moyens matériels d'une planification rationnelle à l'échelle mondiale existent. Les satellites sont utilisés pour surveiller les cultures par exemple, mais à des fins de spéculation sur les futures récoltes, alors qu'ils pourraient, au contraire, préparer les échanges afin que nul n'ait faim. Les réserves de matières premières, de pétrole par exemple, sont évaluées en permanence par les multinationales pour fixer leur production et leurs prix. Les besoins peuvent être connus. Les multinationales, là encore, n'évaluent que la taille des marchés pour s'y adapter, c'est-à-dire les besoins solvables, mais il n'est pas plus difficile de recenser les besoins réels.

Il faudra mettre en place une monnaie mondiale, bien sûr, une unité de compte fiable, qui permette une comptabilité exacte des ressources et des besoins, de la production des biens nécessaires comme de leur répartition, une monnaie qui aidera les hommes à y voir clair dans leur activité économique et à la maîtriser.

Avant que le jour vienne où la monnaie ne sera plus utile.

La véritable mondialisation de l'économie, c'est-à-dire un développement harmonieux de la production, unifiant réellement le monde en intégrant les besoins de tous et les capacités de tous, ne peut pas être réalisée par le capitalisme. C'est le communisme qui l'accomplira.

C'est la seule perspective pour l'humanité, autre que la barbarie capitaliste. Elle est réalisable : l'humanité en a tous les moyens.

Seul le prolétariat en est capable

Il faut seulement que le prolétariat reprenne confiance dans sa force et sa capacité d'offrir une solution à l'humanité. La bourgeoisie et ses penseurs stipendiés le savent fort bien, qui assènent avec aplomb les mensonges les plus grossiers pour tromper les populations, relayés malheureusement depuis longtemps par les dirigeants de partis ouvriers qui ont renoncé à changer une société à laquelle ils se sont adaptés.

Comme le prévoyait Lénine, l'impérialisme a corrompu même le mouvement ouvrier et c'est grâce à cette corruption qu'il s'est survécu depuis le début de la Première Guerre mondiale. Il manque actuellement au prolétariat plusieurs générations successives de militants révolutionnaires. Une génération qui est morte assassinée par Hitler et par Staline. Et deux ou trois autres qui n'ont pas pu se former, la continuité étant brisée et le relais n'ayant pas pu être passé.

C'est à cela qu'est dû le retard de la révolution mondiale et c'est pourquoi l'enveloppe de la propriété privée sur l'abcès de l'impérialisme n'a pas encore été crevée.

Mais nous, nous sommes convaincus que l'histoire de l'humanité ne se terminera pas avec cette organisation sociale et économique qui la mène à l'abîme.

L'humanité est capable de la dépasser et elle a d'autres ressources à déployer.

Alors, pour la génération qui vient, il est certainement plus exaltant de participer consciemment à la préparation de cet avenir-là que d'attendre passivement que la société actuelle engendre les horreurs dont elle est encore capable.

Vive la révolution prolétarienne et vive le communisme !